Lundi 13
Le froid tétanise les doigts sur la corde à linge, pourtant tenus par les mitaines, et lorsque je rentre la douleur est difficile à supporter, je me cale devant le four : ça accélère la douleur et le réchauffage, j’ai mal plus vite mais moins longtemps. Demain, le linge se fera avec des gants entiers).
Étonnamment en fin de journée (enfin, à 16h) le linge est quasiment sec, ça continue de m’épater.
Je suis enrhumée, et bizarrement c’est surtout le cerveau qui pâtit de la chose. C’est un rhume qui n’éternue pas vraiment.
Je découvre que la blogueuse en deuil donc je parlais l’autre jour, est en fait une ancienne connaissance-amitié, ça me fiche un coup. Je ne comprends pas la petitesse de ce monde – comment est-ce seulement possible ?
Aujourd’hui ce qui ne fonctionne pas
Je l’ai cherchée partout – et visiblement très mal. Impossible de remettre la main sur la carte de vœu reçue la semaine passée, je n’en reviens pas d’être si mal organisée alors que je classe tout : elle aurait dû être dans la pile » à gérer », en attente bien en vue pour la réponse. Je l’ai égarée, et avec elle sa nouvelle adresse. Formidable.
(retrouvée demain)
Film
. Maleficent, film de 2014, (re)vu en famille à la demande de Chouette.
Je dois dire que je l’apprécie bien, même si je supporte difficilement la maigreur d’Angelina Joli.
Mardi 14
Je n’ai pratiquement rien fait sinon me blottir dans le canapé, tenté de lire deux livres que j’ai viré au bout de quelques pages, commencé à me dire que je préférais ma table basse débordante de livres plein de promesses (plutôt que ce vide en train de se creuser sur des morceaux de malentendus littéraires), et renvoyé aux impôts la déclaration de ma mère morte. On ne réalise pas comme on continue d’exister longtemps après notre mort.
Aujourd’hui transparences
Je ne suis que cela, transparences.
Ou peut-être pas.
Documentaire
Vu sur Arte, je ne sais pas ce qu’il fait sur Youtube (je veux dire, l’intérêt m’échappe d’avoir une chaîne publique où tout est posé en double ailleurs, sinon pour agripper le passant, j’imagine). Je l’ai regardé-écouté sans grande conviction au départ (je la connaissais peu, et c’est un fait qui me convenait parfaitement bien), et puis j’ai apprécié la belle personne aperçue, féministe et carrée.
Mercredi 15
Je ne saisis pas le froid qu’il fait dehors, mais lui me saisit, pas de problème. C’est donc avec des mitaines que j’affronte bêtement -6°C, alors que j’ai bien pensé à mettre un bandeau sur mes oreilles (sous le casque) et un collant sous le pantalon. Des. Mitaines. Ça ne fait pas une minute que je suis partie, les yeux pleurent déjà dans le froid (à quel moment de l’évolution le corps s’est dit, allez je fais pleurer sous le froid, histoire de bien enfoncer le clou hé hé, non vraiment). Je suis à la moitié du parcours, je ne sens plus mes doigts, du tout, à la place il y a un courant de douleur qui appuie, tente d’appuyer sur l’accélérateur de la trottinette que je ne sens plus non plus, je ne fais que ralentir sans plus aucun contrôle sur l’engin. Je finis par m’arrêter et marcher, il y a trop de danger à rouler comme ça. Lorsque j’arrive à la porte du local, je suis incapable de prendre mes clés, je souffre, je suis à rien de pleurer autant de souffrance que d’impuissance ; c’est AnMa qui me sauve (dont ce n’est pas le jour, tellement merci d’être là), elle ouvre et m’engueule au passage – elle a raison, j’ai fait n’importe quoi. Elle tente de m’aider à récupérer mes mains, mais sans chauffage c’est lent (et à hurler).
Je vais en entendre parler un moment.
Toutes les personnes (quatre) qui devaient venir travailler sont absentes (une seule s’est excusée, angine), mais il n’y a tellement rien à faire en dehors de trois sacs à trier et ranger la pagaille de la vente, nous repartons à 10h40. Cette fois je trouve le froid supportable pour les doigts sous le soleil (il fait pourtant -1°C) et je rentre avec des mains douloureuses certes, mais « ça va ». Je jure que ça va – la comparaison est facile.
