J’ai très peu lu, et il y a sans doute beaucoup de raisons à ça mais pour l’essentiel, elles m’échappent. Entre autre, il y a tout de même que je ne lis plus trop le soir la nuit, et que je n’ai pas beaucoup été chez moi. Ensuite, chacun de mes retours de voyage ont demandé un temps d’ajustement personnel qui n’incluait pas de se perdre entre des pages, mais davantage de me perdre en moi (ou dans un jeu, au retour familial, bref).
Mais ce que j’ai lu, à deux exceptions prêts (sur sept, d’accord), ont été un formidable moment de lecture. Cela faisait si longtemps que cela ne m’était pas arrivé, de lire autant de bons livres !
J’ai complètement oublié les deux challenges où je suis inscrite, et je crois, je vais les oublier encore un moment ou les faire coïncider par hasard. Ne me préoccuper de rien me réussit, je vais continuer, quitte à rater – il n’y a pas d’enjeu : si c’est trop, ajuster.
La table basse n’a pas bougé, hormis avec un titre. Et lui, c’était sa seconde chance (et ça aurait été terrible de passer à côté). J’ai plongé dans les mots, revisité l’enfance, me suis sentie petite, si petite.
Précisions sur ma notation Babelio
. 0.5 ⭐n’aurait pas dû être écrit
. 1 ⭐pas beaucoup mieux, mais il y a pire visiblement
. 1,5 ⭐pas terrible
. 2 ⭐c’est assez mauvais mais certaines choses sont à sauver
. 2,5 ⭐ impossible de trancher entre ça m’a plus et j’ai détesté, vide intersidéral
. 3 ⭐ pas mal, sans plus
. 3,5 ⭐bien, quelques réserves
. 4⭐ j’ai adoré
. 4,5 ⭐ presque parfait
. 5 ⭐ perle rare
Février, 7 livres lus, dont 1 par Masse Critique (babelio)



Du thé pour les fantômes – Chris Vuklisevic
4⭐ Ce livre, je l’ai abandonné l’année dernière. Deuxième chance pour lui, Blanche me l’a envoyé par la poste avec un mot, « jumelles ». Je suis écrasée de désespoir à relire ce début de livre qui m’a déjà assommée une fois, mais de toute façon écrasée par ma semaine passée, présente et à venir. Je poursuis, à deux jours de partir dans ma famille ce qui n’est pas anodin lorsqu’on tombe dans ce livre. Et je passe exactement par les mêmes affres que la première fois, le début me hérisse, peut-être parce que je ne comprends pas où je mets les pieds. Je passe donc au-dessus, survole ce dont je me souviens, accélère et arrive sur des mots nouveaux. Et là.
Les deux sœurs et la sensation de me/nous lire, de lire la mère (mienne) et je suis les deux. Je suis l’une et l’autre ou entre, je suis Egonia parce que je devais me taire pour avoir un repas chaud ou un petit déjeuner qui ne soit pas la viande figée glacée de la veille, et Félicité parce que je sentais les morts et communiquait avec et jusqu’à devoir s’occuper de la mère folle, l’une et l’autre ou entre tout au long de ma lecture, jusqu’aux thés. C’est bouleversant. De se revivre.
Les émotions ne sont pas dans les personnages mais dans l’histoire et c’est bien la première fois que je lis ainsi, du froid et des douleurs et la violence et la mort.
« En fait en dehors du style tu aurais pu écrire ce livre ? » Voilà. LeChat ne l’a pas lu pourtant, mais il en a saisi l’essence.
Et je maintiens, moi aussi, que les colliers de bonbons avaient tous un goût différents (et j’adorais les bleus. Ensuite les blancs. Je n’aimais pas les roses, alors je les mangeais en premier).
Le livre est désormais en bonne place dans mes étagères, terrible de ce qu’il a soulevé de personnel.
Si je te raconte, c’est pour que tu comprennes. On n’est pas qu’une personne dans sa vie, Clé. Certains te diront qu‘on emprunte à l’envi des masques. Moi, je te dis qu’on change de peau, de chair, de squelette et de sang. On ne ment pas en le faisant : on se transforme. On oublie celles qui peuplaient notre corps pour leur préférer des femmes nouvelles. Plus sages. Ou plus épaisses, ou plus prudentes, selon le sort de celles qui ont précédé.
Avant de te connaître j’ai été bien des femmes, et j’en serai peut-être d’autres encore.
La mémoire, c’est une théière brisée. Pour la retrouver entière et s’y abreuver, il faut de la patience, des morceaux à rassembler, de l’or pour souligner les failles et, pour réunir les pièces, du temps. Du temps et une laque, toxique tant qu’elle n’est pas sèche. Alors il ne faut pas trop se presser. Il ne faut pas vouloir trop vite retrouver la mémoire, sinon la théière casse ou elle vous empoisonne.
Welcome to the Ballroom, tome 1
3 ⭐
Il ne mérite pas ses trois étoiles, honnêtement. Mais il parle de danse et le graphisme a un petit quelque chose qui. Et il parle de danse. C’est pas de ma faute si je vois les personnages bouger.
Mais ses défauts sont majeurs, et j’ai dû discuter avec Chouette pour qu’elle les identifie à son tour. Elle m’a dit « mais je l’aime moi ? », elle découvre qu’on peut apprécier une œuvre et lui trouver d’énorme défauts, ce n’est pas incompatible.
Ce manga est grossophobe et sexiste à un point ahurissant à notre époque, c’est consternant. Rien ne va, le prof est un pervers, l’héroïne « sert de caution sexy » (=morceau de viande) c’est insupportable, le héros est un génie qui s’ignore, les clichés font mal.
Mais ils dansent – je suis faible.


