Je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans mon quotidien, je veux dire depuis l’après famille, j’ai doucement régressé et je me suis reposée, aucun rêve n’est même arrivé pendant longtemps à ma porte – je n’ai pas assez dormi pour ça sans doute. La douleur, ça tient éveillé. Les genoux disent que ça suffit, je suppose, les conneries, de danser, d’être debout, de bouger. Je n’en profite pas pour lire, trop de choses à faire, et de totue façon je n’y arrive pas vraiment en dehors de quelques essais. L’écureuil profite d’une inattention totale pour débarquer et agrandir son territoire, il fonce devant la voiture de mon beau-père, traverse, file vers les amandiers et disparait on ne sait où. Je reçois un message vocal auquel je réponds la main sur le micro (ça marche beaucoup moins bien du coup), et plus tard j’en reçois un autre qui me fait pleurer tant il tape juste. J’aurais besoin de le réécouter mais le son a là aussi un problème – quand l’Univers te pointe les mots cachés à entendre. Bêtement, un matin, j’efface un mail avant d’y avoir répondu en virant tous les messages concernant le blog (avec vidage de la corbeille dans la foulée), c’est ensuite que je m’en aperçois lorsque je veux répondre, depuis je suis bloquée et le temps passe…
Je ne sais plus dans quel ordre est quoi, mais elle bouge, la vie.
J’ai l’amitié mouvante en ce moment. Il y a celles qui se tissent, consolident et celles qui se délitent, j’ai la sensation d’un mouvement de vie inévitable et magnifique, d’où qu’on le regarde. Je perds bel et bien A., sans remous depuis que j’ai acté la peur de l’abandon regardé droit dans les yeux, même si un fond de tristesse et beaucoup de fatalité se mêlent aux douze années d’un chemin parallèle, joyeux et créatif. C’est un lien où il y a besoin d’être deux. Le deuil s’est fait ces deux dernières années où elle m’a régulièrement oubliée, il ne reste qu’un regard qui observe le recul de l’autre. Je respecte son envol, le plus beau qu’on avait à vivre ensemble, on l’a vécu – et on en vivra sans doute encore, de loin en loin. Si je creuse, je crois que je n’ai plus peur de sa disparition parce qu’elle n’y est déjà plus et que la seule chose à faire est de le respecter. Et je vais bien. Je crois que c’est la première fois que j’acte qu’une amitié peut prendre fin juste comme ça et ne pas m’en sentir responsable.
Me vient l’idée que peut-être, aussi, je suis à distance de ce délitement parce que la dernière rupture amicale m’a brisée. Donc soit je le vis très bien parce que le deuil est réellement à l’œuvre, soit le déni s’est installé parce que c’est plus secure.
Je penche pour le premier, sans certitude mais avec beaucoup d’apaisement.
Un jour de promenade sans soleil, je fais des photos et je comprends ce qui me gêne avec cet appareil :
. les couleurs sont tellement peps, c’est presque trop
. la mise au point ne se fait que rarement là où moi je regarde
. la macro est catastrophique ou plus exactement inexistante, adieu la minutie et le monde minuscule
. l’écran électronique n’est que pixels et c’est moche avant même d’appuyer, là où mon précédent me montrait précisément ce que je photographiais. Ça ne me donne pas envie de cliquer, cela me fait croire que ce que je vais capturer est une mauvaise image de la réalité. Je vais devoir m’habituer à ne pas savoir tout de suite, avant même de cliquer, si la photo sera bonne. Cela me renvoie à un déséquilibre, à une plongée dans le doute – apprendre à faire confiance aveuglément. Cela me rappelle un exercice en troisième, où le prof de sport nous a demandé de fermer les yeux et de nous laisser tomber en arrière, sans nous retourner, fermer les yeux et basculer, nous serions rattrapés par d’autres. Je n’ai bien sûr jamais réussi à faire confiance et à me laisser partir. Et c’est un peu de cet ordre-là. Appuyer et sauter dans le vide.
Aucune retouche, alors pourquoi j’ai l’impression d’avoir forcé sur la saturation ?
Et puis ce flou. Il faut que je trouve (non, que je cherche) où régler la mise au point, pour l’instant à peine plus large qu’une vague ligne ou (ici) colonne.


Ici j’ai tenté un insecte, impossible de m’approcher davantage (il en est incapable). Beaucoup de flou autour de la fleur, ça n’a aucun sens – « mais bon », comme dirait Belinda Cannone1 dans son dernier livre. Afin de cerner ce que je pourrai faire à l’avenir, j’ai donc ensuite recadré avec Gimp, dans le but de voir comment l’appareil se débrouille au plus proche du plus proche. Le manque de netteté sur la fleur est dommageable, là encore, mais l’insecte n’est pas trop mal même si on est loin de ce que je faisais avec l’autre. Cette deuxième photo a de plus nécessité un petit post-traitement de netteté histoire d’aider un peu côté rendu.
