L’expo
15h50. Lorsque nous entrons dans le bâtiment de la mairie, nous sommes épuisées par le voyage, nous avons faim et soif (petit passage par les toilettes pour remplir les gourdes), nous avons nos valises avec nous et le monde est dingue (je veux dire, il y a du monde) : les conditions ne sont pas idéales pour profiter pleinement. Ni pour bien photographier. Entre les valises, les gens qui bousculent, la foule, mon épuisement et l’objectif dédicace derrière, je cadre très mal mes photos (au téléphone, je n’ai pas l’énergie pour sortir le Nikon), j’ai davantage envie de profiter de l’instant que de bien cadrer ou refaire parce que c’est flou.
Je dois préciser, j’avais de faibles attentes. Le fait que ce soit dans une salle de la mairie m’a fait déduire que ça serait petit. Je le savais, j’ai tout de même été déçue. C’est vraiment petit. C’est un mélange de « c’est génialissime » et de « encore ? » qui se dispute très vite en moi.
La foule s’est déplacée, je ne sais pas si c’est ainsi tous les jours (sans doute) ou si c’est lié à la dédicace au centre-ville (sans doute aussi) : il est difficile de profiter, voir, lire, admirer sereinement. Nous sommes bousculées, les valises gênent, les gens circulent comme une longue file d’attente devant chaque panneau, Kira n’en peux plus très vite.
La première installation prise d’assaut est à l’entrée, je mets un bon moment à accéder aux explications liées.

Plus d’informations sur cette fresque ici.
Les figurines en vitrine sont sympathiques à voir, mais sont un produit dérivé de l’animé, pas un rapport direct avec lui. Si je suis contente de les voir (réellement), ils n’apportent pas un plus énorme à ce que nous venons chercher en nous déplaçant jusque là. Les peluches, inexplicablement puisque c’est le même principe, me touchent par contre énormément, sans doute parce qu’il y a une charge émotionnelle directement liée aux personnages, cette fois.

Très vite on entre davantage dans l’animé avec d’autres vitrines, des objets fabriqués pour l’occasion à l’affiche de recherche de Jinx, tout n’y est pas (ça serait fou d’y songer) mais l’ambiance s’installe sous nos yeux.

De grands panneaux aux murs font un tour d’horizon des (et par) personnages, des croquis, des scènes dessinées ou prises directement de l’animé, l’ensemble est merveilleusement esthétique – ça réveille en moi l’artiste, si seulement elle pouvait restée réveillée, d’ailleurs.
Pour donner une idée de l’échelle, l’affiche de Vander est un peu plus grande que moi (je sais, ce n’est pas difficile), nous levons les yeux. Même chose pour tous les panneaux.




J’ai tout de même réussi à prendre celui-ci bien net :


Il y a bien d’autres panneaux (photos floues, j’abandonne), et certains sont superbes comme celui de Viktor ou encore celui sur la ville basse. C’est très beau, l’esthétique est au rendez-vous, pourtant il me manque quelque chose de plus… profond. Pour arriver à ce résultat, quels échecs ? Qu’est-ce qui a été mis de côté ? Quel est le premier jet ? Quels essais de colorisations ? Les coups de crayon ? L’aperçu est petit, la fenêtre n’est pas suffisamment ouverte. J’aurais aimé devenir une souris et toucher l’ambiance, les graphismes, les procédés, les tâtonnements.
Ce qu’on voit est globalement (quand ce n’est pas entièrement) abouti, je voudrais creuser.

Dans une vitrine, j’observe les magnifiques dessins au fusain de l’enterrement de la mère de Caytlin, mais là encore c’est l’objet définitif qui nous est proposé. Honnêtement, ça ne m’empêche absolument pas d’admirer, pour ne pas dire que je voudrais bien avoir ce niveau (bosse ma fille, bosse, pas de secrets).

