Samedi 23 novembre – Lumière carnettiste
Je me réveille, bloquée par une douleur inquiétante dans le bas du dos. Je pense à une mauvaise position et je me lève en douceur mais rien n’y fait, c’est même de pire en pire : lumbago. Je retrace ma semaine rapidement et j’y vois plusieurs points qui ont pu m’y mener : je me suis crispée sur l’arbre, hérissée sur la stèle à graver, froissée sur la tombe reçue, repliée sur la douleur habituelle, tendue sur le froid et j’ai porté un sac lourd. Il y avait de quoi, pour un dos, le vivre mal. Je ne sais pas maintenant, comment m’excuser – peut-être en trouvant lequel de ces points a été le plus problématique.
Le matin LeChat court à droite à gauche pour des courses diverses pendant que je m’approprie le canapé, la bouillotte glissée dans le dos. Nous bougeons après le repas, pour la dédicace (qui m’inquiète autant que j’ai envie de m’y rendre). Plus de deux heures trente aller retour en voiture avec le corps en morceaux, l’idée n’est sans doute pas formidable mais comment faire autrement ? Je ne me vois pas annuler la sortie – sauf à me cacher derrière mon dos.
Aucun regret, évidemment.
Lorsque je lis les mots qu’elle m’a laissée, je l’entends elle, l’impression qu’elle me parle. La même chose se reproduit lorsque je commence à lire son livre, elle se superpose à ma lecture. Je me rends-compte que désormais je vais la lire avec ses sonorités, les courbes de sa voix : l’expérience est encore plus riche.
Nous passons par Gibert (aucun achat de livre, je tiens à le signaler : je suis forte, pas le choix) et dans un éclat de rire je trouve le cadeau pour Blanche (un carnet PaperBlanks). J’espère qu’elle va goûter la blague autant que moi. Lorsque nous rentrons (la nuit arrive si vite), j’ai la tête dans la peinture, je déroule la rencontre, je suis heureuse.
Dimanche 24 novembre – Couleurs
Je me réveille, le dos bloqué par cette même douleur fulgurante et insupportable. Je ne me lève pas suffisamment vite, forcément : je rate de peu l’écureuil très matinal qui s’amuse à créer une future forêt sur notre terrain : il plante des amandes (qu’il va sans doute oublier). Je songe au geai des chênes qui lui se souvient de ces 4600 cachettes (ce n’est pas un corvidé pour rien) et je soupire (amusée) devant l’écureuil qui lui, les perd, pour beaucoup, complètement de vue. Une future forêt, donc.
J’envoie un message à l’asso pour signaler ma future absence de cette semaine, ce n’est pas la peine d’espérer quoi que ce soit.. et je termine un livre en cours – je ne perds pas de vue l’essentiel. J’ai d’ailleurs, sans doute bien trop de livres en cours.
Je m’oblige à m’asseoir au bureau, calée autant que possible avec la bouillotte. Et je peins. Je veux vraiment accompagner le carnet d’un marque-page proche de ses couleurs et de son motif, et je m’en sors au deuxième essai (davantage pour les motifs que les couleurs, humm). La carte elle, a été créée en juin (avec elle je ressens que j’ai évolué, c’est un peu plat).