Là où il s’en sort le mieux finalement, c’est dans les portraits. Peut-être qu’il me faudra revoir mon approche de la photo et passer par les gens – j’en frissonne.
En résumé, j’ai égaré la magie photographique.


Cette semaine donc, s’est effacée mélangée – les jours collés identiques disparates.
J’ai cherché quelques vidéos de coiffure simples (je me fais rire rien que de l’écrire), mais je n’ai rien retenu. Pour ressembler à quelque chose qui ne soit pas trop sauvage, samedi, ce n’est pas gagné.
Je sais que quelque part, j’ai reçu un mail concernant le mariage qui a relancé l’angoisse. Je vais y connaître les mariés, leur enfant (nourrisson la dernière fois que je l’ai vu), il y aura aussi M. qui a transité depuis et je doute de la reconnaître vu que je l’ai rencontrée une seule fois, je ne sais toujours pas s’il y aura mon ex et ça s’arrête là pour les personnes connues, à priori, à moins qu’il y ait des personnes de l’ancien forum. Terrifiant. Dans les deux cas, terrifiant. Du bruit, des inconnus, du bruit, des quasi-pas-connus, du bruit, des lumières, du bruit, des conversations à tenir, du bruit. Et comme elle s’est inspirée (ses mots) de mon propre mariage où elle avait découvert qu’on était libre d’y faire à peu près n’importe quoi (mes mots), elle fait comme nous, chacun apporte à manger, à boire. Sauf que nous avons 8 h de route donc si je cuisine ça fera deux jours que c’est préparé et ça doit supporter la chaleur dans la voiture. Je ne vois pas. Il me reste une semaine pour résoudre le casse-tête. Et je dois de toute façon préparer quelque chose pour que je puisse manger – l’allergie, you kwow.
Finalement j’ai l’idée d’apporter des noisettes caramélisées et autres apéritifs divers atypiques (comme des bananes séchées), des fruits de saison et des jus de fruits, c’est ce qui tiendra le mieux.
O. me confirme que je ne connaitrai personne, ce qui sous-entend que mon ex n’a pas été invité et qu’ils se sont donc finalement perdus de vue durant ses trois dernières années. Je ne sais pas si j’en suis ravie ou triste, c’est un chouette gars qui gagnait à être approché en ami – mais qui n’a jamais pu, parce qu’il était amoureux.
Et puis quelque part cette semaine la douleur m’a lâchée, je veux dire celle qui passe par-dessus celle que je peux ne pas écouter, j’ai recommencé à dormir au point de ne plus me réveiller le matin avant le milieu de la matinée – je récupère. J’ai rêvé de Mylène Farmer, qui me demandait d’écrire un livre pour elle (en prête-plume), et j’étais flattée malgré l’invisibilisation (ce que veut dire ce rêve, je n’en sais rien et je ne cherche pas à creuser, je passe, surtout je passe). Un autre jour Chouette nous dit, « je vous ai entendu parler tard hier soir », nous n’avions pas parlé – mais fait bien autre chose, humm. La candeur des enfants a du bon..
LeChat s’est apaisé. Je lui ai parlé de ce livre d’Ovidie2 et il a voulu le lire. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé pour lui, mais je crois qu’il a déconstruit le peu qu’il restait de murs du patriarcat encore en lui. L’impression d’avoir un autre homme et en même temps le même, à mes côtés. Si je ne l’ai jamais dit je peux le faire là : il est l’homme le plus incroyable que j’ai jamais rencontré – je ne sais pas ce qui a fait qu’il est dans ma vie, la mienne, mais je mesure ma chance tous les jours depuis près de vingt ans.
J’ai avancé sur l’allergie aux protéines de lait de vache sans que cela règle quoi que ce soit, du coup parfois je me demande à quoi ça sert, tout ça, à quoi ça sert de me prendre la tête à tenter d’y voir clair, vu les résultats non concluants. Pourtant, à chaque prise de conscience, mon nez se débouche d’un coup, ça fait presque « pop ». Et puis je mange le mauvais truc et ça recommence. J’ai travaillé sur la mère idéale (remplaçant la mère folle et violente par une mère aimante, tout un imaginaire), j’ai travaillé sur ma mère jusqu’à accepter ce qu’elle était (de ce côté, je n’ai pas terminé, je n’aurai sans doute jamais terminé). Cette semaine je suis tombée sur une phrase que j’avais écrite il y a un moment, sur le problème de respiration généré par son appartement. Je crois qu’on ne sait pas, tant qu’on n’y a pas été confronté. On ne sait pas ce que donne dans un lieu clos 20 ans de cigarettes, trois paquets par jour, sans jamais ouvrir les fenêtres. Lorsque je suis entrée, la fumée n’y était plus, mes tantes avaient ouvert et évacué le brouillard. Mais l’odeur, celle qui prend à la gorge et bloque les poumons, elle, elle était là. La première fois je me suis précipitée sur le balcon, incapable de rester dans l’appartement – incapable de rentrer chez ma mère. Tellement imprégnée dans les murs et les meubles, elle existait librement et ne sortait pas, jamais. J’attendais quinze minutes que l’air froid de décembre entre, s’infiltre entre la nicotine, aide vaguement. Il a fallu faire avec les poumons qui se bloquent, les respirations qu’on prend dehors avant d’y retourner, tout un appartement à vider de ses affaires avec une odeur violente qui te comprime la trachée. Jusqu’à ce qu’on s’habitue vaguement au fil des heures, on s’habitue tellement à tout. Mais le lendemain, tout était à recommencer, la respiration bloquée et en panique qu’il fallait de nouveau amadouer, lui dire que ça allait, qu’il y avait de l’oxygène entre les molécules des cigarettes.
