Samedi 1
La journée entremêle les obligations et les plaisirs. Courses, médiathèque, divers magasins, on y passe l’après-midi entière. Au milieu, je prends le temps de discuter avec la vidéothécaire (je vais l’appeler Valérie pour simplifier ici, ce n’est pas son véritable prénom), il ne manquait que le thé. Et ce n’est pas elle que j’apprivoise, c’est moi, moi en lien avec elle.
Dans la boutique de bande-dessinée, je demande s’il y a une possibilité de pré-commander l’artbook d’Arcane, puisqu’il semble que certains y arrivent, mais les deux libraires m’expliquent que ce n’est pas possible, ça ne sera à priori pas le même code barre donc en l’état ils n’ont accès à rien. Il s’agit de la sortie du livre la plus mal préparée au monde, personne ne sait où quand comment, elle dit « il me semble que la date a été repoussée, vous êtes certaine du 20 mars ? » je ne suis plus sûre de rien, ce livre c’est Schrödinger figé devant le chat, et il est possible que la boîte soit dans le chat.
Par contre ils m’enregistrent pour la sortie, je serai au moins prévenue. Mais ils expliquent aussi, et je les sens tendus, que la réimpression sera très certainement limitée, c’est à dire moins d’ouvrages que lors de la première sortie. En résumé, très peu de chance de l’obtenir, même s’ils vont limiter la vente à une personne par foyer pour éviter les reventes (à 200€). Et que la faute incombe aux USA, dont la réimpression dépend. Leurs mots : « ils s’en foutent, de la France ». Je ne sais pas si j’ai bien choisi mon libraire BD, ils ont l’air déprimés par l’état du monde.
Je tenterai de l’obtenir à défaut en anglais, pour Kira.
Fatiguée, agacée, je le cherche par un autre moyen, je cours après un mirage parce que ça n’existe pas un miracle, à ce stade. Et le trouve en anglais, en pdf de haute qualité ; il fera un peu le taf, en attendant le véritable (pour mon projet délirant en dessin). Je tente même une impression illégale, au point où j’en suis, mais la mise en page est foireuse, autant que le projet. Je me demande, maintenant, si une boutique me le ferait, je doute.
Peut-être un peu obsessionnel, tout ça.
Peut-être.
Dimanche 2
Nous jardinons, mouvements non coordonnés où il creuse et plante quand je sème. Il ne fait pas chaud mais le soleil tente de compenser par une belle luminosité. À venir, peut-être, des salades et des fèves. À ce propos, les fèves semées fin décembre ou début janvier, que je pensais (comme mon beau-père, qui avait semé en novembre) complètement ratées puisque rien ne poussait malgré la pluie, sont enfin sorties de leur dormance ! Amusant comme d’une année à l’autre, les graines ne réagissent pas de la même manière… J’en sème d’autres au cas où, le décalage dans le temps sera agréable – j’en raffole.
Parce que j’en ai marre de la quarantaine d’onglets ouverts (et la moitié sont des articles en cours), je me lance dans la rédaction dans un ordre franchement aléatoire (mais si je m’y penche, c’est sans doute réalisé du moins énergivore au plus complexe). Et prends la décision d’avancer d’un par jour (combien de temps vais-je tenir ?). Le plus ancien en attente date du 2 novembre 2024, tout de même.
Lundi 3
J’ouvre le poulailler et j’aplatis encore cette pauvre poule qui cherche à s’échapper, elle râle. C’est beau, une poule qui râle. Toute sa personnalité s’exprime dans ses deux gestes, l’échappée et la frustration du ratage, je l’aime profondément pour son acharnement à vivre en dehors de ce qui lui est imposé.
La cane à mes pieds elle, ne me trouve pas assez rapide, elle saute et m’arrache des herbes. Elle a un petit regard en coin « non je n’ai pas fait ça » qui me fait rire.
Les poules picorent mes chaussures, dès fois que. L’une rentre dans le seau posé en hauteur, lorsqu’elle en sort, il tombe sur les lapins qui détalent. Une autre me mord le doigt en pensant qu’il se mange – ça fait mal, dis.
Les lapins s’intéressent à tout, parfois j’arrive à les caresser mais c’est un peu un malentendu, j’approche la main, me fond dans leur douce fourrure, alors qu’ils mangent les herbes apportées. Je ne peux pas vraiment les apprivoiser alors qu’ils vont être tués, et ça me rend triste.
Kira ne remonte pas. Enfin si, elle est remontée, juste elle a atteint le maximum qu’elle pouvait et c’est un tiers du parcours. Je ne sais plus de la fatigue du séjour ou le bouleversement hormonal, ce qui se joue.