25 novembre – Baume nervin
Douleur, douleur, douleur. Je bouge doucement toute la journée, le réveil est violent une fois debout ; vieille dame. En début d’après-midi j’envoie un message à ma tante par mail, où je réponds de manière très courte que j’ai besoin de son rib et je fixe le montant (j’ai tellement tergiversé (est-ce trop, pas assez, est-ce qu’on peut, non ce n’est pas assez, rha c’est trop, et puis merde) et recompté mille fois) que je lui donne pour la stèle. Et dans l’heure qui suit, il arrive deux choses : internet disparaît (connexion épileptique durable dans l’absence cette fois) et la douleur avec. La. Douleur. Disparaît (presque). Elle est perceptible, sans me démolir. Comme je pense pouvoir éliminer la cause wifi, j’en déduis que j’ai trouvé l’origine du problème… j’en ai plein le dos de ma tante, de ma mère, de ma famille. Et j’en suis surprise, je ne pensais pas que ça me pesait au point de m’y blesser.
À la fin de la conversation téléphonique avec le fournisseur internet (problème de département, cette fois), la dame me lance un « Prenez soin de vous » assez lunaire (disons à tout le moins déconnecté du propos) qui me fige ; j’ai le temps de lui répondre « vous aussi » et de l’entendre rire doucement avant de raccrocher. La phrase tourne, depuis, avec le rire de la femme…
26 novembre
Je force un peu la peinture. Si je veux progresser, il est évident que la laisser prendre la poussière n’est guère probant. Alors je retourne à mon projet de marques-pages pour Blanche, et je râle sur la qualité de mon papier (Clairefontaine pardon, mais tu gères mal l’eau) qui a laissé sur le côté gauche des traces de pigments comme une moisissure. Je vais devoir le découper, c’est agaçant. Note pour (beaucoup) plus tard : acheter du véritable papier, et garder celui-ci pour mes essais-erreurs. En attendant, je vais agrandir les marques-pages et prévoir la découpe fatale sur le côté (ou poser un masking tape, mais ça arrache souvent le papier donc le problème reste entier).

27 novembre – Douceur
Miraculeusement, le colis pour Blanche arrive le jour exact, et je suis tellement rassurée : elle l’adore. J’ai pris un petit risque avec ce carnet, qui était (bien que de sa marque attitrée puisqu’elle n’utilise qu’elle) à la fois un peu particulier esthétiquement et un énorme clin d’œil entre nous : une réussite autant dans le choix que dans les aquarelles.
Conclusion de ma peinture du jour (et du jour suivant, à droite, que je préfère), je m’en sors très bien avec les champignons. Comme ça m’impressionne un peu, je vais le redire avec d’autres mots : j’aime quelque chose que je fais, au moment où je le fais. Je suppose qu’il faut parfois du temps, ou peut-être qu’il m’en faut davantage qu’à d’autres, pour que bascule – se réunisse – dans un même mouvement l’artiste et son apaisement créatif..

Le soir je m’endors, la poitrine explosée de douleur. Le stress, je crois. Ou l’envie de briser une stèle. Ou l’angoisse de – il y a toujours une angoisse.
28 novembre – Contrer l’angoisse au pinceau
Corail attrape une souris, la relâche pour jouer, et sur un moment d’inattention, la petite bestiole s’échappe à mes pieds. C’est sans réfléchir que je l’attrape, ma main se dirige vers elle avant même que je me demande si je risque une morsure, et dans ma main ouverte la petite tremble tellement qu’elle est incapable de partir. Je la relâche le plus loin possible du fauve psychopathe (deux à trois par jour, quand même, actuellement), elle met dix minutes à reprendre ses esprits.

Je prends des billets m’emmenant à Paris en février vers deux personnes que j’espère, une expo que je prévois géniale, et mon amie-sœur Blanche – évidemment.
J’observe des peintures de Black_Aneri (j’apprends par reproduction) et je peins du bleu, une théière et des tasses et puis le soir alors que je suis seule, deux livres. Et ceux-là, ces deux livres empilés à la perspective compliquée et proche d’être hasardeuse, me prennent une heure. LeChat me dit « seulement ? » quand moi je trouve dingue que ça m’ait pris autant (la perspective m’en a pris le plus gros). Je n’avais aucune notion du temps qu’il me fallait (première réponse retardée donc, à une question posée il y a quelques mois, par Eliness il me semble). Et le champignon du jour m’a pris entre deux heures et trois heures.

