L’angoisse parle fort sur la route, me serre la poitrine, impossible d’être dans la joie du concert. Je passe mes nerfs sur mon sac à main qui se délite, un morceau de tissu est à moitié déchiré et je l’aggrave, je tire la laideur hors de moi : le faux cuir tombe en étoiles poussiéreuses, j’en ai partout sur mes vêtements. Je suis couverte d’une poudre blanche, comme glissée sous une neige improbable en plein été. LeChat me demande en riant, c’est toi qui nettoies la voiture la prochaine fois ? c’est mérité.
Une fois tout arraché, il parait presque bien, presque neuf, il ressemble à un sac qui n’aurait jamais été vieux.
Je peine à retirer de mon pantalon noir, les cendres blanches du tissu mort.
Ce n’est qu’une fois sur Nîmes, qu’étonnamment (mais tellement étonnamment, suis-je vraiment moi, je te détestais non ?), je m’apaise : je prends des photos. Est-ce l’acte lui-même ? La concentration vague ? Je ne cadre absolument rien, j’opère dans un lâcher-prise qui ne donne pas grand-chose en dehors d’une certaine liberté très personnelle. J’attrape autour de moi quelques personnes, l’eau, des fleurs, l’homme qui partage ma vie, jusqu’à arriver aux Arènes avec beaucoup d’avance, ce qui nous laisse tout le temps de nous y perdre avec entrain et de continuer cette approche anarchique de l’image. D’une certaine manière, je danse déjà.
Il y a du monde, mais sans plus : très agréable pour circuler. On ne voit pas vraiment trace du festival en lui-même, ni des invités ni du concert du jour. Festival silencieux.
(à quatre jours prêt, je croisais Mylène Farmer, dis donc)
(on ne discutera pas de ses goûts musicaux)
(je crois que je la comprends de moins en moins)
(ceci un jugement épouvantable)



Je ne connais pas cet appareil photo, emprunté pour l’occasion à Kira et c’est étrange, mais ça ne m’inquiète pas. Je me contente d’appuyer et de voir venir. Je crois que je manque souvent de ce mouvement précis d’abandon.
J’ai un petit questionnement pourtant à l’entrée, mais peu de temps pour vraiment stresser : trois personnes devant moi. L’agente de sécurité fait ouvrir les sacs, tapote les corps, elle ne sourit pas elle travaille et moi pendant ce temps dans mon sac j’ai un appareil photo qui ne devrait pas y être, si on prend à la lettre les recommandations du site du Festival : un compact oui, le reste non. J’ai un bridge. Pour filouter, j’ai posé une écharpe noire par-dessus, après tout ils ne fouillent pas ils ne font que regarder un sac qu’on ouvre sous leurs yeux. LeChat aurait préféré que je ne l’emporte pas, « et on fait quoi s’ils nous refusent l’entrée avec ? » question particulièrement censée je dois reconnaître. Je ne sais pas – aucune réponse viable à offrir, je fonctionne à l’instinct. Devant moi elle fait ouvrir un sac, un autre sac, encore un sac, je lui fais mon plus beau sourire auquel elle ne répond pas, elle me tapote sur tout le corps, pose les yeux sur mon sac fatigué déchiré vieux sans l’être et me fait signe d’avancer et là je ne sais pas, elle a un léger sourire et elle me dit, bon concert. J’ai un sourire de milles soleils et je lui réponds, vous aussi. C’est fini, je suis passée sous sa gentilesse et déjà elle se tourne vers une autre personne. Mon sac n’a pas été ouvert, je n’ai rien compris mais j’avance, un peu sonnée. La vie est donc si simple ?
Heureuse d’avoir suivi ce que je sentais comme possible… (il y a de fortes chances qu’il n’aurait posé aucun problème, cet appareil, mais je ne le saurai jamais).
À l’intérieur des arènes, je continue ce mitraillage dans une foule très relative – le concert est dans une heure – mais pourtant bien là. Je note la différence avec celui de Mylène Farmer, où tout le monde faisait la fête à l’extérieur, prenant sa place dans les quinze minutes avant le début présumé. Ici beaucoup de personnes sont déjà dans les murs à consommer à la buvette ou assis sagement. Peu divaguent comme nous : nous marchons, montons des escaliers en pierre, redescendons, nous explorons ce que l’un comme l’autre nous avons visité enfant : c’est tellement plus petit que dans nos souvenirs respectifs. Plus majestueux, aussi – c’est si loin. Nous discutons romains, pierres, alcôves et secrets, impressionnés par les recoins qui ont dû, en leur temps, accueillir bien des amants et des guets-apens.







