On se lève très tôt, tellement que la nuit nous possède encore. On prend pourtant le temps de travailler, lui le japonais moi l’anglais, ça nous met un peu sur le grill ensuite mais tant pis – l’importance des rituels. Et on déplace les meubles. Le canapé est décalé plus loin, mon bureau la chaise les petits meubles pour le créatif les plantes la poussière les toiles d’araignées les araignées les piles de livres – impression de pousser dans un ailleurs ce qu’on tait – le chevalet la table basse les fils les rallonges le meuble de cuisine les chaussures, tout s’en va, nous déjeunons rapidement et on continue, on en est encore à retirer la dernière plante immense que les électriciens sont là, quinze minutes en avance. Il est 8h15. Je me prépare et pars à la fripe, juste lorsqu’il dit « ça va faire du bruit », je lui réponds que ça tombe bien je pars et ça le fait rire. Moi, moins, je n’ai pas le temps de mettre mes chaussures qu’il m’assassine les oreilles à creuser le mur – je me recroqueville.
Lorsque j’arrive je suis seule, j’ai oublié de qui était composé le planning et c’est donc fort surprise, alors que A.M me l’a pourtant signalé lundi, que je vois arriver Hirondelle. Je suis ravie de la revoir, ça fait plusieurs mois qu’on ne s’est pas croisées. Elle me demande « comment tu vas en ce moment ? » et j’ai la pensée qu’il faudrait tout de même que les gens réalisent la portée de leur question, qu’il n’est jamais possible d’y répondre avec la sincérité que ladite question demande, et que parfois on ne sait même pas. Présentement, je ne sais pas – d’ailleurs. Je réponds donc que ça va pour ne surtout pas dérouler. Et pour couper encore plus court, j’enchaine sur elle ; elle a toujours beaucoup à raconter et ça ne manque pas, enfants, petits-enfants, rhumes, sinusite, fièvre, perte de poids, éducation contraire générationnelle problématique, je sais tout – donc je ne sais rien. C’est quelque chose que j’ai bien intégré, l’essentiel n’est jamais là – on se cache.
Et c’est dans un bel ensemble, très (très) culpabilisé pour ma part, que nous grimaçons à l’arrivée de Colombine – avec qui ça va cependant très bien se passer. Hirondelle la fuit (elle parle trop et en répétant, elle parle pour ne pas dire ce qui la ronge, je crois, elle parle pour taire, mais est-ce qu’on ne le fait pas tous à une échelle plus ou moins visible, de parler pour taire1), elle porte son travail dans la pièce où je travaille et nous bossons discutons ensemble tout du long. Je rattrape les erreurs de Colombine à qui je signale le plus gentiment possible que nous gardons les manches longues, ou qu’elle doit jeter les vêtements tachés déchirés sans me les donner à re-trier, que c’est sinon une grande perte de temps. Rien n’y fait. Même consigne à Maa, pour des raisons différentes cette fois, elle est handicapée, nous travaillons ensemble sur sa confiance en elle dans le travail et ça prendra du temps. Je n’ai aucun souci de patience avec elle, et je ne comprends pas pourquoi j’en ai avec Colombine. Me vient la pensée erronée que nous avons deux personnes avec un handicap mental, et non une, et que c’est peut-être sous cet angle que je dois approcher Colombine. Je veux dire, dans ma tête. Pour ajuster ma patience. Parce que sinon je vais trop vite (une consigne est censée être entendue, comprise, actée, surtout quand répétée plusieurs fois) et ça ne fonctionne pas avec elle, je dois faire avec ses blocages, peu importe leur origine (que je suppose de l’ordre du trauma, et un trauma crée le handicap c’est un fait). C’est fou que j’en sois encore là, à devoir adapter mon mental plutôt que m’adapter à elle directement – impression qu’elle active quelque chose chez moi, à travailler donc (mais est-ce que j’y mets suffisamment d’énergie).