Les féministes t’encouragent à quitter ton mari, tuer tes enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir trans-pédé-gouine – Alex Tamécylia
4⭐ Je l’avais dans ma PAL-un-jour et puis Blanche et moi sommes tombées dessus, on s’est acheté chacune son exemplaire et on l’a lu ensemble dans le même ouvrage.
Essai féministe, il ne suit aucune règle. Son titre provient d’une phrase lancée par un américain blanc, misogyne, xénophobe, homophobe, trumpiste évidemment. L’auteurice se l’approprie et en légitime chaque mot, à sa manière, et c’est tranchant par le fond comme par la forme. Un régal explosif.
J’ai peu adhéré par contre à la sorcellerie (un comble) parce que je n’ai pas les codes de la parisienne (c’est Blanche qui me l’a expliqué). Et je n’ai pas apprécié lire qu’il y avait de bonnes et de mauvaises lesbiennes, il serait temps de dépasser ça, le jugement.
Ceci mis à part, à lire absolument.
L’art de ne pas dire : Chronique d’un saccage du langage
– Clement Viktorovitch et Ferdinant Barbet
5 ⭐ Le livre commence sur une pièce de théâtre, plus exactement un monologue, où un personnage fictif explique les mécanismes actuels mis en œuvre en politique. Si le tout est fictionnel, il s’agit bien d’un décryptage des manipulations dans les discours politiques en cours.
Dans une seconde partie, ils illustrent leur propos à partir de déclarations réelles de Trump, Macron, et de bien d’autres, associé aux faits réels. Et c’est effrayant mis bout à bout, même si on l’avait déjà identifié. On ne peut plus rien pour le réel, à ce stade.
Un livre nécessaire, et très bien écrit.
Recommandé par Blanche.

Quand la parole n’engage plus la responsabilité de ceux qui la portent ; quand les décisions du gouvernement n’impliquent plus qu’il en assume les conséquences ; quand les contradicteurs sont assimilés à des menaces ; quand tout peut être dit, sans égard pour ce qui est… alors, tous les glissements deviennent possibles. Tout peut se produire. Même le pire. J’ai toujours dit que la politique ne m’intéressait pas, et c’est vrai. J’ai toujours dit qu’elle ne me concernait pas, et c’est faux. Car les mots sont politiques. Nos mots sont politiques.