Je ne peux empêcher les pensées de s’imposer, ma mère y aurait perdu un doigt ce matin – sclérodermie. Je ne suis pas ma mère et je ne sais pas combien de fois encore, il me faudra me le répéter – je veux dire, pour que ce type de pensées ne me traversent plus.
Ou alors c’est normal. Peut-être est-il normal de penser à une personne dans une situation ou une autre, même si – on ne voudrait pas. Même si on voudrait la tuer encore – ça doit être la part qui ne veut pas, qui s’exprime.
J’ai posté ma lettre de vœux – la seule, l’unique de l’année – avec une certaine appréhension (elle n’est pas orthodoxe, évidemment, ni l’enveloppe, ni la carte).
J’ai repris l’Art Journal, et avec lui la permission – je le ressens si fort comme ça, je ne comprends pas – de créer. Est-ce pour contourner que je recouvre l’écrit ? Insignifiante.

Je regarde en partie Timeless (où je craque complètement pour les robots dansants) que je ne peux pas télécharger mais seulement visionner – ô rage, ô désespoir – avant de m’apercevoir que, hum.. il est sur YouTube (pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué) mais avec une qualité pas formidable. Puis de réaliser que je le vois uniquement parce que j’ai le VPN – donc, sachez qu’aux Pays-Bas, ils la voient.
Je songe au fait que la création passe par de multiples étapes, mais rarement par moi. Et puis je crée.
Aujourd’hui j’attends
J’attends qu’elle ouvre, que mes mains se réchauffent, que mes mains arrêtent de me faire souffrir, de pouvoir rentrer et boire de l’eau, qu’il soit l’heure de manger, que le thé refroidisse, que la crise d’angoisse déroule tout ce qu’elle a à dire, que la musique l’efface, que le gâteau cuise, que ça colle parce que là ça colle pas, que le gâteau refroidisse, que le téléchargement se termine pour crier ma joie, un miracle maintenant qu’elle est partie à la retraite et qu’on a merdé, de regarder le concert, des réponses aux multiples questions qui me traversent, que le rhume trépasse et me rende mon cerveau.
Jeudi 16
Premier message du matin : un remerciement de la personne des impôts ayant reçu ma réponse, avec un « C’est parfait. Merci. » Je ne sais pas pourquoi, il me donne le sourire. Peut-être parce qu’elle n’était pas obligée de se fendre d’une réponse. Ça humanise légèrement les impôts, et j’aime accéder à l’humain derrière les barrières.
Deuxième message : un chèque énergie de 76€ va arriver pour aider à payer la facture EDF.
Un autre ? S’il vous plaît.
Les galettes sont arrivées, par trois (dont une provençale, je déteste), avec plus de bouteilles que de collègues. J’ai bu un fond de cidre pour le plaisir, pendant que AnMa racontait à trois reprises, pour les retardataires, l’état de mes mains la veille. Quand je disais que j’allais en entendre parler longtemps, j’avais oublié que les autres aussi.
En sortant de la réunion, j’ai revu la boite à livres devant la mairie, finalement revenue, toujours sans porte et les livres posés à l’arrache jusque sur les pages. Je n’ai pas pu m’empêcher de mettre de l’ordre dans ce bazar ce qui a fait rire F., je passe ma vie à trier et ranger, finalement. C’est plus fort que moi, il n’y a que mon bureau pour y échapper.
Aujourd’hui mal
J’avais faim, terriblement, je ne sais pas pourquoi, mon repas de midi était très bien, très nourrissant. Mais là j’avais vraiment faim alors j’ai proposé un second tour à cette galette des rois pas si formidable mais qui se laissait manger ; l’une des collègues m’a proposé aussi une part de l’autre galette faite maison et c’était délicat de refuser. C’est comme ça que j’ai mangé trop de galette et que mon estomac n’a plus été d’accord. Très inconfortable. Comme la chaise. Deux heures assise sur une chaise en fer, la douleur m’a forcée à me mettre debout en plein milieu d’une phrase de l’une des personnes.
Tout ça pour une réunion qui n’a pas servi à grand-chose – est-ce que parfois une réunion fait vraiment avancer le monde.

