Dimanche 8
J’ai derrière moi le sourire de ma sœur.
Je tiens droite malgré un quotidien qui m’a rattrapée à peine le pied posé sur le sol de la maison, et ce avec une presque corde. Je ne comprends même pas tous les mécanismes en place, on frôle la violence – mais qu’est-ce qui ne m’est pas difficile de toute façon. Enfin, il y a surtout une chose et je n’y peux rien, être collée à lui n’y peut rien, je ne pourrais jamais y suffire et je n’ai aucun espace où le poser. Je ne sais plus ce dont j’ai besoin, en dehors de « ça ».
Lundi 9
J’envoie le lien de la liseuse choisie à Blanche, et c’est quasiment un pont de futurs mots entre elle et moi – comme si nous avions besoin de plus. Ou peut-être que si justement on a toujours besoin de plus, puisqu’on a besoin en permanence d’enrichir un lien avec des futilités et des importances. Que personne, jamais, n’est acquis. Ne me demandez pas pourquoi nous avions besoin d’une liseuse entre nous, je ne sais pas.
Et si je ne vous l’ai pas déjà proposé : demandez-moi des livres de pixels, je suis une immense bibliothèque ambulante.

Mardi 10
Dans la boîte aux lettres, les impôts et leur chèque de trop perçu pour ma mère. Au nom de ma mère. Voilà qui va être compliqué à encaisser, un an et demi après sa dernière respiration. D’ailleurs ils soulignent eux aussi le problème et me demandent de rectifier la chose en posant un compte bancaire, merci, pour le prélèvement à la source. Je crois qu’ils ont oublié qu’elle était morte.
– mail à la notaire.
Mercredi 11
Je rêve que nous nous occupons d’un enfant lourdement handicapé (Kira enfant) et que c’est lui qui s’en occupe, que je me tiens à distance pour ne faire aucun mal, surtout aucun mal – je risquerais d’être ma mère. Dans le couloir (celui de mon enfance avec ma mère), une valise est restée au sol qui lui appartient, à lui. Il part jouer sur un écran et me laisse sa valise, sa valise pleine, il me laisse gérer trier ranger.
Et c’est vrai qu’en ce moment il me laisse gérer ce qui lui appartient, l’angoisse m’assomme de gérer à sa place ce sur quoi je n’ai aucune prise. Quant au couloir il est très parlant, le travail que j’ai en cours est tellement dans le thème… mais je progresse – je crois. Au moins sur ça.
Sur la chaîne à disques, celle qui lui a appartenu, à elle, une pierre en forme de cœur a été posée par une main invisible. Je l’ai laissée, je me dis… ça ne peut pas faire de mal, de se leurrer. Ni d’y croire un peu. J’avance j’avance j’avance, je retire les épines une à une, un semblant de naufrage en pleine mer où j’avance en ayant vaguement pied. Je tente de respirer. L’air est passé l’autre soir, c’est bien que le chemin est le bon ?
La semaine dernière, A.M. m’a assuré qu’il n’y aurait pas de souci à mon absence à la réunion de demain, aujourd’hui elle tombe pratiquement des nues que je n’y vienne pas. Je soupçonne que la raison est l’absence de quasiment toutes les autres et qu’elle aimerait bien gonfler le chiffre des présentes. De mon côté, je suis déjà stressée par la fête du 21 sans y ajouter une réunion qui n’apportera quelque chose qu’à celles qui l’organisent – sans surprise, je n’en suis pas ou le moins possible. J’ai tenu, je ne viendrai pas.
L’infirmière est une autre et elle me crispe à peine la porte ouverte, ses mots s’emmêlent comme si elle avait couru mais non, elle a juste eu de la difficulté à trouver la porte (et le chemin, me dira LeChat qu’elle a appelé un peu plus tôt, perdue à côté sur une route qui porte un autre nom, rien n’a de sens ; et la maison, me diront mes beaux-parents qui ont vu un nuage rose demander après nous), ça se mélange entre course et perte. Je justifie bêtement, je justifie souvent, et de toute façon elle a raison « nous n’avons pas de portail, ça complique » ce à quoi elle me répond en pinçant les lèvres « oh moi ça me dérange pas ». Et je ne sais pas quoi en penser de ce regard un peu haut, sauf à tenter de deviner ce qu’elle a voulu dire ce dont je me refuse. Elle entre avec son parfum, ça me ferme. De toute façon, je me ferme, pas la peine de chercher ses mots et sous-entendus avec cette odeur qui m’agresse ou encore ses phrases, pas même celles qui suivent, celles où elle explique dans le même souffle qu’elle sort de vacances, que c’est sa reprise, qu’elle a ralenti volontairement toute la journée (ce qui explique l’heure tardive) et que les français sont de toute façon tous des flemmards et pourquoi sinon il n’y aurait que des étrangers dans les Travaux Publics ? Tous des flemmards en France dès que c’est un peu pénible, et que des étrangers partout.
