Je devais m’habiller avec une robe très légère, à bretelles et aux couleurs automnales, et puis j’ai eu froid. Cette robe je l’ai mise, j’ai frissonné beaucoup, je l’ai retirée. Je n’avais pas prévu autre chose (pourquoi aurais-je prévu autre chose en plein mois d’août et lorsque chez moi c’est la canicule ?), j’ai attrapé un pantalon noir et un haut ainsi qu’un gilet et une écharpe, il allait bien falloir que ça fasse l’affaire. J’ai frôlé la déception au mariage lorsque soudain il a fait chaud : durant une heure. Après quoi je me suis félicitée d’avoir opté pour autre chose de plus couvert : il faisait frais. Vers 18 h nous étions tous sous des couvertures, assis à discuter – il manquait le feu de cheminée, pour l’ambiance.
Nous avons quitté Blanche qui partait elle-même en vacances – et cette fois, je ne sais pas quand nous nous reverrons.
Nous sommes arrivés chez O. alors qu’elle se faisait coiffée par une amie – très douée, l’amie, si je puis me permettre – et de me voir l’a fait pleurer d’émotion (d’accord, elle est aussi émotive que je peux l’être). De ne pas pouvoir me joindre pendant deux mois l’a atteinte profondément, elle s’est demandée s’il ne m’était pas arrivé quelque chose. Je ne me suis pas sentie capable de lui expliquer que j’ai eu besoin de cette pause pour repartir à zéro avec elle, que si je n’y suis pour rien mais que j’en remercie par contre grandement l’Univers (je ne crois pas au hasard). Je n’étais pas là pour risquer de la blesser, et j’étais réellement désolée pour sa frayeur. Et si heureuse d’être là.
J’ai tenté quelques photos à la mairie, je ne suis pas arrivée à grand-chose. Difficile de photographier des inconnus constamment en mouvement lorsque la principale émotion émergente est la sensation d’illégitimité avec en plus entre les mains, un appareil qu’on ne connait pas davantage. Clairement, je ne savais pas quoi faire de moi, au milieu de cette foule qui se connaissait très bien. Qu’on soit bien d’accord, je les aurais tous connus, je ne m’en serais pas sortie mieux (au contraire). Je peux facilement en conclure que je ne sais pas me conduire en société et que discuter avec des arbres est bien plus simple.


Sur le faire-part il n’y avait aucun dress code (« venez comme vous voulez »), dans la réalité ce fut tout autre. Les trois témoins homme étaient en kilt, comme le marié. Les trois témoins femmes étaient en partie habillées classique, en partie inclassable-extraordinaire-magnifiques, comme d’autres invitées d’ailleurs, qui s’étaient donné le mot. Une splendeur. Cette femme m’a particulièrement bouleversée, il y avait quelque chose chez elle d’absolument complet, d’entier, d’ancré jusque loin dans la terre, qui s’est effacé lorsqu’elle l’a retiré (moment où j’ai eu accès à une personne plus douce, réservée, belle et en attente d’autre chose). C’était… étrange.



Les photos de Salomé (Hoop des bois) ne sont pas toutes en ligne (vous pouvez cliquer sur ses photos), j’ai hâte de voir les autres. De mon côté je me suis laissée submerger par ma maladresse avec mon appareil et la musique beaucoup trop forte qui m’a fait me déconnecter. J’ai très vite abandonné, je le regrette évidemment.
J’ai tout de même quelques clichés, mais j’ai du travail.




Bien des hivers ont passé, peut-être qu’ils étaient même vingt-et-un entre nous, et pourtant j’ai fui inconsciemment, toute la journée, deux personnes. La dame Cerf et L., que j’ai rencontré un soir, deux femmes adorables au demeurant, dans un restaurant, au temps où mon ex ne l’était pas. Je ne sais pas très bien me souvenir, peut-être parce que la période, lointaine, a viré au cauchemar avec la mort de S., mais c’est le moment où j’ai claqué la porte au forum où nous étions tous parce qu’ils protégeaient une personne agressive (qui m’avait agressée et en avait agressé plein d’autres régulièrement), ce qui me parait toujours aussi moche avec le recul. C’est aussi le temps où ils ont pris parti pour cet ex. qui a raconté bien des choses fausses sur moi et sur nous. Les revoir, ce n’était pas des plus doux et c’est en fin de journée que je me suis aperçue que je les avais essentiellement fuies. Si je creuse un peu, c’est le souvenir que j’ai laissé loin derrière, et non elles… Aucune idée de si j’ai été reconnue (et si nous avons dansé à trois l’évitement), cela ne m’intéresse pas de ne pas dire, de se parler et de se taire dans un même mouvement sur qui nous avons été, jusqu’où peut-on faire semblant ? J’ai abandonné tout de suite. Ce fut surtout l’occasion pour moi de voir le chemin parcouru, comme je ne suis plus la même – je ne suis jamais revenue.