Vendredi 17
Je m’occupe de remplir le questionnaire du recensement, que je ne comprends pas. Je ne sais pas si les gens réalisent à quel point nous donnons de manière volontaire (et obligatoire) des informations privées. C’est un peu comme cette question, particulièrement culottée et d’extrême droite, sur la nationalité de nos parents (optionnelle, ne répondez pas, même la Ligue des Droits de l’Homme en parle). C’est quoi l’idée ?
La conversation qui a suivi avec ma belle-mère a eu le mérite de la faire basculer sur ses bases. Encore et toujours cette phrase (mot pour mot) « mais de toute façon je ne risque rien, il y a des accords avec le Canada ». L’argument Trump l’a fait vaciller (là où j’avais échoué en parlant de 1933 et ce qui a suivi) : jamais aucun accord n’est fiable à 100%, jamais. Pour la première fois j’ai été entendue, elle pense à faire sa demande de nationalité, parce qu’en effet… Il aura fallu un président fou revendiquant le pays d’à-côté pour qu’elle percute le danger.
Je n’ai pas arrêté de saigner, au point que la dentiste a dû piquer avec un produit pour arrêter la petite hémorragie qui l’empêchait de travailler, puis attendre cinq minutes que ça fasse effet.
Appel de ma tante, ma grand-mère ne sait plus faire le lien entre l’objet qui sonne et le téléphone a décrocher – ce qui explique que je n’arrive plus à la joindre, alors que je la sais présente. Ma tante propose que j’appelle lorsqu’elle est là, demain dans l’après-midi. Je me crispe, mais accepte.
Aujourd’hui, film dont vous êtes le héros
L’héroïne, fatiguée de ne pas sauver le monde, est partie se coucher – elle ne s’est pas sentie concernée par le thème.
Samedi 18
Je vois deux ouvrages isolés sur les jeux indépendants posés sur une table basse (j’y ai reconnu Hollow Knight), je demande à la médiathécaire des jeux vidéos s’ils sont empruntables. Nous discutons du coup, comme chaque fois elle et moi. Quelque chose me dit qu’elle est autiste. Un indice du côté du sourire retenu voire rare, son regard à la fois franc et échappé, sa passion pour la sculpture papier qui l’entoure poussée à l’extrême, ses particularités, sa manière d’être. Pas explicable.
Je repars avec la moitié de l’étagère, des ouvrages sur des jeux au design magnifique – je cherche l’inspiration.
Ma tante m’appelle alors que je fais mes courses, elle me dit « elle va beaucoup mieux question cognitif, mais je t’appelle demain soir pour qu’on en parle », et elle me passe ma grand-mère. Qui ne sait pas très bien si c’est bien moi, ou LeChat (mais pourquoi ? Jamais…) qu’elle a au téléphone, elle n’entend rien de ce que je lui dis, et surtout, surtout… n’est pas là. Ma tante lui répète tout ce que je dis, preuve qu’elle écoute mes propos, la conversation est un enfer. Je suis au milieu d’une grande surface, je ne peux pas parler-fort-crier, les bruits, les gens me gênent, et ma grand-mère n’est pas là, elle est ailleurs. Je n’y suis pas.
Personne ne me parle de venir la voir avant que. De m’héberger.
J’ai peur de la voir avant que.
Alors je fais comme si, comme s’il était normal que la dernière fois que je l’ai vue était pour enterrer ma mère, comme s’il était normal que ma tante ou mon oncle écoute nos dernières conversations, comme s’il était normal que je ne sache plus parler à ma grand-mère, plus rien lui dire, que ce soit le trou noir conversationnel.
Fragment d’aujourd’hui raconté en recette de cuisine
1 soleil nuageux
1 machine de linge bien mouillé
10 gros livres empruntés
1 appel délirant
Quelques courses
Une pincée de rires et de conversations
Séparer le soleil des nuages, garder au frais. Hacher le linge sur une corde, l’étaler et attendre qu’il sèche, puis le ramasser à la nuit pour qu’il conserve finalement un peu d’humidité (toujours changer d’avis en cours de recette). Peler les livres pages après pages, y ajouter quelques rires et conversations. Bien mélanger, puis incorporer le soleil avec délicatesse. Chauffer doucement les courses, ajouter un appel délirant en plein milieu. Ne pas hésiter à rajouter davantage de délire si la pâte est un peu légère. Goûter, rectifier un peu la température. Étaler le linge sur le tout, attendre une heure. Rajouter un thé à l’orange à la recette (il ne faut jamais suivre à la lettre, j’insiste).
