Dimanche 1 – 33°
Je tombe dans Palia, qui est l’exacte perfection de ce que je demande à un jeu (voilà, maintenant je sais ce que j’attends d’un jeu vidéo) ce qui me ravit et m’ennuie aussi ; je vais y passer trop de temps, c’est un vrai problème. C’est fou comme le savoir n’empêche rien.
Je n’aime pas sa manière journalistique de parler, mais ça donne un aperçu ; et le multijoueur s’est amélioré depuis :
Je crois qu’on avance toujours en prenant des risques avec soi-même.
– Vers l’écriture, Jeanne Benameur
Le soir, nous échappons à la sévère chaleur de la journée pour la merveilleuse fraîcheur de la rivière. Je ne me baigne pas, je lis Jeanne Benameur ; elle me donne envie de lister ce qui m’entoure, je ne saurais même pas dire pourquoi exactement, à quoi cela répond. L’exercice est apaisant, étrangement, sans doute parce qu’il demande une présence au monde accrue, il oblige à ouvrir ses sens au lieu de ce repli protecteur soulevé par habitude. Je note comme la vue est le plus développé, comme les autres s’éveillent plus doucement, comme en retrait.
Je suis assise et
. je vois l’eau bouger, je vois des remous légers et tourbillonnants, des galets gris striés de noir, l’enfant avancer dans l’eau glacée, la verdure foncée des arbres, la luminosité baisser, des insectes marcher et voler, une araignée courir, un tronc couché sur la berge, des nuages s’avancer de plus en plus sombre comme un orage en devenir, les mots que je pose sur le petit écran dans ma main, les branches mortes, le moucheron posé sur moi, la demoiselle qui passe au ras de l’eau
. j’entends des oiseaux, j’entends l’eau s’effondrer sur les rochers, j’entends un clapotis très léger juste en dessous, l’enfant avancer dans l’eau, j’entends un maman ! et le pas pressé de l’ado, le hurlement de l’enfant lorsque l’ado lui court après et la touche, j’entends leurs pas lorsqu’ils reviennent et puis leurs voix
. je sens l’humidité se poser sur moi, la fraîcheur sur ma peau, le poids du téléphone dans la main, la chaise sous mon corps, mes doigts s’engourdir, un insecte marcher sur mon bras, je sens que je suis présente en moi.

Lundi 2
Il est tôt, encore. 9h et des minutes éparpillées. LeChat dort à mes côtés pendant que je travaille l’anglais, lorsque mon téléphone sonne silencieusement. Je suis tellement surprise, j’oublie de sortir du lit et décrocher.
Je la connais depuis 24 ans. Elle vient d’une époque que je tente souvent de fermer, parce qu’il y a besoin d’avancer, de laisser passer les violences et regarder droit devant. Elle m’a fait découvrir les mangas (il y a 23 ans), les blogs (il y a 22 ans), la méditation les dragons les soins énergétiques les portes à passer les couleurs (24 ans), c’est elle qui m’a dit « tu as une porte méga cadenassée en toi, impossible de l’approcher ou l’ouvrir » c’est à dire un trauma invisible à gérer (20 ans) cette même porte qui m’a explosée au visage (10 ans) et dont j’ai mis autant de temps à me remettre (si on peut dire que je suis remise), c’est elle qui m’a dit (faites ce que vous voulez de la phrase) « Kira a une entité en elle qui déteste les humains, il faudra être vigilant » (15 ans) et Kira déteste les humains (actuel) même si j’essaye de lui apprendre à nuancer. Elle aussi qui m’a harcelée, « pour mon bien » (21 ans). Alors je vous le dis tout de suite, harceler une personne pendant trois heures d’une seule phrase répétée « tu dois le quitter » en étant enfermée avec la-dite personne, tout ça pour qu’elle quitte son conjoint toxique et violent, ça ne fonctionne pas, et même ça aggrave le problème. Je ne me suis jamais remise de ce qu’elle a fait. Elle a mis quinze ans pour s’excuser, et j’ai toujours en moi l’alerte « personne dangereuse » qui clignote en sa présence. Alors qu’objectivement, elle ne l’est pas. Mais elle l’est, aussi.
Depuis notre relation est bancale : elle m’adore, je l’apprécie.
Je l’ai invitée à mon mariage pour de mauvaises raisons, et je m’en veux pour ça (je voulais lui montrer que je m’en sortais, je crois), et depuis elle reste autour. On se parle deux fois par an, à nos anniversaires. Sauf au dernier ; je n’ai pas eu de ses nouvelles et cela m’a aidée à tourner la page, à passer à autre chose, enfin. J’ai classé le harcèlement, S et J et elle, tout ce qui a pu tourner autour d’elle de malsain et beau, aussi.
