Trois jours. Il y a eu une vie entière en quelques heures et trois journées. De la route, une amie retrouvée, une nuit avec des moustiques, de la route, une autre amie retrouvée, un mariage, du bruit, de la musique insupportable, une rencontre, une promenade dans les champs, un vieux chat, un énorme chien, un téléphone récupéré de manière involontaire, des personnes évitées inconsciemment, une tisane à l’hibiscus, deux rêves, un lien et une allergie. Je pourrais résumer ainsi le dernier week-end. Ou juste parler du vacarme assourdissant fait par un groupe musical qui m’a fait me replier sur moi-même – et puis il chantait souvent faux. Pardon d’être absolument insupportable avec ça, de ne pas savoir gérer une note dissonante. D’avoir besoin de justesse. Mon esprit accepte que vous chantiez faux, je m’en fiche tellement de comment vous chantez ou jouez d’un instrument, mais pas mon oreille – elle hurle.
Je n’ai pas trop l’énergie, pour l’instant, de tout poser.
De tout écrire.
Une chose à la fois, peut-être ?
Avant le mariage, il y a eu la route et des photos.
Sur la journée nous attendaient neuf heures de trajet, alors j’ai attrapé l’appareil photo et le manuel associé, et j’ai fouillé l’un puis l’autre pour tenter de le dégrossir un peu. Toute cette technologie m’échappe, le moindre détail est tenu par un ensemble obscur : plus je comprends, moins je comprends. La mise au point a continué d’être trop précise, pas suffisamment large pour que l’image soit équilibrée, mais j’ai découvert qu’il avait une appli sur le téléphone (on n’arrête pas le progrès gadget)(en vrai j’en comprends l’intérêt mais ce n’est pas ce que je cherche à résoudre)(de toute façon le Bluetooth ne veut rien savoir).
J’ai photographié tout et n’importe quoi à travers le pare-brise, mais surtout des arbres – toujours des arbres. Le cadrage était aléatoire, la netteté également, mais comme on roulait c’est davantage excusable, ou disons explicable.
Je ne gère toujours pas la saturation, très élevée.


Nous fuyons clairement la canicule. La chaleur accablante s’apaise petit à petit, le ciel bleu se tache de blanc puis de gris puis de noir, nous traversons même une pluie torrentielle : la route est très agréable. Reste le problème des jambes qui ont besoin de bouger, s’ankylosent et souffrent. Toutes les deux heures nous prenons une aire d’autoroute pour un parcours de marche, mais ça ne suffit pas pour le confort. Régulièrement j’étends mes jambes sur le tableau de bord ou je les replie sur mon siège, mettant au défi toute sécurité potentielle – j’ai mal.


Sur une de ses aires, j’y fais la plus belle photo de Chouette depuis longtemps : l’appareil me confirme, photo après photo, qu’il est bon, très bon même, en portrait. Il sait de manière intuitive (si l’on peut le dire ainsi pour une IA) où il doit poser sa mise au point, c’est à dire sur toute la personne. J’aimerais juste qu’il l’applique aux plantes (et non à un détail de la plante).
Je ne partage pas l’image, le lieu est trop public (et si vous doutez, vous pouvez lire pas là). Elle m’a dit « tu peux la diffuser sur ton blog si tu veux » sauf que je ne veux pas et que j’ai dû lui réexpliquer pourquoi, les images détournées par des pédophiles à l’aide de l’IA (encore elle). Par le passé, j’avais mis des photos d’elles en privé, avec mot de passe. Mais finalement on ne sait jamais ni comment est géré ce mdp par les gens, ni si le blog ne sera pas piraté. Le pire est que je comprends l’envie de partager des photos de ses enfants, je l’ai aussi, très forte parfois.
Chez Blanche je n’ai pas le consentement explicite du chat, par contre. Mais il m’a laissée le photographier alors disons que je l’ai un peu ? Côté photo, je dois admettre que l’appareil a un joli (léger) bokeh.
Petit chat que j’ai vu naitre… chaque fois que j’entre dans cette maison, il m’accueille comme si je faisais partie de sa meute et je suppose que c’est exactement de cela qu’il s’agit, j’en suis. J’ai droit aux mêmes égards, câlins sur les genoux, coups de tête et demande de croquettes, que sa famille – je suis la seule – au point que parfois il passe de Blanche à moi en se demandant comment faire, sur qui se poser, il jongle avec l’instant.


