Journal de juillet, 7 à 13 – Mouvements en-dehors

Photo : chat de promenade

Lundi 7

Le pain a brûlé. Il a cette épaisseur noircie sur l’intégralité du dessus qui me désespère – j’ai oublié d’ajouter le bol d’eau dans le four. Je le pense perdu, mais bien plus tard en le retournant, je m’aperçois qu’il va bien. Il a juste besoin que je lui retire quelques idées sombres la croute.

Le soir j’ai froid si froid tellement froid, je lui demande une bouillotte – il fait 24°. Je ne le dis pas trop fort, mais j’ai une couette, aussi.

Mardi 8

Je n’ai rien de précieux à raconter ou alors tout l’est, peut-être, si tant est qu’il y ait de la grâce en tout. Qui suis-je pour le dire. Mais je mets Shadow à fond et en boucle dans le salon et je danse, et je ne crois pas qu’il y ait mieux que cet instant précis où mes pieds ne touchent pas la planète – aérienne.

J’ai pour mission de choisir entre trois destinations (quatre, depuis ce soir, mais celle-ci n’a plus rien à voir avec le débat) parlant anglais. Nous avons malheureusement éjecté Londres de l’équation, nous n’avons pas de passeports et le délai est trop court : c’est pour septembre (et c’est onéreux).
Honnêtement, mon mari à la folie des grandeurs avec les trois premières propositions, personnellement je trouve que tout ça, c’est trop cher et non pertinent, alors qu’on vise déjà le Japon.

La première est Stockholm, qui ne m’emballe pas plus que ça. Mais comme je prends mon rôle très au sérieux, je fouille, je suis à la recherche du petit truc qui me fera basculer dans l’envie folle de m’y rendre et franchement ça a l’air sympathique mais pas au point de me déplacer aussi loin. Et je tombe sur… ça. Forcément, maintenant je veux y aller – LeChat me rappelle que je ne serai pas capable de les lire, mais je m’en moque (homme terre à terre !) (et de plus c’est totalement faux, ils ont des livres en français). Merveilleuse bibliothèque arrondie, aux deux millions d’ouvrages, je m’y vois déjà !

Comme je continue de brasser les informations, j’apprends qu’elle est fermée pour travaux… j’irai donc la voir après 2027, désolée (pas vraiment). La Suède va devoir attendre (je compte ne m’y rendre qu’une seule fois, et de toute façon c’était trop cher).
Next.
– LeChat et Chouette me tombent dessus, scandalisés que je repousse un voyage pour une bibliothèque où on ne restera pas une heure. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise.

Mercredi 9

Je me suis levée et j’ai entendu un drôle de son, lent, jamais identifié jusque-là. J’ai demandé à Chouette si c’était sur son ordinateur mais non, il était aussi silencieux que possible, je suis donc sortie. C’est là que j’ai réalisé qu’il s’agissait d’un oiseau. Ma première appli m’a dit « chouette ? » la deuxième était sûre d’elle : chevêche d’Athéna. Ce que m’a confirmé mon beau-père (je n’y croyais pas, je suis allée le chercher), qui est venu écouter avec moi ce chant assez aigu, doux, espacé. Elle est si petite et se confond si facilement avec le tronc des arbres, nous ne l’avons pas trouvée – bien cachée, la petite. Pas davantage la seconde chouette qui lui a répondu pratiquement par-dessus le sien, sur un cri unique, décalée d’un arbre.

Je n’ai aucun suivi de rien, dans ma tête les idées s’enchainent les unes avec les autres. J’ai mis le riz rond à cuire (chaleur au max pour chauffer l’eau froide), je suis partie aux toilettes en me disant que j’avais deux minutes pour revenir, j’en suis sortie je l’avais déjà oublié, j’ai vu le linge par la fenêtre alors je suis allée le ramasser. Lorsque je suis rentrée le riz avait brûlé, la casserole avait brûlée, la plaque criait parce que la casserole ne la touchait plus (le brûlé ne comptait visiblement pas) et une odeur épouvantable avait pris les commandes de la maison.
Parfois c’est fatiguant d’être dans ma tête.

Au moins, je réussis les crêpes des enfants (le cousin de Chouette est là pour deux semaines, j’ai une gamine très occupée du coup).

Finalement, après avoir regardé des destinations qui ne me passionnaient pas, Amsterdam (la location est hors de prix) et Copenhague (loin, cher), nous partirons en Espagne (dernier choix de LeChat, moins évident concernant l’anglais mais on a les incohérences qu’on peut). Je n’étais pas convaincue du tout, et puis je suis tombée sur ça :

Lorsque je lui ai parlé des destinations possibles de ce séjour, mon mari m’a dit « mais tu ne nous as trouvé que des sites en pleine nature ? » Évidemment, il s’attendait à de la ville de ma part ? Incroyable ! C’est comme ça que je comprends pourquoi les autres voyages ne m’intéressaient pas beaucoup, il m’avait donné pour mission des villes là où il m’a offert un pays avec l’Espagne : cela manquait de nature, de verdure, de paysages à couper le souffle – je suis une elfe.

Jeudi 10

À sept heures, LeChat entend la chevêche d’Athéna du côté de la mare.