Les sablés prennent un ascendant olfactif certain sur mes sens, j’ai faim avant l’heure.
Mardi 4
Je désherbe pendant quinze minutes un des potagers de mes beau-parents, et j’en arrache beaucoup tant j’ai envie de leur faire plaisir. Je ne peux pas les libérer, mais je peux apporter de la verdure pour bouleverser un peu leur quotidien. Les canards, poules et lapins nous attendent (chaque jour) devant le portillon. Leur comportement a clairement changé. Là où au début ils affichaient un intérêt poli sur notre arrivée, désormais c’est la cohue et on doit faire attention à ne laisser sortir personne, autant qu’à ne pas leur marcher dessus. J’ai développé une astuce : j’ouvre et leur jette une touffe d’herbe plus loin, ce qui nous libère le passage comme une vague.
L’arrachage des herbes, que j’alterne pourtant un jour avec la main gauche, un jour avec la main droite, est en train de tuer mes mains. Je sais que je devrais en prendre moins, ou sauter une journée, mais les bestioles. Elles n’ont pas d’extérieur, je peux bien faire ça ?
Pour la première fois (en quarante-sept ans je pense et ce n’est pas tant exagéré), nous cuisinons des crêpes le jour de la chandeleur.
J’ai repris le crayon, abandonné depuis si longtemps le projet avait sombré dans le vide. J’ai dessiné un corps, depuis le livre d’une IA qui ne s’assume pas – je n’arrive pas à décider si Lise Erzog existe vraiment et alors elle prête son nom, ou si tout n’est qu’invention. J’ai repris après des semaines d’arrêt, et pour la première fois je n’ai pas cette sensation de ne plus savoir faire. Je ne sais pas ce qui a bougé, je ne sais pas si le syndrome de l’imposteur s’efface, je ne sais pas si j’ai pris de l’assurance ou si rien, c’est hasardeux, des planètes alignées, mais j’ai repris le crayon avec la facilité de ceux qui savent.
Mercredi 5
À la fripe, je donne pour consigne de retirer le très chaud dans la seconde pièce (je décris, les gros pulls, les lainages, etc), et les collègues retirent des tee-shirts de coton à manches longues au lieu des pulls en laine. Tout est à refaire, mais je m’en aperçois tardivement, je travaillais dans la première salle.
Une coupure d’électricité plonge la réserve dans le noir alors que nous sommes en plein déballage demi-saison, nous travaillons à la lampe du téléphone. Dix minutes après cette plongée dans la nuit, l’alarme incendie se déclenche, ma tête hurle avec. Les cinq autres collègues mettent les mains sur leurs oreilles et attendent que ça passe, comme si de rien n’était. Je mets tout le monde dehors, exaspérée. Aucun instinct de survie, les gens. Même si je me doute qu’il y a un lien avec la coupure de la lumière et qu’on ne risque absolument rien, la sécurité parfois ça a du bon. Ou alors je suis une stressée de nature et nous devrions rester jusqu’à ce qu’on sente la fumée. L’alarme est arrêtée par une personne bien intentionnée, et je vais voir la mairie (nous sommes dans le même bâtiment) : dysfonctionnement dû à un gros problème dans le circuit électrique, ils ne savent pas quand ce sera réparé. Elle me dit, « on n’a plus de chauffage du coup » alors qu’il fait une chaleur terrible dans les locaux et que de notre côté, c’est glacé. Je ne sais pas si c’est rassurant. Si ça ne va pas en effet prendre feu, à un moment, leur installation.
Je n’en peux plus. Je cuisine, on mange, je désherbe, nous allons au poulailler, on va même marcher pour essayer de remonter Kira mais rien ne va comme prévu. Je n’arrive pas à marcher d’un bon pas, j’ai mal, le ralentissement épuise Kira et lorsqu’on rentre, nous sommes des pâquerettes au ras du sol. J’ai les articulations dévorées, j’en fais visiblement trop ou alors il n’y a aucune loi physique de rapport de cause à effet et juste mon corps hurle parce qu’il le peut.
LeChat ne va pas bien non plus, il aurait besoin d’aide pour remonter, il s’exaspère même qu’à la maison, nous allions si mal et que nous ne puissions pas être là pour lui ; je l’envoie gentiment voir ailleurs si je n’y suis pas (très gentiment, vraiment). Mais ailleurs.