lorsque le vent tombe
J’ai pris la photo en sortant au plus haut des gradins, j’ai appuyé sans aucun cadrage et je suis redescendue aussi vite pour rejoindre LeChat. C’est en la visionnant le soir, après le concert, que je me suis aperçue qu’il y avait cet homme, la jambe par-dessus la rambarde, qu’il aurait aussi bien pu sauter je ne m’étais aperçue de rien, pour moi il n’était pas là, il n’existait pas. Absent – ou alors c’est moi, serais-je absente aux autres.


Une heure que nous admirons les lieux, impressionnants d’immensité. À 20 heures, nous rejoignons tranquillement nos places. Complètement égarés dans le dédale des couloirs, nous demandons trois fois notre chemin au personnel posté à chacun de ce qui semble être des milliers de passages. Chacun emprunte un chemin bien à lui, ils ne se rejoignent pas forcément tous ; de détours en détours, on se perd dans l’Histoire et les pierres.
Un jeune homme nous place, il nous accompagne littéralement à nos places (on se croirait VIP). Encore assez vide coté gradins, il y a un peu plus de monde en fosse.

À 20h30 (ou peu s’en faut), le concert commence avec Pamela, un groupe qui m’était totalement inconnu, ce qui est confirmé par le batteur qui explique entre deux chansons, eh bien, qu’ils ne sont pas connus. Il s’agit de leur deuxième scène seulement, ils sont émus et émouvants. Le chanteur lui, parle en anglais et j’ai la surprise folle de comprendre absolument tout ce qu’il dit (ne me demandez pas de parler dans cette langue, ne déconnons pas). Ces phrases sont simples certes, mais mon cerveau ne s’est pas enrayé : j’ai un grand moment de flottement lorsqu’il chante, à réaliser ce qu’il vient de se passer, je l’ai compris. Deux chansons plus loin le chanteur nous parle cette fois … en français, ce qui fait rire tout le monde, il nous a bien eus ^^ Il est bel et bien anglais, mais il vit depuis si longtemps en France qu’il n’a même pas d’accent lorsqu’il s’exprime.
De loin comme ça sur la scène, j’ai l’impression perturbante de voir mon ex n°2 avec un micro.
Ils sont adorables, vraiment. Leur musique ne me parle pas beaucoup, par contre, à part G.R.E.A.T. qui a un bon son et rythme, et je ne suis visiblement pas la seule à l’apprécier.



Le groupe a le mérite d’avoir une énergie communicative, c’est ce qui est pour moi le plus sympathique finalement. Le seul bémol, et ils n’y sont pour rien : nous sommes sur le côté, proche du son. De TOUT le son, visiblement. L’oreille gauche souffre, mais la droite va très bien… merci les arènes ^^’
Côté visibilité et bien qu’on soit complètement à gauche de la scène, aucun problème en vue. Contrairement au Stade de France où cela avait été pénible de ne pas voir une partie de la scène (et donc du décor magnifique mis en place), ici c’est parfait, rien n’est caché.

Je n’aurais jamais osé, mais beaucoup de personnes arrivent dans la fosse au milieu de la prestation de Pamela, et même pour d’autres carrément à la fin – à la nuit, un seul désir ?
Nous sommes prêts pour Zaho.

et
mes yeux sur elle
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Le cri du mec qui filme sur la deuxième vidéo dans l’article de mylene.net, c’est à la fois rigolo et émouvant 😀
Effectivement ça n’a pas l’air ouf, DJ Snake !
Mais tellement ^^ J’ai failli insister dans le paragraphe pour en parler, tant il m’a émue ^^’ (je pense que j’aurais eu la même réaction, ou peu s’en faut)