Chez Blanche, il se passe plusieurs choses, très puissantes, le tout au milieu d’un monde pas possible. Lutin·e accepte que je lae photographie, iel a les cheveux d’un bleu-violet qui s’échappe et que j’adore. Si vous connaissiez cet·te ado·e de 17 ans, vous sauriez que cela n’arrive jamais. Iel ne laisse pratiquement jamais sa mère (Blanche) lae prendre en photo. Je bénéficie d’un instant de grâce. Je lui propose de nous rendre sur la terrasse, afin de ne pas le faire devant tout le monde. Iel a une classe folle avec sa chemise blanche et sa veste bleu marine qui répond aux cheveux pâles. J’aurais volontiers prolongé la séance mais j’ai conscience de sa difficulté, iel me dit « je ne sais pas quoi faire de moi », j’achève très vite, j’entends presque son cœur battre trop fort, je prends trois photos et je lae libère. Lorsque je me retourne, Brume nous a suivi·es, comme pour s’assurer que tout se passe bien – on peut toujours compter sur les chats. J’en profite pour l’attraper lui aussi, jusqu’à ce qu’il soit outré par ma présence – ça suffit les conneries range ton bidule.

La seconde est peut-être encore plus impressionnante ou tout au moins au même niveau que ces trois photos acceptées. La dernière fois que je suis venue, je n’ai eu ni le temps ni l’énergie pour le lui demander et ça m’était resté dans la tête comme un échec. Lorsque je viens, je lui demande normalement toujours de regarder ses dessins, si iel l’accepte. Cela me permet de me mettre à jour sur ce qu’iel devient, mais surtout de garder le contact avec cet·te enfant que j’adore. Ado·e autiste, iel est de fait assez difficile à apprivoiser, à approcher. LeChat lui a demandé « tu dessines toujours ? » et s’est vu répondre un unique « oui » avec panneau interdit relevé. Ils se connaissent peu, au final, essentiellement parce qu’il ne vient pas souvent, le lien s’est rompu avec le temps.
J’ai pu voir ses dessins, mais surtout nous avons discuté énormément et ça, je crois que ça n’était pas arrivé depuis très très longtemps. Plus je l’écoutais, plus un feu d’artifice s’allumait en moi que je devais contenir, une joie folle d’avoir réussi ce lien.
Le soir nous sommes sortis marcher-discuter, Blanche, LeChat et moi. Dans une boite à livres j’ai déniché un vieux livre en anglais sur l’économie de 1688 à 1959 – envie de découper des mots étrangers. En rentrant, Blanche m’en a donné d’autres tout aussi anciens, en coréen et en arabe ; je ne sais pas pourquoi j’adore à ce point, mais je suis heureuse de ses récupérations. Peut-être qu’il s’agit de ne pas comprendre, justement, de coller des mots aléatoires dont je ne peux pas saisir le sens et que mon lâcher-prise est là. Dans ce qui m’échappe des autres langues – coller l’incertain dans un carnet qui maitrise un peu trop tout le reste.
Mais avant je vais les manipuler, les toucher, tourner des pages, je vais apprendre l’objet avant de les ciseler.
Pas raisonnables, nous parlons jusque tard – nous rattrapons la distance.
La nuit est courte côté sommeil, longue côté moustiques : ils sont des centaines, au moins. Au matin du jour suivant, j’ai la chance d’avoir été dévorée (avec réaction) sur les jambes, les doigts, les bras, mais pas le visage – un peu coquette, finalement. Est-ce que je suis prête pour la journée ? Pas du tout.
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Quel beau chat (et par ricochet, belle photo ^^) ! on sent que cette reconnexion t’a touchée…
Très beau chat, qui le sait ^^
Oui, profondément… : )