LeChat tente de faire le tour de mes possibilités mais j’ai déjà tenté ce qu’il propose sans succès, lorsqu’il me dit soudain « mais peut-être que c’est mettre par terre, qui lui pose un problème inconscient ». Idée intéressante, la prochaine fois je lui donnerai un sac pour qu’elle y dépose ce qui doit être jeté, ça se tente.
Je suis triste de m’être agacée dernièrement. Et soulagée d’avancer.
Je me demande si cette difficulté ne vient pas du fait que je passe mon temps à m’adapter à mes filles, à mon mari, à moi-même, à ma filleule, à ma meilleure amie, à ma famille, à Maa, et que probablement, j’ai eu besoin de lâcher du lest avec les autres personnes au travail. Seulement ça ne fonctionne pas comme ça. Il n’y a pas de soupape. Nulle part.
– suis interpellée par le fait que j’aurais eu besoin d’une soupape.

Lorsque je rentre à midi en trottinette, je suis en hypoglycémie et ce n’est pas très secure, tout ça, je ne vais pas trop vite pour compenser le manque flagrant de concentration. Probablement parce que j’ai déjeuné très tôt ? Sûrement parce que je consume tout. Nous mangeons dans le silence des travaux ; ils refusent un café lorsqu’ils reviennent – personnellement, je prends.
La clim réversible est posée même s’ils n’ont pas terminé, nous avons aussi une nouvelle lampe dans la cuisine, deux prises à l’entrée, un interrupteur supplémentaire qui sépare salon et cuisine. Et pendant qu’ils travaillent toujours, je me pose sur le puzzle, je ne réfléchis à rien. Lorsqu’ils partent, je fais le ménage et je commence à trier ce qui part. Ce qui remplit la poubelle de papier, qui vient d’être vidée. Ce qui doit retrouver une place malgré un petit meuble éjecté. Très vite, je n’y arrive plus et retourne au puzzle. Je tais mon stress durant deux heures dans des pièces minuscules qui ont le bon goût de s’ajuster avec le temps et pas mal de persévérance.
Je me demande ce que je vais faire. Lorsqu’il sera fini.

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. Photo du titre : macro de tournesol
. Vidéos : j’ai créé cette page où je répertorie ce qu’on regarde en famille ou non, films et séries. J’y donne mon avis et quelques informations supplémentaires, comme les bande-annonces ou des photos.
. Petite prise de tête : The password (de rien)(amusez-vous un moment, qu’un truc apparaisse)
. Musique : First We Take Berlin – Rome
And once you ride that tiger
You cannot dismount
And when you fall
Will they lay your head
Where blossoms abound?
Why did you not know?
- et puisqu’on aborde le sujet, j’ai conscience de m’étaler davantage, de parler écrire pour ne pas avancer les pieds sur un autre sujet, parce que oui, là, j’ai besoin de ne pas. ↩︎
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Je crois qu’on parle beaucoup pour taire, c’est plus simple de laisser aller ce qui vient et de garder le reste, comme . sous scellé. Quand je parle beaucoup, je me fais cette réflexion « qu’est-ce que je tente de ne pas dire? ».
On a tous besoin de cette soupape car le taire est souvent trop intime.
Complètement d’accord pour la question et la réponse quasi impossible…
La plupart du temps trop intime, parfois trop violent. Ce sont pourtant les conversations que je préfère ^^’ Parce qu’on va au fond des choses. C’est dur de sentir ce qu’il y a en toile de fond et de ne pas pouvoir en parler. Ne pas pouvoir dire « je te vois ».
Oui je suis d’accord avec toi, ce sont aussi celles que je préfère. Je n’apprécie pas trop quand on reste en surface, surtout quand on sent que si on osait juste un peu on aurait une vraie conversation à coeur/corps ouvert. Mais ce n’est pas donné à tout le monde et tout le monde ne le souhaite pas. Beaucoup ne le souhaitent pas…c’est triste et en même temps ça évite les sujets trop sensibles.
Il faut vraiment que je creuse la discographie de Rome, j’aime tout ce qui me tombe dans les oreilles.