Six of Crows, tome 1 et 2 – Leigh Bardugo
3,5 ⭐ et 4 ⭐Je l’ai lu sur recommandation de Kira, et je comprends l’engouement. Je me suis parfois un peu lassée des bagarres, trahisons, plans refaits déjoués refaits. Et pourtant il a un quelque chose qui fait que je me suis accrochée, qu’il m’a plu malgré ses imperfections. Les deux tomes délivrent les secrets des uns et des autres, et la psychologie des personnages c’est ce qui m’a le plus marqué. Ou leurs traumas. Enfin disons, l’ensemble.
Si le début est assez attendu (une bande d’escrocs évidemment très doués envoyés sur une mission impossible), l’autrice s’en sort bien. L’histoire est complexe, le monde est riche, les personnages travaillés. Il y a juste cette petite lassitude qui survient de temps à autre.
Par contre, son classement jeunesse est un problème, c’est parfois assez trash (Chouette attendra pour le lire).
Les personnages dessinés sont sur la bannière de l’article.
Peiresc ou le Cabinet de Curiosités – Jean-Roch Siebauer
3 ⭐ Essai
J’en ai aimé le premier chapitre. Très bien écrit, le choix des mots est parfait, j’étais acquise. Et puis s’ouvre davantage la porte. Je ne sais pas exactement ce que j’en attendais (peu de choses en vérité, j’y allais à tâtons), et j’étais de toute façon très fatiguée et donc peu concentrée sans doute. Mais lire du vieux français à pratiquement toutes les pages, ce n’était pas simple. J’aurais préféré une traduction immédiate et en fin d’ouvrage la version originale. Parfois je ne savais même plus le rapport avec le cabinet de curiosités :
« J’ay un relieur si gentil garçon, qu’il se rend grandement aymable ; il a nom Corberan, et dore aussy proprement comme il relie, fort assidument. »
Pas facile.
J’en ai apprécié bien des passages, notamment sur les caméléons mangeurs d’air, mais je n’ai pas été fascinée comme je le pensais. Il m’a manqué une certaine consistance parfois, malgré l’écriture très agréable. Je n’étais pas totalement au rendez-vous, je crois.
Je finirai là, je trouve ce passage superbe et très à propos :

Gavé de fictions depuis des siècles (et certaines se présentèrent même comme des vérités, parfois, des mémorables, des choses que l’on écrit entre guillemets ou en italique), on voudrait que tout individu fût un personnage : que toute vie fût un destin ; que, si on l’écrit, c’est que c’était écrit… On voudrait faire de la chronologie un récit, comme s’il n’était pas dans l’essence du temps de ne savoir faire autre chose que de passer ; on voudrait faire du hasard, de tout ce qui advient (puisque tout vient, finalement, comme ça vient), un « plot », quelque chose qui tiendrait les choses en suspens jusqu’à la fin, cette fin qui n’arriverait finalement que quand tout serait fini et que l’on pourrait alors applaudir avant que le rideau ne tombât.. — On a bien du mal à ne pas croire au scénario, même absurde, à accepter de s’en passer ; à son idée, même…
« Le masque tombe ; l’homme reste, et le héros s’évanouit. »
Je suis ravie de cette sélection, moins boulimique que souvent, même si le dernier était un choix moins réussi (via la masse critique de Babelio). Lorsque je m’occupe moins de la table basse, ça se passe mieux. Mais maintenant que j’y ai fait un tri, elle respire, j’en ai quelques uns qui me font de l’œil et qui devraient bientôt passer entre mes mains ^^
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Ah, le bon karma du choix de lecture, quand elles nous marquent et remuent les unes après les autres !
Ta critique de Welcome to the Ballroom m’a fait penser à l’animé Dance dance danseur (en franglais dans le texte) que j’ai récemment visionné : l’animation de la gestuelle est un régal (c’est vraiment rare avec la danse classique), mais il y a quelques passages cringe genre l’ado qui cherche à outrepasser le consentement…
J’essayerai de trouver l’animé (du coup) ^^ (même si le passage va m’énerver)
J’ai oublié de préciser, le manga est orienté sur les danses de salon.