D’accord.
J’ai bien tenté une phrase – pardon de ne pas être d’accord, de trouver ça horrible, de – elle me coupe la parole et m’assène la même phrase énervée cette fois, c’est un peu comme un défi de dire autre chose et je la prends en grippe sur son extrême-droite, je la prends en grippe en entier, elle ses mots son parfum rose paillette et ses horreurs.
Pendant ce temps elle s’occupe du produit, elle insiste, c’est la première fois qu’elle s’occupe de « ça ». Elle pique Chouette et ça se passe bien, elle prend soin de s’assurer qu’elle ne fait pas mal j’imagine que c’est – presque – le principal (même si elle la laisse se débrouiller pour arrêter le sang ensuite). Elle ne sera pas la première infirmière que je demande à ne plus avoir, pour des raisons similaires d’idées laides et arrêtées.
Elle demande la carte vitale. Ç’a beau être normal, je ne peux m’empêcher de poser un parallèle – complètement injuste, celui-là. J’ai conscience que plus rien ne va dans ma relation à elle, qu’elle représente soudain le monde et que je ne l’aime pas, le monde, lorsqu’il est inhumain.
Je pose les mots, l’infirmière, le laid et même toute la laideur du monde, je pose pour ne pas garder. Pour que l’angoisse ne m’arrache pas le cœur.
Je me surprends à apprécier les appels de Y. et même à ne pas ressentir de panique lorsque son nom s’affiche – ce qui n’a rien avoir avec lui, adorable qu’il est.
Dans le jardin je prends la mâche, la menthe, une fraise, je cuisine entrée et plat, salade et petits pois-fleurs. Manger ce qui vient directement de notre terre octroie une aura particulière à ce qu’on met en bouche – une goutelette posée en l’air.
LeChat pose sa demande de congé pour le mariage en août, et je croise – j’ai hâte de commencer notre nouvelle amitié, même si elle ne le devine pas. Je ressens comme il y a autant de formes d’amitiés que d’amis et finalement peut-être qu’il suffirait parfois de soigner un lien de son côté pour pouvoir en continuer certaines. Pas toutes, mais certaines.
– est-ce que tu vas bien ? –
Paroles
Je ne sais plus qui j’aime
Si c’est toi ou ton souvenir
J’ai tendance à ne retenir
Que le bon côté des choses
Dis-moi elles étaient belles ces choses-là
Suis-je la seule à penser à ça?
Est-ce que tu penses encore à moi?
Est-ce que tu vas bien?
Je t’aime encore
Est-ce que tu vas bien?
Je t’aime encore
Est-ce que tu vas bien?
Je t’aime encore
Est-ce que tu vas bien?
Je ne sais plus si même
Tu mérites encore mes mots
Je crois que les tiens n’étaient pas
Ce qu’on nommerait de beau
Et si les tiens n’étaient plus
Si tu ne parlais plus de moi
Est-ce que tu penses encore à moi?
Est-ce que tu vas bien?
Je t’aime encore
Est-ce que tu vas bien?
Je t’aime encore
Est-ce que tu vas bien?
Je t’aime encore
Est-ce que tu vas bien?
Est-ce que tu vas bien?
Je t’aime encore
Jeudi 12 – Ah que la vie est belle
Certaines choses parfois, vont très vite. Le jour de congé est accordé, nous allons au mariage d’O. en aout. Il me reste à prendre les billets, ce qui va me demander une grande organisation incluant également (au passage) la récupération de Kira qui sera chez Lutin.e depuis quelques semaines. C’est donc tout naturellement que je me tourne vers toute autre chose : je suis très en retard pour le concert de Zaho de Sagazan (LeChat n’était pas vraiment emballé alors j’ai laissé passer les semaines) et j’abandonne presque tant je suis persuadée qu’il n’y aura plus de place. Kira me dit, « on ne sait jamais » et elle avait raison, il restait quelques places. Assez mal placées (trop sur le côté, ça va nous rappeler des souvenirs), mais des places. Je me souviens au dernier moment que nous ne pouvons pas emmener Kira qui aurait adoré venir, ce sera pour une prochaine fois, et ne prends que deux places. Je vais à un concert, je vais à un concert, JE VAIS A UN CONCERT ! J’éclate à l’intérieur et je me mets à danser dans le salon parce qu’il faut bien que cette énergie passe de moi à l’extérieur, qu’elle sorte, qu’elle dessine autre chose dans l’air autour de moi. Je m’y blesse la cheville et le genou, mais qu’est-ce que je m’en fous !
– douleur provisoire, je suis chanceuse.
Kira et moi tentons des nonnettes depuis un de mes livres de recettes, ces petites choses à l’orange extrêmement sucrées, de Dijon. La réussite est mitigée, je chercherai une autre recette – un jour.