Un panneau, un seul, est sur cette idée de processus créatif et il m’enchante, je resterais volontiers des heures devant pour comprendre les traits, les émotions en quelques coups de crayon. Ce qui me fait réaliser à quel point j’aime comprendre, saisir les étapes, observer le déroulement ce qui sera, et moins de ce qui est (même si, follement aussi) :



Il y a un étage, une mezzanine où est diffusée 4 courts métrages sur le processus créatif qui m’aurait très certainement intéressée (j’en suis même certaine). Mais Kira n’est pas en état, je suis moi-même au bord de l’épuisement, j’ai besoin de manger, et par-dessus tout la dédicace nous attend. Nous partons donc sans les voir, et je le regrette.
Les photos de cette personne sont plus réussies, et il y a tout. La salle qu’on voit sur la gauche avant de cliquer sur lecture, c’est la pièce de l’expo, cela vous montre la taille :
Un phénomène intéressant s’est mis en mouvement pendant que j’écrivais l’article : nous étions vraiment, vraiment, vraiment épuisées. Parce que là, à tout revivre au travers des photos, cette expo était un régal. Certes trop petite, je le maintiens, mais un régal tout de même. Je suis heureuse de m’y être rendue.
La dédicace, 17h – 19h
Signataires, Alexis Wanneroy et Martial André, superviseurs d’animation sur la série Arcane, saison 2.
17h. Nous arrivons sur les lieux (avec une pâtisserie, le sucre c’est la vie, soudain) et c’est indécent. Je ne m’attendais pas à ça.
À 0:12 min, on voit un sac rose posé au sol sur la gauche. Derrière si vous êtes attentif il y a une valise bleue : c’est nous.
SI vous regardez le bâtiment, la rue tourne : la file d’attente aussi, à 18h elle débordera loin.
Au sol il y a une limite blanche, on ne l’a jamais atteinte. J’en déduis que des personnes n’ont pas bien bien respecté la file d’attente, je ne sais pas expliquer sinon, que nous ayons si peu avancé.
Dans la file d’attente absolument folle pour la dédicace, se tiennent devant nous deux femmes (au sac rose lgbt que j’adore), environ la trentaine. Nous engageons la conversation, d’abord parce que je leur demande si c’est bien la queue pour la librairie (je suis consternée par la foule), ensuite parce qu’il y a ce lien entre personnes passionnées qui émerge. L’une doit être anglaise, l’autre est argentine en vacances en France, elles sont bilingues et je suis complètement admirative (en réalité l’une est même trilingue, espagnol anglais français, j’envie, je songe même qu’il y a peut-être d’autres langues autour d’elle en Argentine qu’elle parle, et j’ai alors devant moi une femme qui m’impressionne). Elles viennent de quelque part autour d’Amiens, juste pour Arcane. Très déçues par l’expo qu’elles ont trouvé minuscule, elles reportent toute leur attente sur la dédicace, elle cherche le mot et je ne comprends pas son anglais, son amie tente « déception », ça n’a pas l’air assez fort.
J’aurais aimé photographié celle qui parle à peine, elle a une chevelure absolument magnifique avec des anneaux-bijoux dorés, contraste saisissant dans ses cheveux noirs. Je suis fascinée, mais silencieusement.
Et le temps passe. La file s’allonge, derrière nous il y a un couple âgé. Chouette s’extasie sur les différents âges dans la file d’attente, mais pour ce couple derrière-moi (lui est une porte de prison qui ne sait pas sourire) je peux affirmer qu’ils n’ont pas vue la série : « tout de même, ce qu’elle nous fait pas faire cette petite » lâche la dame fatiguée. Oups.
17h30. Une jeune libraire vient voir les gens, dit qu’ils ne s’attendaient pas à ce monde mais que ça va le faire, ils carburent côté librairie et signatures, pardon pour l’attente. Qu’ils offrent des affiches de l’évènement qui pourront être signées – la générosité.