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photo de Hoop des bois
De la même période, j’ai retrouvé Moon avec plaisir. Nous avons fui le bruit, la musique et durant une heure nous avons marché dans la campagne à parler transidentité, autisme, séries, films, jeux vidéos, pour ensuite continuer à discuter assises dans des fauteuils ronds suspendus. J’ai de moins en moins parlé, je l’ai écouté elle. La puissance de la musique me torturait, j’étais épuisée, de moins en moins accessible. Je déconnectais à intervalles réguliers et je raccrochais comme je pouvais à ce qui devenait par la force des choses son monologue. Je me voyais disparaitre sans rien pouvoir y faire et la tristesse me tenait compagnie tout autant qu’elle. Cela m’a sauvée d’une crise de larmes, je crois. S‘enfermer pour pouvoir rester, une bonne chose parfois.


Le soir, je me suis retrouvée à discuter avec des femmes adorables, une tasse de tisane à l’hibiscus et au gingembre (l’hibiscus avait pris le dessus, malheureusement). L’une d’elle s’est avérée méga fan de Harry Potter, elle a toutes les collections existantes d’absolument tout (ce qui a déclenché une conversation difficile à base de « moi je refuse de laisser un centime à Rowling vu qu’elle utilise son argent contre les femmes trans ») mais également anti-féministe (ce qui a valu un agacement de O., que j’ai retrouvé pleinement, et une conversation un peu houleuse autour du mot autrice). Cette même personne a découvert que nous habitions à trente minutes l’une de l’autre, et m’a demandé-arraché mon numéro de téléphone. Je suis épouvantée à l’idée qu’elle m’appelle – un mélange de panique sociale et de panique ciblée. Clairement, on ne s’entendra pas au-delà.
Chouette a joué avec des enfants de sa presque tranche d’âge comme si elle les connaissait depuis la nuit des temps. Elle est repartie avec des mails et une promesse de s’écrire.
Kira de son côté a rencontré une personne excellente, les mains plongées dans la terre. Je crois que la plus grande partie (pour ne pas dire toute) de l’assemblée était atypique d’une manière ou d’une autre, et une presque moitié devait être autiste. J’ai dû avoir trois ou quatre conversations incluant les mots « je pense que mon enfant est » ou encore « mon enfant a été diagnostiqué » autiste et le parent en question l’était également et de manière flagrante.
Et donc cet homme, en plein mariage, angoissé et avec un fort besoin de s’occuper, s’est mis à semer ou planter des fleurs, des plants, des choses, tout un tas, j’ai adoré sa liberté décalée. Ils se sont tellement bien entendus, il lui a donné des conseils de plantations pendant plusieurs heures. D’après O. il avait peur de venir au mariage parce qu’il n’allait parler à personne, au final il a passé une très belle journée (dixit le monsieur autiste d’au moins soixante-cinq ans). Il a été question de garder le lien, mais les deux concernés sont dans leur bulle et ça ne s’est pas fait.
Il y a eu toute une discussion entre lui et O., où le consentement n’était clairement pas entendu par elle, qui m’a rappelée des mauvais souvenirs sans que ça ne soulève la moindre tension en moi. Je prends note que ce point n’a pas changé, tout en restant apaisée sur le fait que je saurai cette fois mettre ma limite, quitte à m’engueuler avec – ce dont je doute fortement. La revoir m’a énormément apporté.
Ce fut un mariage bohème, queer, génial, épuisant, bruyant, de 90 personnes éclectiques et très libres. Malgré la musique trop forte, des voisins qui se sont plaints, la broche perdue du marié et deux trois tensions éparpillées entre des personnes, nous avons, tous les quatre et pour des raisons différentes, passé un très bon moment. La surprise fut finalement de se rendre compte que le voyage de 9h en voiture était faisable, et nous pouvons même envisager de revenir les voir une fois par an ou tous les deux ans.




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Au final, on dirait que le positif domine pour cette journée 🙂
Complètement. Épuisant et positif : )
(tu t’en es sorti avec ton blog ?)
Ce qui compte c’est le positif qui ressort. Certains moments en société sont épuisants – j’essaie de les éviter mais je sais aussi qu’en ne les évitant pas, on en ressort grandis.
Parfois grandis, parfois heureux, parfois seulement épuisés, mais toujours riches de quelque chose 🙂 (mais je tente souvent de les éviter malgré tout, c’est si intense)