Nous regardons le film Toni, en famille. Je suis tombée sur lui à la médiathèque et j’aime beaucoup Camille Cottin, ça a suffi. Il nous faut des films familiaux, Chouette est encore trop jeune pour la plupart des choses que nous pourrions vouloir voir. Et celui-ci était parfait : drôle, subtil, sensible, et surtout très bien joué (c’est rare). Un régal.
29 novembre – Rêve roux
Étrange rêve à la force mentale si forte qu’il en était réel. Je me dirige vers une forêt, je le sais là, quelque part, et je viens le voir avec toute ma volonté et mon humilité. Un kitsune auprès de qui je m’excuse, je suis triste et je m’excuse tellement que je me pose auprès de lui et j’attends qu’il me pardonne (il est là depuis si longtemps), j’attends, le temps passe et je ne me nourris pas j’attends, lui non plus ne se nourrit plus, nous restons là, ensemble, l’un contre l’autre à prendre soin. C’est un renard-dieu, fier, magnifique et lorsqu’il se lève je sens toute sa bienveillance. Il accepte d’être gardien (de… mes rêves ? moi ? la forêt ?), il reste avec moi. Une renarde kitsune vient vérifier que tout se passe bien, je ne sais pas qui elle est, ni de qui (d’où) elle vient, elle vérifie, elle est là pour ça et semble satisfaite du lien. Je me réveille alors, avec cette sensation très présente d’un kitsune à la surface de mes pensées, qui m’observe et me protège, sensation qui ne s’évapore pas de la journée.
Le soir, LeChat récupère une souris relâchée dans la maison par Corail, et lui sauve la vie à elle aussi.
Samedi 30 novembre – Obscurité délétère
Dehors, le brouillard a pris possession des arbres. Je ne sais pas exactement dire pourquoi, mais il semble que j’ai pensé que c’était une bonne idée d’y étendre le linge. Le soleil survient, timide et tardif. Tout aussi étrangement, le soir, il est encore un peu humide (mais sèche gentiment en moins d’une heure).
J’attrape une souris, encore, au nez de Corail qui l’a lâchée pour jouer…
Le soir ma grand-mère me dit qu’elle ne se sent pas bien, qu’elle ne sait pas quoi faire, elle n’est vraiment pas bien, insiste. Je lui explique qu’elle fait une crise d’angoisse, ça arrive les crises d’angoisse, elle me répond « ah bon ? » et je ne peux pas lui dire comme la mienne me dévore, là, à cet instant, puisqu’on en parle, que j’en respire mal, que c’est épuisant). Elle ajoute, je vais mourir cette nuit.
J’ai presque envie de lui répondre, d’accord. D’accord c’est cette nuit. Tu as 97 ans dans trente jours, tu as bien le droit de mourir cette nuit, ou bien le droit de penser mourir cette nuit, ou même le droit de lâcher l’affaire avec la vie et même la mort, qu’elle peut si elle veut. À la place je lui réponds qu’elle a le droit d’angoisser. Elle m’entend, me dit qu’elle va aller éteindre la télé ça l’énerve voire participe à son angoisse, elle me dit « tu ne bouges pas ? », je ne bouge pas. Je ne bouge pas pendant huit minutes vingt-deux secondes et puis je raccroche, elle m’a oubliée. La télé est restée allumée.
Ma tante me téléphone dix minutes après pour débriefer, j’écoute donc ma tante après avoir écouté ma grand-mère, elle n’en peut plus du chantage affectif mis en place depuis quelques semaines (de manière bien involontaire mais tout de même) : le samedi ma grand-mère meurt la nuit, ça culpabilise ma tante qui ne l’invite pas tous les dimanches et qui ensuite se déverse sur moi parce que j’écoute très bien. Lorsque je lui rappelle qu’on en a déjà discuté, que c’est familial, que ma mère me le faisait tous les jours, ce chantage à la mort, et qu’il faudrait creuser à la source, ma tante me dit « ah bon ? » elle aussi et s’en fout, tellement. Elle insiste, ça lui pèse, elle ne sait pas combien de temps elle va tenir.
Je sais.
Partage
. Art : Street Art, avec cette première œuvre magnifique de Jeks One
. Musique : To ashes and blood – Woodkid
Attention, les images sont de l’animé Arcane, il y a donc du spoil (il faut absolument que je regarde cette dinguerie)
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