Jusqu’à ce qu’elle m’appelle, là. J’ai écouté le message sur mon répondeur et puis je l’ai rappelée. Pour une raison que j’ignore, mon téléphone a bloqué tous ses messages et elle en a envoyé un chaque semaine depuis début avril. Je veux dire. J’ai toujours eu une relation particulière avec l’électronique, j’ai tué un nombre assez faramineux d’ordinateurs, j’ai planté tous ceux que j’ai approchés pendant une quinzaine d’années. Je sais quel rapport j’ai avec l’inconscient, aussi. Et comme les deux se lient facilement – prenez-moi pour une folle si vous voulez, I don’t care... J’ai beau le savoir, je suis toujours surprise lorsque ce genre de choses se produit, qu’un bidule électronique plante juste parce que c’est ce dont j’ai besoin.
Pendant que nous étions au téléphone, elle a tenté un sms et rien. J’ai vérifié, elle n’était pas dans les numéros bloqués (de toute façon, elle a réussit à me joindre donc non ça ne peut pas provenir de là). J’ai envoyé un sms qu’elle a reçu, elle m’a répondu et cette fois, je l’ai reçu aussi. Problème débloqué. Étonnamment. Ou pas. La situation, bien étrange, m’a permis d’avancer.
Je suis officiellement invitée à son mariage en août, et je compte m’y rendre. Je ne lui ai pas demandé si J. y serait, je ne pense pas, je n’espère pas – j’espère que non. Mais je ferai avec. J’ai avancé.
Mardi 3
C’est fou tout de même, les coïncidences. LeChat a jeté les papiers de ma mère, je reçois un courrier pour elle. Les impôts ont un léger trop perçu et nous en informe. Je goute l’humour de la situation : ils en ont profité pour glisser un papier « Un changement de situation ? (mariage, pacs, naissance, divorce, …) », dès fois qu’elle se soit mariée depuis.
La bonne nouvelle est que je n’ai eu aucun stress à la lecture inopinée de son nom.
Mercredi 4
À la fripe j’essaye de ralentir mes gestes, de moins me fatiguer, et même je m’assois une fois pour trier un carton. Malgré tout la fatigue qui me tombe dessus est comme une montagne posée sur les épaules, je n’en peux plus. Vivement l’été…
LeChat reçoit une alerte de notre assurance, un gros orage va exploser au-dessus de nos têtes dans la matinée. Il éclate l’après-midi mais ils n’avaient pas tort, il est impressionnant. Le ciel se déverse avec rage, des grêlons tombent dans le conduit de la VMC, le jardin se couche, les arbres ploient, le tonnerre déchire nos oreilles. Il ne fait pas semblant, l’orage, il dessine un nouveau paysage. Je fonce sous la pluie ouvrir les bacs pour récupérer l’eau, mais surtout je les place de manière à « éponger » le trop-plein devant la porte d’entrée. Je rentre trempée, malgré le parapluie.
Étonnamment, seul un pied de tomates s’est cassé, sa tige pend lamentablement, le reste est allongé à même le sol. J’admire, depuis, la force de ses plantes qui se redressent lentement. La résilience.
Le soir je m’effondre sur le canapé, je tombe si bas que je pleure toute seule sur un livre absolument pas triste. Je sens bien qu’il faudrait que je fasse autrement, que j’arrête la friperie, que je m’isole, que je ferme l’écran plusieurs jours, que je prenne des vacances, seule seule seule. Je m’enferme avec ce livre et la musique, et c’est Archons qui me récupère, je remonte doucement au rythme intense et sourd des accords. J’entends l’alerte pour ce qu’elle est (les alertes, à ce stade), sans savoir comment m’y prendre vu ma semaine.
Jeudi 5
Au téléphone, Y. me suggère d’être relectrice-correctrice sur des plateformes dédiées, mais après l’expérience harassante avec les étudiants de Noir, je ne suis pas très emballée. Je vais réfléchir à la chose – après tout, pourquoi pas..?
Je fais mes bagages, je cuisine des biscuits à emporter, je prévois mes repas du week-end et me rabats sur une tartinade et du pain (des baguettes) que je fais un peu tard le soir, j’entasse les livres à vendre ; j’occupe l’angoisse qui s’est invitée – elle n’a aucun sens. Ça va juste être chouette, je me fatigue à stresser pour tout. Je ne sais pas si c’est la sortie, les trains, l’hôtel, je ne sais rien, ça m’énerve d’être comme je suis, tendue devant les changements..
– la joie par anticipation arrive plus tard, en soirée
D’une certaine manière nous fêtons, Blanche et moi, nos vingt-six ans.
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. Artiste : j’ai découvert ce sculpteur sur bois il y a peu. Si je n’aime pas tout ce qu’il présente, je reste impressionnée par son travail. Je suis fascinée par ce qu’il est possible de faire émerger d’un morceau de bois.. D’accord, et par le corbeau humanisé, aussi ^^
Son site, son blog, les RS mastodon et Instagram.

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Belle soirée en famille ♥
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