Cuire à 11°, pendant une journée entière : la soirée est prête pour la crise d’angoisse inattendue.
Dimanche 19
3h d’appel téléphonique avec Blanche (mes heures de petit militantisme passe là, elle ne sait pas pour Meta, pour Trump et le Canada, pour Los Angeles qui brûle depuis dix jours, régulièrement je tente de lui « vendre » Yuka avec douceur ; je n’ai jamais su qu’elle était sa planète mais elle est bien zen, la sienne, j’envie un peu), une après-midi de rangement-tri de la chambre de Chouette (où LeChat visse, dévisse, pose, retire, remet au grand bonheur de l’enfant), une marche avec Kira malgré mon épuisement. L’attente de l’appel de ma tante, qui ne vient pas.
Aujourd’hui dilemme
Marcher ou m’asseoir.
La chambre ou l’abandon.
Parler ou écouter.
Lire ou jouer.
Dessiner ou écrire.
Rester en pyjama ou m’habiller.
Fermer les yeux ou ouvrir.
Lundi 20
Un étourdissement qui m’a semblé sans fin tant il a duré, m’a mise K.O. pour la journée. La table sans cesse valse sur le côté, je m’accroche et finalement ça se remet droit mais avec incertitude. LeChat me demande, tu veux l’oxygène ? tu as l’air sur un autre plan de réalité et la phrase me fait grimacer, je ne comprends pas ce qui ne va pas. Je suis comme étourdie, en permanence, depuis des heures. Depuis le malaise.
Je voudrais ne pas parler. Être dans le silence.
Vivre dans une bulle fermée.
Repliée.
Le téléphone sonne et c’est une erreur (je n’ai laissé aucun message sur LBC pour acheter une maison dans le 64), une erreur à la voix magnifique, douce, souriante, une merveille – sensation d’une rivière scintillante. Je suis toute désolée d’être son erreur, mais ravie qu’elle soit la mienne… je suis presque triste lorsque je raccroche.
Douceur.
Aujourd’hui sans pitié
Le mental m’assomme d’idées brouillonnent, le corps m’assomme d’étourdissements.
Chacun à sa manière, sans pitié.
[je ne relis pas, trop de fatigue]
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. Instagram en papier : (cliquez sur l’image, c’est magique) Kiriken Masayo
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Merci pour le lien vers le site de Kiriken Masayo (je ne suis pas sur Insta et qu’est-ce que c’est pénible de devoir fermer tous les deux scrolls la petite fenêtre m’invitant à me connecter pour en voir plus !) C’est très beau !
Et : comment peut-on vivre très bien à l’idée de ne pas connaître Kate Winslet ? 😀
(En vrai je ne la connais pas, rien de sa vie privée évidemment, ni de son activisme. En revanche je suis folle amoureuse d’elle et des personnages qu’elle a choisi d’incarner à l’écran ♥)
Avec plaisir ! Je fais attention maintenant, à ouvrir l’accès en dehors d’Instagram pour ceux qui ne l’ont pas ( et au passage, ça m’entraîne pour en partir ^^).
En fait je ne me suis jamais vraiment penchée sur les artistes. Ce doit être le deuxième documentaire que je visionne (trois avec celui de Mylène Farmer, L’ultime création), me souviens c’était Robert Redford y’a une vingtaine d’année. Je ne pense pas à le faire ^^ je suis de fait complètement ignare sur le sujet. Je ne fais pas forcément les liens entre artistes et films, d’ailleurs…
Mais je comprends le coup de foudre pour cette femme, elle est impressionnante (et belle). J’ai (désormais) beaucoup d’estime pour elle.
Merci pour le lien vers la vidéo de Kate Winslet, j’aime assez les portraits proposés par Arte, celui-là je l’ai raté. J’espère que ton rhume a disparu et par pitié, mets des gants la prochaine fois que tu sors et qu’il fait si froid ♥
J’en suis ravie ! Arte propose des documentaires assez bons, je suis en train de fouiller justement, ils ont un large rayon je m’aperçois.
Le rhume est presque passé, merci 🙂
Oui -_- mais quelle honte sérieux…