Jeudi 6
Réveil à 6h. Depuis la première crise, je ne dors plus correctement, again. Mon sommeil est un peu comme voir le bordel sur un bureau et ne pas savoir par quel bout le prendre, c’est chaotique et décourageant.
Nous terminons le travail à la fripe (presque), mais à deux. Et nous sommes mille fois plus efficaces qu’à six. Évidemment, la douleur en retour de ce travail de forçat m’assomme l’après-midi, le moral chute avec, je suis la même mais égarée.
Incapacité de Kira de se rendre à son activité.

Vendredi 7
Peu dormi, réveil définitif à 6h30, j’attends que le cerveau se pose et rien, il tourne sur la douleur et le down, elle empêche de respirer et fait ramper les angoisses, c’est peut-être ça la folie, tomber dans la souffrance.
Ne rien faire, sinon pleurer.
Samedi 8
Grande discussion avec Kira. Est-ce qu’on sait avant s’il y aura passage à l’acte. J’angoisse, je n’en peux plus d’angoisser, je pleure en douce pendant qu’elle est dans mes bras à pleurer franchement. Elle me dit je n’y pense pas ça va, je ne sais pas si c’est vrai ou si c’est seulement pour me rassurer, je veux croire que c’est vrai parce que je la laisse seule derrière moi, seule dans la maison, que je la laisserai d’autres fois seule et que.
Je pose des peurs affreuses, mais il faut bien que je le fasse quelque part.
Pas la grande forme, pourtant tout s’enchaîne. Deux médiathèques (j’y ai récupéré L’art et la création de Arcane !), les courses. Nous rentrons manger et l’après-midi avance, il y a encore les magasins de chaussures à visiter pour trouver des bottines qui pourraient convenir au cosplay de Powder pour Kira (qui part jeudi prochain pour la Paris Manga). La journée est si folle, je me fais exploser les genoux par le SED.
Étonnamment (ou pas), Kira qui pleurait prostrée encore le matin arrive à monter dans la voiture, reprend de l’énergie alors qu’elle essaye des chaussures dans des boutiques avec une musique pénible et des lumières fatigantes. C’est moi qui fatigue. Je rentre dans le magasin, je cherche et si je trouve je vais la chercher dans la voiture. On en fait trois comme ça avant que finalement elle vienne regarder elle-même.
Ce n’est pas exactement ce qu’elle voulait, mais on a de quoi ne pas créer un paradoxe spatio-temporel (par exemple avec des baskets) pour le cosplay en question :

Le soir, on enchaîne deux épisodes d’Arcane. Et c’est la chose la plus pertinente faite ces derniers jours, en prévision des prochains. Même si on ne le sait pas (le but étant de tous les voir avant son départ).
Dimanche 9
L’écureuil est revenu, je suis fascinée par sa manière de courir, la queue telle une vague qui le suit. Lorsqu’il nous voit tous les quatre suspendu à ses gestes, il fuit. J’espère qu’il reviendra malgré nous…
17h. Parce que je réalise soudain que non, le cosplay acheté/prévu n’arrivera pas (avant le jour J, voir n’arrivera pas du tout, l’optimisme est parti voir ce que faisait le colis), j’ai un coup de panique et on passe au plan B, c’est à dire inventer sur le tas. Nous réfléchissons à un cosplay par trop difficile à coudre et nous choisissons celui de Powder parce que… je ne sais pas. On l’a vu simple, rapide, faisable en trois jours.
On a mal vu.

Nous partons à la fripe où je mets une pagaille folle pour dénicher dans les sacs d’été, une robe blanche introuvable (en vrai, j’en profite pour trier été et 1/2 saison puisque ça n’avait pas été terminé). Et rien. Tout est noir ou coloré. En désespoir j’attrape un haut blanc à bretelles et une jupe même pas blanche mais plutôt crème et même pas unie mais plutôt stylisée et je n’ai aucune idée de ce que je vais faire avec ça. Je trouve une veste en faux cuir parfaite, deux ou trois bijoux sur lesquels récupérer des bidules peut-être, et je chouine parce que vraiment, la robe, ça ne va pas le faire avec une jupe couleur crème et des dessins bizarres couleur crème aussi, c’est une catastrophe.
À la maison je grimpe au grenier et je fouille (pliée en deux, il n’y a aucune hauteur) dans la couture (mais ne trouve aucun tissu blanc ni bordeaux et de toute façon je pensais à quoi alors que je ne sais pas coudre de robe) puis dans mes vêtements d’été. Je déniche un pantalon blanc et bizarrement j’ai l’impression de tenir la solution – je ne sais toujours pas coudre de robe.