Babelio m’a sélectionnée pour un livre (j’en avais coché deux). Je suis toute à la joie de recevoir bientôt Comment écrivent les écrivains, et d’avoir finalement trouvé le second en epub, Conversartion avec Amelie Nothomb.
Vendredi 13
Les nonnettes sont bien meilleures d’avoir attendu, je suis bluffée… le miel et les épices ont pris corps ensemble, l’orange s’est comme installée. Une recette a cuisiner la veille, donc.
La liseuse arrive et je la remplis de nos auteurs préférés, Pratchett, Quiviger, Bobin, Pennac, et de livres incontournables à lire tel Babel, elle me fait ajouter Chollet, Ovidie et d’autres. Je m’amuse comme une enfant.
Samedi 14
Je me suis mise une ligne directrice, je ne prends plus de livres à la médiathèque tant que je n’ai pas diminuer la pile qui a de nouveau grossi, sur la table dont je ne vois quasiment plus la couleur. J’ai dont emprunté deux livres.
En expo ce mois-ci (après les marques-pages abandonnés), les objets oubliés entre les rayonnages. Les lunettes sont présentes en un nombre effarant, et le pic à cheveu m’appelle :



Nous pique-niquons dehors sous les arbres, la chaleur est encore, et c’est étonnant, agréable. Je mange des tomates et des chips donc très mal, ce n’est pas complètement apaisé comme évidence. Difficile de me nourrir hors de la maison sans l’avoir prévu, avec une allergie aussi pénible et largement installée dans l’alimentation industrielle (jusque dans le pain)… je me rattrape au goûter avec les sablés.
À ce propos je me suis aperçue que j’avais perdu du poids, c’est le pantalon qui me l’a dit – je flotte doucement des jambes. D’avoir arrêté les produits laitiers, je m’affine il semble. Dans le miroir je suis la même, je ne vois pas de différence.

Dimanche 15
J’organise le voyage de cet été et nous abandonnons la SNCF et les 1000€ qu’ils nous demandent, c’est de la folie pour juste avaler de la route et envoyer du riz sur des gens – j’espère qu’elle évitera le riz. Je lâche en même temps la possibilité de voir Blanche une semaine avant, l’âme s’y perdra indéniablement. Le choix de la voiture, une autre histoire de roues qui tournent. La virée s’est simplifiée d’un seul coup, mais promet une fatigue violente.
Ils parlent tellement il m’est impossible de lire, je mets le casque et la musique sur les oreilles, je me laisse envelopper et reprends mon livre qui a l’originalité (on en est là, parfois) d’être complexe à suivre. Une grande part de ma fatigue en est la cause, l’autre lui appartient réellement : cet ouvrage est un ovni merveilleux et problématique. Je me laisse disperser, c’est éprouvant pour tenir l’histoire intense, la tenir par tous les bouts sans en perdre une particule, la syntaxe s’emmêle, la traduction a pris l’eau et noie le lecteur avec elle, je me noie. La musique m’entraîne sans résistance parce que je n’y arrive pas, c’est si étonnant… je pose le livre je ferme les yeux et je me laisse guider sur les filaments lumineux. Comment un livre peut-il être à la fois bien écrit et mal écrit ? Demandez à Bragelonne avec Le Livre qui refusait de brûler. Je sors de l’histoire sans cesse alors qu’elle est passionnante, peut-être faudrait-il poser quelques questions à la traductrice et au pôle de relecture de la maison d’édition.
Repas du soir :
. salade de carottes râpées, poivron, pousses de haricots, aïoli maison en petite quantité
. salade de chou vert, oignon, concombre, pousses de haricots, ail, mayonnaise maison
La châpe de plomb accepte de nous lacher vers minuit, refroidir la maison devient difficile.
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Est-ce qu’elle est mon obsession du moment ? Je ne crois pas que ce soit tout à fait ça. Ou légèrement, alors. Je me suis remise à dessiner, à sourire, à respirer et il y a autant de l’amie vue que du concert à venir, c’est certain. Il me faut penser à me nourrir lorsque je m’effondre, ou à me nourrir avant, sans doute. Et en ce moment, pour moi, cette artiste fait partie de la beauté du monde.

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Je suis tellement en phase avec toi sur Zaho : « cette artiste fait partie de la beauté du monde ». Et sinon j’adore la photo du pique-nique sous les arbres avec ces deux bancs énigmatiques perdu dans la verdure. ^^
N’est-ce pas 🙂
Merci ^^ Ces deux bancs incongrus ont appelé l’appareil photo, en réalité nous avons mangé sur la table juste à côté ^^
Il me faut penser à regarder les concerts autour de moi et à y aller, ça fait tellement de bien, avant et après, et bon bien sûr, pendant
Mais oui tellement..! Cette énergie qui circule entre et pendant est merveilleuse 🙂