Nous parlons avec la dame argentine, je vais m’asseoir sur une chaise pour ne pas m’effondrer, je reviens auprès des enfants, le temps passe tellement que je me dis que ça ne peut pas réussir, ni la dédicace ni l’horaire de train ensuite, il est 17h45 et on avancé de quatre pas, la librairie ferme à 19h, le train est à 19h14, on le ratera forcément. Le train suivant (et dernier) est aux alentours de 20h30, pourquoi pas, mais en réalité c’est impossible c’est évident et quelque part je ne veux pas l’accepter. J’attends avec la foule et nous parlons obsession avec la dame argentine (c’est son anniversaire, elle s’est payée ce voyage vers Arcane pour l’occasion), l’obsession donc, les recherches sur le process (et lorsqu’elle prononce ce mot je ne sais pas, il y a une résonance folle), je me sens moins seule dans la dinguerie de mon cerveau submergé par la série. De temps en temps nous laissons passer une voiture, nous partons sur un côté et la file redevient la même en quelques secondes, un mouvement qui s’écarte et se reforme. Il y a là quelque chose d’assez beau, de fluide. Une ouverture fermeture vivante.
Une autre libraire, plus âgée, vient nous parler de temps en temps, l’ampleur des personnes, ce que nous représentons, l’impressionne. Elle dit, nous faisons aussi vite que nous pouvons. Elle fait passer devant tout le monde (ils sont loin derrière moi) trois personnes cosplayées (mais pas leurs amis, c’est le costume qui les fait avancer jusqu’à la signature), leur costume est incroyable, notamment celui de Sevika : on s’y croirait (pas osé demander à photographier, fatigue trop élevée pour ma part mais wow). Et je comprends tellement. Pour plaisanter, je montre mes ongles peints comme Jinx à mes voisines, quel pourcentage que mes ongles nous fassent passer devant tout le monde ? Zéro absolu mais on rigole. Elle me montre alors leur propre costumes cousus par elles, cachés par leurs vestes. Obsession, disions-nous ? Quel régal.

