Jeudi 1
Dans la chambre de Kira, il y a toujours la boîte en plastique avec un tissu tenu par un élastique pour que personne ne s’échappe. La première araignée est sortie du cocon (elle marche donc, jusque-là elles étaient figées dedans comme des épouvantails ; essaye d’imaginer des araignées dont les huit pattes sont droites et plates autour d’elle, en étoile. Voilà).
– je ne sais pas comment j’ai fait pour élever une enfant qui élève des araignées –
une deuxième bestiole est sortie, une deuxième sur beaucoup (encore rigides).
Observations scientifiques :
. Œufs trouvés, il y a un mois
. Éclosion le 19-04, il y a onze jours
. Première sortie sur le cocon, 1er mai
. Mise à la porte (pardon, dans le jardin) : 5 mai
Elles vont toutes très bien le 6 mai, explorent peu sauf une, toujours première en tout – Kira est fière de ses petits.
Je reçois un message, la CMI stationnement vient de quitter leurs locaux et voyage jusqu’à moi. Mais pas celle qui est sujette à questionnement, qui clignote à ne pas exister puis exister, fantôme.
Vendredi 2
J’ai encore 35 articles de retard à lire, je progresse sur la pointe des pieds. Je ne laisse aucun message nulle part, je crois que c’est moi que je dérangerais. Sensation de glisser vers la disparition, c’est exactement ce que je fais, ce que j’organise, je ne suis plus nulle part sinon ici. Combien de temps pour être oubliée. Je recroqueville les orteils et peut-être aussi, tout le corps, j’échappe à l’autre.
Samedi 3
L’écureuil grignote une amande dans son arbre pendant que Corail l’observe, trépigne puis se décide à lui faire sa fête en traversant la maison comme une furie ; la chatière vole. L’écureuil fuit dans le figuier puis le frêne, de plus en plus haut, jusqu’à ce que Corail ne puisse plus l’atteindre, le tout dans de petits cris adorables – protestation ? Panique ? La fourrure rousse est expressive.
Lorsqu’elle rentre dans la maison, lâchant l’affaire, l’écureuil retourne manger dans l’amandier.
Ça va bien se passer.
Je me bouscule, me décide à demander des nouvelles (un cancer est dans la balance, je peux quand même faire ça ?), ça fait deux semaines que je devrais voudrais n’y arrive pas, je m’enferre dans le silence. L’angoisse me dévore dans la foulée du message, je sens l’attaque sournoise dans la poitrine et la volonté que personne ne réponde. Elle me dit, tu peux appeler. Et ça se passe bien, évidemment que ça se passe bien. Que c’est difficile, cette famille et moi. Et pas de cancer, tant mieux, vraiment.
Dimanche 4
Je rêve d’Eliness, mais je ne sais plus du tout pourquoi, une importance bien présente pourtant mais il m’échappe très vite, dès lors que j’ouvre les yeux. Dehors il pleut doucement – encore – j’en profite pour mettre mes plantes en pot sous la pluie fine, qu’elles se nettoient de la poussière accumulée sur l’année passée – je ne pense pas suffisamment à le faire. Au téléphone, l’envie de gribouiller n’importe quel truc (du moment que le crayon s’active) me démange et je prends mon carnet, découpe, déchire, colle tout en discutant de ses limites à elle qui rejoignent les miennes – se confronter à la MDPH et donc à soi. Je l’ai écoutée comme je me serais écouté moi, l’expérience de moi en plus.
Le soir je pleure en moi et retiens tout ce qui pourrait se déverser – il demande juste à ce que je prenne en charge la médiathèque dans la semaine, bus caddie enfants. Je n’arrive plus à rien.
Lundi 5
Dans ce rêve-ci j’étudie, je change d’étage régulièrement et j’apprends d’un peu tous les domaines, j’oublie aussi vite au réveil, je suis déjà ailleurs. J’écourte la séance d’anglais pour un plombier qui ne viendra finalement que l’après-midi (pour ne rien changer, il dit « la fuite est normale »). En ce moment j’oublie le japonais, je le délaisse chaque jour davantage. Je l’observe et me détourne pour me consacrer à une seule langue – l’appli va trop vite pour moi, elle me vertige.
La CMI priorité se lance elle aussi sur les routes, de fait elle deviendrait presque réelle… Mes beaux-parents sont revenus ce soir de leur voyage et j’ai réalisé que je ne leur avais pas dit, pour les cartes, la RQTH, l’AAH. Jusqu’à il y a peu encore, ils parlaient d’assistanat, qu’il fallait travailler pour mériter un salaire, je ne suis pas pressée pour leur expliquer comme je vais l’être, assistée.
Nous partons marcher il est 20h37. Le téléphone peine à donner des photos, il tente le flou essentiellement. Nous rentrons à la nuit, une tique sur son épaule, une grenouille pratiquement sous mon pied et deux chats-silhouette sur la route… Pour une fois je m’endors facilement, assomée.



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Ca devait être quelque chose quand même ces araignées qui sortent du cocon…
C’est beau aussi ma nature le soir, ça ressource et ça fait dormir tôt et bien peut-être aussi – la ville m’offre des rêves tarabiscotés.
Misère, oui 😀 dès qu’on bougeait la boîte, ça faisait une vague sur le cocon, très chouette à voir en fait ! Un peu inquiétant aussi..
Ajouté, évidemment, Nuraddin Taghiyev à mes playlist et abonnement.
Ce morceau est envoutant…
J’adore tellement les balades le soir comme ça…
Mais oui tellement ! J’aimerais en faire tous les soirs, mais LeChat est souvent épuisé par ses journées de boulot ou il rentre trop tard..