C’est épuisée par notre escapade à Gaztelugatxe et de retour sur l’entrée que j’aperçois le tronc d’un très vieil arbre (comment ai-je pu le manquer à l’aller), sans aucun doute multicentenaire. Je fais quelques photos, mais je tremble de fatigue. Nous nous arrêtons dans ce que nous prenons pour un petit bar là pour soutirer de l’argent aux touristes assoiffés et affamés (c’est très très apprécié, croyez-le). Et je prends une glace, essentiellement parce que j’ai besoin de remonter mon niveau de sucre, de m’asseoir quelque part, de ne plus penser à rien. Je la mange en croisant les doigts, terrifiée à l’idée que mon travail sur l’allergie soit un fiasco et avec la certitude qu’il y aura, comme toujours, une réaction respiratoire (spoiler : ce sera ma première fois sans blocage de quelque sorte que ce soit, je vais respirer comme toi à plein poumon et dormir merveilleusement, c’est incroyable ce que la vie peut nous réserver tout de même, j’en pleurerais).






Ce petit bar est en fait un petit restaurant moderne, avec une esthétique nature magnifique. Mais en me rendant aux toilettes totalement à l’opposé, je m’aperçois qu’il y a une autre salle, là sur le côté et oh il y a une mezzanine, et… attends… euh… c’est immense en fait… Je n’ai pas réussi à compter toutes les salles, je n’ai pas osé déambuler ni photographier le lieu absolument incroyable pour ne pas dire improbable au standing luxueux. C’était un peu comme basculer d’une réalité à une autre, un bar sympathique d’un côté avec un restaurant tranquille, et un restaurant multi-étoilé de l’autre avec des salles pour se perdre, on ne sait plus, du bois partout, des vieilleries chinées, deux mondes incompatibles et pourtant liés avec goût, entre les vagues et les dragons anciens. De n’avoir pas osé m’aventurer, j’en garde une empreinte immense qui n’existe sans doute pas à ce point, je peux imaginer qu’il n’a aucune fin, que je pourrais m’y perdre à jamais comme Alice dans le terrier, tomber sans jamais en revenir. Un espace grandiose sur bien des plans, qui n’existe désormais que dans mon esprit.

Nous quittons les dragons pour la montagne. Le GPS nous égare un peu et je ne suis pas d’une très grande aide parce qu’en surcharge visuelle. Les routes ont mille panneaux et signes supplémentaires et encombrés d’informations par rapport à la France qu’il faut apprendre à déchiffrer tout en roulant. J’ai perdu de ma flexibilité de voyage, il semble, tout m’épuise, ma vision se réduit et c’est très inconfortable. Je profite, mais très en retrait (je n’ai jamais vécu ça ni en Italie, ni au Canada, je ne comprends pas cette fatigue éprouvante qui apparait ici à peine la frontière passée).
Nous arrivons sur notre première nuit espagnole, un lieu superbe où les plantes dominent l’espace. Nous sommes accueillis par une dame qui ne parle qu’espagnol ; nous mélangeons donc l’espagnol, l’anglais, le français avant que son mari n’arrive, bilingue anglais/espagnol (même s’il s’en défend). J’ai réussi à comprendre beaucoup de ses phrases et discours, tant il articulait bien. À d’autres moments je flottais dans un nuage étrange de sons, avant de raccrocher les mots et les sens, puis de les perdre de nouveau – j’ai tout de même dû saisir 75% de ce qu’il expliquait. Complètement incapable de lui répondre, j’ai le plus souvent baragouiné des trucs et des machins suffisants pour qu’on se comprenne. Sa femme de son côté trépignait de son seul espagnol.
Je me suis aperçu que tant qu’il restait dans l’accueil ou disons un certain thème, j’arrivais à suivre, à comprendre. J’ai décroché lorsqu’il a enchainé sur un sujet totalement autre : je ne m’y suis pas attendu. Il a parlé de ses différents métiers, il m’a fallu une vague traduction de quelques mots de LeChat pour réaliser dans quel registre nous étions et pouvoir, de nouveau, comprendre à peu près ce qu’il disait. J’ai trouvé ça… perturbant. Déracinée par le contexte.
Nous mangeons dehors, sur les tables prévues collées à la ferme et au jardin. Nous déambulons au milieu des plantes et des animaux, cochon, oies, poules, lapins. Je ne sais pas à quoi carbure le jardin, mais des plants de tomates en pleine montagne, en septembre, qui ressemblent à des buissons (quand chez nous ils sont rachitiques et n’ont rien donné), c’est impressionnant.
Je n’ai pas pris le temps de beaux cadrages, épuisée par la journée, les nouveautés, la langue à adapter, le froid qui s’installait. Et contrairement à ce que laisse penser le vague bleu de la première image, il faisait très gris.








LeChat et Chouette sont pieds nus, malgré une fraîcheur bien installée – les gouttes de pluie sont proches. Après le repas, toujours pieds nus, nous partons marcher autour du logis. Nous discutons un peu avec les vaches dans le champs, sans certitude d’être compris. Kira et moi ramassons des glands et surtout leurs cupules, va savoir pourquoi persuadés qu’on pourrait why not les utiliser dans des sculptures d’argile, et bientôt nos mains débordent – LeChat est consterné, mais habitué.
Le matelas est une merveille, la chambre est très spacieuse (trois lits) et a une salle de bain avec deux douches, deux lavabos, deux wc, c’est le grand luxe.
Au matin, le petit déjeuner est servi dans la salle commune, avec une confiture maison incroyablement délicieuse. Se loger ici est une douceur pour l’âme. Il faut pourtant bien repartir – dans un léger brouillard – mais qu’est-ce qu’on y était bien…

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