Je mange une tarte aux framboises trop sucrée mais c’est ça où je tombe. Quelle idée, vraiment, d’être là, debout, sans bouger, alors que j’en suis incapable sans me blesser. Je marche, je m’assois, je bouge tout le temps, je dois donner le tournis au gens.
Nous parlons de nouveau avec la dame devant moi, j’apprends beaucoup de choses sur cette femme plus bavarde que son amie, c’est absolument passionnant. Comme le fait qu’elles sont venues en bus depuis le Nord, douze heures de trajets, parce que c’est trois fois moins cher. Et comme j’étais impressionnée par le choix bus vs train, elle m’explique que dans son pays les distances ne sont pas les mêmes qu’en France, qu’il est habituel de voyager quatorze heures pour se rendre dans la capitale, que c’est comme ça, c’est tranquille. Nous sommes habitués à un luxe phénoménal, je n’en avais pas conscience.
Le temps passe, mais on n’avance pas vraiment, nous. Il est désormais 18h15, je sais que c’est définitivement fichu. Pour bien comprendre le problème : nous avons peut-être avancé de 5 mètres en une heure et quinze minutes, devant la foule n’en finit pas et derrière… la foule n’en finit pas.
18h20, ma voisine argentine me demande de garder sa place, elle veut entrer dans la librairie et voir, discuter peut-être avec quelqu’un. LeChat m’appelle et je lui explique où nous en sommes (c’est à dire nulle part) mais rapidement je lui demande de patienter, la (dernière) libraire est revenue discuter à notre hauteur. Elle est désolée. Elle dit, ce n’est pas la peine d’attendre. Ils ferment à 19h, ils n’ont presque plus d’affiches, ils ont été dépassé par l’ampleur du phénomène, ils déplorent que Paris n’ait pas communiqué pour que l’évènement soit bien géré et puis elle se reprend, « nous n’avons pas communiqué correctement », et j’ai un élan pour cette femme douce, posée, désolée, elle me plaît dans sa manière d’être au monde. Je quitte la file et discute alors un peu avec elle directement, je lui dis « mais ils vont avoir une tendinite » et elle me fait oui de la tête absolument effarée, tant ils n’ont pas arrêté. Puis elle explique qu’ils essaient d’organiser un deuxième évènement, ils négocient, ils vont tout faire pour et cette fois ils feront avec réservation, il faudra se tenir à l’horaire où nous devrons venir sinon le tour sautera mais voilà, pas d’attente dingue comme là et surtout pour rien. Il suffit d’envoyer un message par Instagram par exemple. J’en profite pour lui dire que moi je reviendrai si l’occasion est renouvelée, mais que je suis désolée pour mes deux voisines qui viennent de très très loin, ont fait le voyage exprès pour et qui n’auront jamais l’occasion, pour la personne argentine en tout cas, de revenir ou de participer à un tel évènement, et j’ose lui demander, si peut-être, une affiche même non dédicacée ? Je ne sais même pas si ça leur ferait plaisir, je tente dans le vide, je suis triste pour elles. Et ça fonctionne. Elle se tourne vers l’anglaise, l’argentine revient à ce moment-là, la libraire embarque les deux filles, elles ne savent même pas que je viens de pousser à la chose, on ne se dit pas au revoir dans le mouvement vers la librairie, et je me dis que sur un malentendu elles ont peut-être même obtenu une signature. Je trouve ça fascinant, comme les instants basculent.
Je décide pour notre part que ça suffit, on va prendre le train et arrêter d’attendre ce qui ne peut pas survenir. Kira ne parle plus depuis longtemps, sa déception est à la hauteur de son épuisement. On tire nos valises depuis la rue de l’horloge et on se dirige vers la gare, complètement épuisées. Sur le parcours, une dame prend toute la place, figée dans son attente d’un tram et la discussion avec une amie, je dis « pardon » très fort parce que je suis saturée par tout et elle ne bouge pas. Ma patience n’existe plus je passe en force (entre elle et le rebord du quai de l’arrêt) et bouscule fortement la dame, épaule, jambe, valise, ne me retourne même pas de peur de m’effondrer en larmes. Je saurais plus tard, Kira (puis Chouette) a été obligée de passer en force également, la dame est restée imperturbable, bousculée replacée. Incroyable.
Arrivée devant la gare, je reprends mon téléphone pour vérifier le numéro du train. C’est là que je m’aperçois que j’étais, depuis tout ce temps, avec LeChat au bout du fil. Ce n’est pas que je m’en souviens, c’est que je suis toujours en ligne et que mon téléphone me l’affiche. Je suis incrédule, autant qu’il soit toujours là que moi d’avoir oublié… je suis un peu mortifiée, en fait. Lui le vit très bien ! Il s’est beaucoup amusé, visiblement. Je tente de lui expliquer tout ce qu’on vient de vivre seulement voilà, il a tout entendu, l’injustice, sérieux. Ma frustration est immense, fairplay il me dit, « vas-y, raconte » et je peux débriefer, j’ai besoin de poser ce qu’il vient de se passer sous peine d’exploser, l’abandon de la dédicace comme la (petite) chance des deux femmes, mon épuisement et celui de Kira, le vague espoir d’une autre dédicace, je lui redis tout ce qu’il sait déjà. Il est gentil cet homme.
Presque fin d’une journée folle. Il a encore fallu prendre deux trains, il y a eu les bruits insupportables, Kira absente et en pré-crise, un pré-effondrement, mon angoisse pour elle et mon désespoir.
Mais voilà, nous avons survécu. C’est le principal.
Aucun regret pour ma part, ni pour l’expo (très réussie, si on retire l’effet petit) ni pour la dédicace (je chouine un peu quand même), j’ai aimé l’ambiance entre passionnés, les discussions avec nos voisines de hasard, les cosplays. Ils étaient incroyables, magnifiques. Nous avons ainsi croisé Jinx, Caytlin, Sevika, Claygor et une damnée (ces trois-là, clairement du fait-maison mais avec un tel réalisme c’était beau et aussi effrayant concernant la damnée, on s’y croyait (des bandages, du sang, une bouche un peu tordue (impossible de savoir si c’était son visage ou le cosplay) jusqu’aux couleurs des vêtements. Bluffant.
C’est clairement épuisant ce type de (non-) rencontre pour moi, mais j’ai adoré ^^
Information supplémentaire, que j’ai su le lendemain par la librairie : ils ont fermé non à 19h comme prévu mais à 20h30, ils ont tiré le temps au maximum pour signer les affiches. Malgré tout les gens n’ont pas pu tous en obtenir une, et j’imagine la frustration que ce doit être, d’être la personne sur qui la porte se ferme. Aux dernières nouvelles, la librairie était en négociation avec Fortiche (ils ont une antenne à Montpellier et c’est elle qui a travaillé sur Arcane) pour une autre séance de dédicace.
Depuis ma discussion, la page Instagram de la librairie a disparu. Les espoirs sans doute, aussi.
Partage
Pas forcément une vidéo passionnante (je trouve qu’il parle trop et à la place de, c’est sans doute l’enthousiasme), mais elle a le mérite de montrer l’expo et d’entendre les personnes parler de leur travail :
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Tellement déçue pour vous que la séance de dédicace ait tourné court après une si longue attente… et touchée par le récit de la rencontre avec la femme argentine. Il est beau ce lien éphémère qui naît de partager un même engouement artistique.
C’était très décevant mais oui tellement beau finalement, ce qu’on a vécu à côté. J’ai découvert ce qui lie les personnes se déplaçant aux conventions mangas (justement). Il y a une puissance impressionnante qui se met en place, un mouvement vers l’art – ensemble.