Lorsque je me suis rappelée cette difficulté atroce, de nouveau il y a eu ce petit « pop » caractéristique du « j’avance » sur ce chemin. Ce qui n’empêche pas qu’aujourd’hui je respire très mal, parce que j’ai mangé à l’extérieur hier soir et que je n’ai pas pu tout contrôler (si vous saviez comme je déteste contrôler ainsi, comme j’aurais besoin d’être libre et de faire exploser ces barrières entre le monde et moi parce que oui barrière il y a lorsque tu ne peux plus partager la nourriture ; j’ai l’impression d’être dans une cage).
Il semble que cette allergie regroupe beaucoup de choses à travailler, que les dessous sont multiples et que je ne vais jamais m’en sortir – je n’abandonne rien.
Mon obsession du moment.
je ne sais plus comment je l’ai trouvée,
pardon si c’était chez toi et que j’ai oublié
Et puis là, mercredi matin, je suis dans cet entre-deux de réveil et endormissement où tout est encore possible pour se parler en profondeur, je respire mal. Je réalise que peut-être, tout simplement, et c’est en lien avec ce que j’écrivais déjà l’autre jour, elle ne m’appartient pas. Pas seulement les repas, ou ceux du soir. Cette réaction allergique s’inscrit dans un long, douloureux, anarchique et violent rapport à la nourriture qui n’est pas à moi. Je rends donc à chacun et chacune, le problème. À toutes les femmes vivantes et mortes de ma famille, je dépose le fardeau.
Comme beaucoup de choses ne m’appartiennent pas, je crois que j’ai trouvé l’angle de travail suivant.. d’un autre côté, j’ai la sensation d’être très présomptueuse de penser réussir seule un truc pareil. Dans la nuit de jeudi, l’air ne passe tellement pas (restaurant japonais qui d’habitude se gère bien, pas cette fois) je fais de l’hypnose, ce qui a au moins le mérite de dégonfler les voies respiratoires et de me permettre de me rendormir – il est 4 h 30.
Peut-être qu’il ne s’agit que de cela, passer par l’hypnose.
Jeudi 31 –
je prépare le mariage, la route, les bagages, le pain pour le pique-nique et les biscuits pour le goûter au milieu de quelques bouffées d’angoisse féroces – ça va bien se passer. Et puis (et c’est bien plus vital encore), je télécharge de la musique. Parce que le téléphone de LeChat vient de crasher et a donc été changé pour un neuf, le poste de radio de la voiture ne reconnait plus rien : bluetouth trop ancien. Il n’y a pas moyen qu’on fasse 9 h de route aller et 8 h retour, sans musique, j’ai donc huumm, détourné (gratuitement mais je paye déjà Spotify tous les mois) mes playlists et récupéré les mp3 associés – faut pas déconner. Je ne sais pas vivre sans musique, j’assume. Je leur ai évité Mylène Farmer et l’intégralité du Metal (je sais, c’est antinomique), mais tout le reste est sur la clé ^^
Il n’y a plus qu’à prendre la route, récupérer Kira, et affronter la foule…
Passez un bon week-end : )
- Comment écrivent les écrivains, Belinda Cannone ↩︎
- La chair est triste hélas, Ovidie ↩︎
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Je sais pas si je te déteste un peu ou si j’apprécie le clin d’œil via ce « mais bon » 😀
J’ai ajouté Qoiet sur Spotify et en ai écouté des bouts, et je crois que j’adore mais en même temps ça me perturbe complètement donc je vais garder l’écoute pour un autre moment.
Pardoooooooon ^^’ Elle m’a telleemnt saoulée avec ses phrases mal écrites, c’est ressorti du coup (promis je la boycotte à l’avenir 😀 )
Finalement, c’était Kira qui me l’avait partagé. Tu sais ce qui te perturbe dans son écoute ? :/