On n’a pas encore bien compris qu’on avait du boulot, là, en fait. Donc le soir on regarde l’épisode 7 – et c’est pratiquement le meilleur.

Dans la nuit, je rêve que les personnages d’Arcane sont là, dans la vraie vie, et que j’observe sous toutes les coutures (littéralement) leurs vêtements. Sauf Powder et sa robe blanche, cette dernière est introuvable.
Évidemment.
Partages :
. Écriture : elle me donnerait presque envie d’écrire (vidéo)
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Incroyable, ce live de Kite, merci ♥ J’adore cette chanson et là elle prend une ampleur incroyable, le son résonne d’une autre manière, c’est très beau !
(oh ! t’as vu, y’a un live complet ici. Y’a des gens qui patinent avec des sabres lasers à environ 34min et je trouve ça aussi dingue que beau ^^)
Bon courage pour le cosplay, vous allez y arriver ♥
Je l’adore aussi, et effectivement sur ce live elle est encore plus puissante.
Je n’avais pas vu le live, merci ^^ C’est fou c’était sur une patinoire !!
On y est arrivé, mais c’était rude 😀
Grace à toi j’ai découvert ce qu’était le Cosplay – je sais je vis loin parfois. J’espère que ça a été une réussite!!
Si il y a bien un espace où tu peux laisser tes peurs s’exprimer c’est ici. Je crois même qu’il faut oser les poser quelque part. Pas pour se libérer, mais pour vivre et ça déjà, c’est un état en soi.
Génial ça ^^ Oui très (tu as un petit compte-rendu en fin de l’article sur la fabrication du cosplay lui-même), Kira s’est régalée !
C’est intéressant que tu poses ces mots-là, « oser les poser quelque part ». Je me questionne justement sur la pertinence de poser des mots que j’ai écrit dernièrement, sur mon rapport au corps, et je prends tes phrases dans un ensemble plus large, est-ce qu’ici je peux tout mettre ? Sans doute…
Merci de tes mots.
J’ai le sentiment qu’un espace d’expression est un espace d’expression libre. Il faut (dans le sens où c’est essentiel pour soi et non obligatoire) avoir quelque part où se livrer sans filtre et sans peur. Le monde ne nous le permet pas toujours. Belle fin de journée.
Tu as entièrement raison. J’ai du mal à le mettre en pratique ces jours-ci, et ça m’interroge sur ce qui me traverse dans ce rapport au corps et comment l’écrire. Mais oui tu as raison. Merci <3
Je découvre la vidéo de Jeanne Benameur alors que ma voisine de métro lisait l’un de ses livres hier, ça m’a fait sentir proche d’elle sans lui parler. Cela fait bizarre de voir cette autrice, je n’avais jamais pensé que je pourrais la voir, tout à l’envie de la lire. « elle me donnerait presque envie d’écrire (vidéo) » Est-ce de la malice ? Ou as-tu vraiment l’impression de ne pas écrire en écrivant ce journal ?
(J’ai du retard dans ma lecture de ton blog, j’espère que le down est remonté depuis.)
Quelle belle synchronicité ! J’aime beaucoup.
Aucune malice.. Tu vois quand tu dis (en substance) qu’avoir écrit ne suffirait peut-être pas, qu’il faudrait que ce soit publié ? Je pense qu’il s’agit d’un principe identique. N’est écriture qu’une histoire, une qui aurait un début un milieu une fin, quelque chose qui se raconterait et se publierait ensuite. Là, je pourrais dire que j’écris.
(il est remonté 😀 )
C’est étonnant comme ça m’étonne chez les autres et pas chez moi, cette manière de réserver « écrire » à une écriture validée par une maison d’édition. Des fois, je me dis qu’on devrait s’inspirer des Anglo-saxons qui parlent de leur « art » pour tous leurs petits travaux créatifs, et pas seulement pour l’art pouvant avoir une reconnaissance officielle. Je trouve ça chouette cette manière de replacer le geste créatif au centre et d’évacuer son « niveau » ou sa « qualité » en périphérie. Mais le syndrome de l’imposteur (et probablement un besoin de validation extérieure dans mon cas)…
J’aime beaucoup lire ce que tu (n’)écris (pas) en tous cas. ;p
(Ouf)
Ça me fait souvent ça (chez les autres vs pour moi) ^^’
J’aime beaucoup cette approche, bien plus saine et apaisée. Je vais essayer de le garder en tête, de l’appliquer, ça serait plus doux. J’ai mille possibilités (presque) de le recentrer sur l’acte, en plus !
Oh, merci beaucoup 🙂