Je confirme, je les adore 🙂
Effectivement, parler permet de combler le vide et d’éviter d’aborder certains sujets…
Pour Colombine, peut-être qu’il faut changer d’approche oui, ou afficher des petits panonceaux avec des dessins 🤔
Je vois que vous avez finalement fait installer la clim, je pense que tu vas gagner au change question confort, surtout l’hiver car j’ai compris que tu as souvent froid. Nous on a pas fait réellement baisser notre facture par rapport à des radiateurs classiques mais au moins on a une bonne température et plus froid dans l’appart !
Très beau ton puzzle 😍je viens d’en finir un il faut que je choisisse le prochain
J’ai tenté de lui donner un sac plastique et c’était ça, jeter au sol devait poser un problème dont elle n’avait elle-même pas conscience. Je suis soulagée d’avoir une solution ^^
Oui ça y est ! Le budget est élevé mais le problème hiver/été est résolu, ça fait du bien déjà mentalement ^^
Oh toi aussi tu résous des puzzles ! Combien de pièces en général ? Tu les achètes ? (et tu en fais quoi, de ceux qui sont faits ?)
Ravie de voir qu’une solution avec Colombine a été trouvée 😊
Pour les puzzles, en général des 1000 pièces, j’en ai de 1500 que j’ai jamais réussi (il y a un trop grand reflet dans un lac) mais je le garde quand même, en espérant le vaincre un jour. Là je viens de commencer le château de Neuschwanstein mais le puzzle est un peu vieillot. Je les achète, quelques fois neufs, sinon sur Vinted, et j’ai aussi fait des échanges avec ma cousine qui est en Allemagne. Et toi ?
Pour ceux qui sont faits, je les garde un peu et après je les défais, je n’ai malheureusement pas la place de les garder tous terminés…
C’est très difficile, les 1500 !
Oh c’est chouette ça, les échanges avec ta cousine, j’aime beaucoup l’idée. Ma belle-sœur en a accroché deux chez elle, c’est magnifique (elle n’aime pas les faire, c’est sa belle-mère qui l’a fait, il me semble me souvenir). Je n’aurais pas la place non plus pour mettre au mur :/
Moi c’est mon premier depuis l’adolescence, je n’en avais pas refait. Et il appartenait à la ludothèque de ma médiathèque, nous l’avons rendu samedi. Je ne vais pas en acheter, je me ruine déjà beaucoup en matériel divers créatif ^^’ mais j’ai été heureuse d’arriver au bout, c’est si apaisant tout du long… j’en reprendrai un peut-être, à un moment.
Je ne sais pas pourquoi je n’étais pas abonné à ton blog avant – probablement parce que ça fait un looong moment que j’ai perdu l’habitude d’aller consulter régulièrement mon fil d’actu wordpress et prendre le temps de lire des blogs plutôt que de scroller sur les réseaux sociaux. Je commente ici, j’aurais pu commenter sur un autre article, je lis en vrac des trucs de ton blog depuis deux semaines, quand je pense à y revenir. J’aime beaucoup la mélodie et la substance de tes mots-pensées, ton parler-écrire, j’y retrouve beaucoup de mon rythme mental, et cette manière de raconter le fil du quotidien pour laisser les choses plus lourdes processer en fond, quand on ne peut pas encore les aborder frontalement, mais pas non plus les laisser prendre place dans le silence.
Et les puzzles : super stratégie pour se vider la tête en se mettant en hyperfocus, pour moi c’est un genre de méditation. Je m’y suis mise à l’âge adulte y’a quelques années, en assumant d’être nulle (je me décourage vite + la dyspraxie rend difficile la reconnaissance des formes, j’ai besoin de puzzles avec beaucoup de motifs ou différences de couleurs), je fais du 500 pièces quand j’ai juste besoin de sauver une à deux journées, 1000 pièces si c’est pour m’aider sur une semaine (et que j’ai la place de le laisser traîner !). Ici j’en trouve facilement de seconde main pas chers, on les échange avec les copines, parfois je m’en achète un neuf pas de luxe (à Hema notamment y’a des jolis designs, je sais pas si t’as ce magasin dans ton coin), il y en a que je garde et que je refais l’année d’après