Le plombier devait venir pour le devis de la clim réversible alors j’ai commencé à vouloir donner l’illusion d’une maison rangée – il manque bien trop de meubles pour ça, mais passons. Un petit coup de balai d’un côté et le rangement de la vaisselle qui séchait de l’autre, cela aurait dû le faire. Mais en rangeant la cocotte j’ai poussé les bols que je n’ai pas vus, qui à leur tour ont poussé la petite porte du placard (qui ne ferme pas) : trois bols brisés.
Je ne sais pas ce que j’ai en ce moment, mais c’est catastrophique pour les objets. LeChat, mi-figue mi-raisin (hilare je-m’en-foutiste perplexe vaguement contrarié) a parfaitement résumé la situation « quand tu veux faire du vide dans la maison, tu n’y vas pas avec le dos de la cuillère, toi ». Pour autant, j’ai brisé son bol et le mien que j’aimais beaucoup et je suis moi, vraiment contrariée.

Corail donne de nouveau des signes de faiblesses respiratoires – dose médicamenteuse doublée par le vétérinaire. Elle a une petite forme.

Il me demande, tu as eu des nouvelles de Kira ? pour la quatrième fois de la semaine. Notre ado vit sa meilleure vie loin de nous. Et de mon côté, si elle me manque énormément, je dois aussi reconnaitre avec tristesse que je suis en vacances. Elle est très compliquée à vivre émotionnellement, à gérer, à nourrir (plus rien ne passe), tout est un casse-tête sans fin et là tout de suite, je me repose vraiment. C’est une gamine dont je me sens très proche, on se comprend très facilement, nos affinités sont puissantes et j’adore discuter et rire avec elle. C’est juste que psychiquement, elle me prend tout. Je crois que si actuellement mon énergie remonte autant, c’est sans doute parce que je n’ai pas à gérer le quotidien avec son autisme se frottant au mien.

Je me prends une miniclaque alors que je lis ce livre, fort à propos par rapport à ce que je viens d’écrire, mais pas seulement :

Je pense à cette page de son journal intime qu’Elizabeth Gilbert (…) avait un jour partagée sur Instagram. On y lisait : « Tu as peur de rendre les armes parce que tu ne veux pas perdre le contrôle. Mais tu n’as jamais eu le contrôle. Tout ce que tu avais, c’était de l’anxiété. »

– Résister à la culpabilisation
Mona Chollet

Vendredi 11

Je travaille sur un projet encore secret. Je m’en vois un peu, mais j’avance ! Je le garde secret pour ne pas me décevoir moi, ne pas créer d’attente inutile aussi. Si je creuse un peu la motivation sur ce silence, je crois que c’est surtout pour ne pas me mettre de pression et risquer la panne totale – je suis créativement frileuse. Et lente.

Je comprends mieux le fonctionnement thermique de la maison. Dehors il fait 36°, dedans à peine 24°. Elle gère parfaitement bien les températures extérieures élevées, sauf si la nuit elle ne peut pas évacuer ; dans ce cas de figure elle garde – et c’est là que nous sommes en difficulté. Ce qui veut dire qu’on va à peine se servir de la clim lors des canicules – rassurant pour la planète.

Samedi 12

Est-ce que j’ai pris la vitamine D en début du mois ? Je ne sais plus, je suis si fatiguée ça expliquerait. Et puis on vérifie le calendrier, mes règles arriveront demain – ceci expliquant cela.
La joie du timing.

Nous faisons cinq grands magasins pour trouver une bassine de linge (solide !) et deux bols pour remplacer les trois cassés. Il est visiblement très difficile qu’ils soient à la fois jolis et grands.

Je fais le colis qui va accueillir mon matériel photo, avec une pointe de tristesse. Je n’arrive pas à lui dire au revoir de manière complètement sereine, et peut-être est-ce lié au fait, aussi, que je n’ai pas encore son remplaçant. Il m’a accompagnée dans l’enfance des filles, dans nos errances voyageuses, il a été le témoin de notre vie en Auvergne… Certains objets comptent beaucoup, cela m’étonne régulièrement. Je veux dire, rien n’est important – et pourtant. Le fait est qu’il est bien trop lourd pour moi, mais l’abandon de ce qui a longtemps été une extension de moi-même, c’est difficile.
J’essaye de le voir autrement : je vais bientôt arrêter de faire uniquement des photos avec le téléphone, et retrouver une certaine qualité d’image..

Dimanche 13

Le matin nous sommes sortis de la maison et nous avons trouvé un chat posé au-dessus des marches d’escalier. Ma belle-mère, que je vais voir, certaine qu’il s’agit d’elle, me raconte alors l’histoire.
Notre village organisait hier soir un vide-grenier nocturne. Alors qu’elle regardait un stand, elle a jeté un œil à côté. Une petite fille vendait quelques affaires et elle lui a demandé :
_ « Vous voulez ce chat ? J’ai enlevé l’étiquette, avant je le faisais à 5€ mais maintenant je le fais… … à … à 2€… ou à 1€ ?
_ Tu veux dire que je peux choisir entre 1€ et 2 € ? »
Et la petite fille a fait doucement oui de la tête.
C’était si craquant, elle a acheté le chat (au plus élevé) (et elle a pensé qu’il pourrait me plaire). Il est amusant mais surtout, j’adore son histoire ^^ Je l’ai caché dans l’armoise :

Le soir, le concert me soulève et je vais si loin – je prépare deux articles, je suis très optimiste.

Lorsqu’on arrive, il est 19h et le soleil déjà, a basculé derrière le batîment. Il y a du monde, sans que ce soit débordant, nous flânons peu : nous avons surtout envie de divaguer à l’intérieur des Arènes.