Je ne sais pas si j’épuise, si j’amoindris vraiment et pourtant si, il y a là quelque chose de réel dans ce qu’elle dit. Plus on ouvre la boîte, plus elle est regardable à l’intérieur. Le problème finalement est dans le nombre de fois où il faut l’ouvrir pour user le traumatisme et lui faire rendre grâce.
Il me semble que la psy avait dit que pour le deuil, il était bon de revivre encore et encore le traumatisme. Peut-être voulait-elle dire qu’à force, on allait l’épuiser, l’amoindrir.
– Chez Zaclys, ma vie sans lui

Je le crois souvent, pas à propos de créer un film non, juste l’écriture, je le crois souvent et puis je ne sais plus très vite elle est trop lourde, prend toute la place. Ce que j’écris prend tellement de place, je le cache et l’enterre et la mort s’amuse bien, ce n’est plus universel c’est personnel.
Je croyais avoir les idées claires. Je voulais faire un film honnête, sans le moindre mensonge. Je croyais avoir quelque chose de simple, de si simple à dire. Un film utile à tout le monde, qui puisse aider à ensevelir toute la mort que nous portons en nous.
– Chez Christine Jeanney, tiré de Federico Fellini – 8 1/2

Tellement. Mais tellement.
On devrait pouvoir choisir quoi corroder pour s’en sortir.
– Chez Christine Jeanney

Ou hurle. Il faut reconnaitre, je suis parfois sourde. Littéralement.
« Ce qu’on ne peut pas dire, on ne peut pas le taire » (…) « à la place, le corps parle«
– extrait du podcast « quelques raisons de ne pas disparaître« , épisode 8

Quelqu’un qui écrit a besoin, pour écrire, d’être quelqu’un. Parfois, c’est même précisément pour ça que la personne écrit. Quelqu’un qui lit quelqu’un (quelqu’un ayant écrit) a besoin au contraire que la personne s’efface un minimum (on se situe entre un minimum et le plus possible), et quelque part de la réduire à un succédané d’elle, ou pour le dire de façon plus prosaïque, à un consommable. Il doit y avoir du vampirisme ou de la prédation là-dessous, comme dans ce film un peu raté, mais par ailleurs très riche, dont la morale est sans doute : les gens qui exigent qu’on les aime tout en étant incapables de s’aimer eux-mêmes sont des monstres.
– Chez Fuir est une pulsion

Je ne sais toujours pas bien si je suis utile, mais j’aime le lire.
Parfois, je crois que je ne sais pas m’inscrire dans un flux, que je suis à l’écart, à contre-courant. Ce matin, brusquement, je me dis que c’est faux. Je crois que c’est plutôt ce que la société, telle qu’elle se présente, capitaliste et patriarcale, voudrait nous faire intérioriser (je dis nous au lieu de je, parce que je pense que c’est systémique). Pour cela, rien de mieux que la menace, l’épée de Damoclès, le jugement. Or, nous sommes dans le courant, au contraire, lorsque, sans peur, nous prêtons attention aux autres, aux mouvements du vivant. Nous sommes parfaitement utiles, à faire ce qui n’entre pas dans le PIB.
– Chez Anne Savelli

(…) la dernière fois, ils avaient parlé de patience. Celle qu’il nous faut pour vivre vieux.
– Chez Si j’étais un arbre

J’ai ressenti un écho d’une grande violence, violence parce que ça n’est pas bien passé ce « c’est terminé », cette constatation sans faille de « c’est terminé ». Qu’il m’arrive d’y songer encore. Non pas d’y avoir mis fin, mais d’avoir dû y mettre fin, d’en être arrivé là, d’avoir dû passer par toutes ces étapes de souffrance. Constater est le soulagement après la souffrance des rouages épuisés, c’est le premier pas de guérison. Pourtant il y a ça, il faut encore guérir d’avoir été obligé de constater. Guérir des années qui ont précédé. Guérir de ce qui est définitivement terminé, et qu’on a aimé. Guérir d’avoir été blessée jusqu’à la rupture.
J’ai constaté que ce n’était plus possible. Je ne me le suis pas dit, non. Je l’ai constaté, comme on constate une fêlure dans une tasse, un rouage grippé dans une serrure. Je ne peux plus ruminer sur ce que j’aurais dû lui dire, ce que je lui dirais, « et si on ne se voyait plus jamais », « et si il n’y avait plus jamais quoi que ce soit entre nous », « et si en fait je m’étais trompée depuis toujours », « il m’a fait du mal », « il ne s’est jamais excusé », « je vais devoir lui écrire un jour que c’est fini », « il faudra que je lui dise ça, mais ça se trouve en fait je ne pourrais pas car ça se trouve c’est fini », et on continue, comme un bruit blanc. Ce n’est plus possible. Déjà parce que c’est perdre énormément de temps, d’énergie et de confort. Ce n’est pas possible, de vivre avec un cerveau en autonomie complète qui s’englue dans une mécanique pareille, une de celles qui pillent la confiance en soi et l’autre, les autres, isolent et aliènent.
Chez Mathilde, Tant qu’il nous reste des dimanches
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