Elle était samedi à Montpellier, dans une librairie que je ne connaissais pas : La Géosphère. Une devanture lui était consacrée, accompagnée de quelques livres de voyages et carnets vierges. La librairie est assez petite, mais regorge de carnets de voyage et de livres sur le sujet, c’est de la magie pure. Les libraires rencontrées sont souriantes, agréables, si j’habitais encore là-bas j’y retournerais souvent – c’est peut-être une chance (financière) que je n’y sois plus.

Je suis toujours tendue de rencontrer de nouvelles personnes, l’autisme a un jour mangé ma sociabilité au petit déjeuner et bon depuis, c’est compliqué. C’est donc tout naturellement que j’étais angoissée à l’idée de la rencontrer – vraiment angoissée. Avec (ou malgré) toutes mes pensées parasitaires, j’ai réussi à acheter son dernier livre aux très gentilles libraires, puis à faire la queue (complètement en incapacité de prévoir quoi lui dire, le blanc total cette fois).
Elle est ma deuxième dédicace seulement, sans doute parce qu’il m’est si compliqué d’aller vers les autres. La première n’était d’ailleurs pas pour moi, mais pour ma belle-mère, un livre que je souhaitais lui offrir (il est plus simple dans ces cas-là, de se dépasser).

Deux personnes devant moi (et personne derrière).
Une personne.
Moi.
Mais qu’est-ce qu’on peut bien dire aux gens ? Vous faites un travail magnifique ? Mais tout le monde doit le lui dire, à chaque dédicace, dans chaque ville, vous dessinez tellement bien ou encore j’aime tellement vos carnets, et bien oui sinon je ne serais pas là, bien sûr que je les aime ; je déteste les évidences. Le blanc, alors. Le vide. Rien.
Si on retire les évidences, il reste un grain de sable.
Et bien elle a trouvé le grain de sable. Elle m’a bluffée. Son naturel a entamé la conversation à ma place, presque comme si nous nous connaissions déjà, et je ne sais même plus comment c’est parti cette histoire mais nous nous sommes mises à parler et moi c’est simple, si la personne en face n’est pas réservée, si je me sens à l’aise, alors tout devient fluide. Nous avons discuté et très rapidement nous avons enchaîné sur les expositions de carnet de voyage (non, je ne lui ai pas raconté le fiasco de ma région) et j’ai ainsi découvert tout ce qui existe en France. Elle m’a noté les villes concernées, je suis repartie avec un trésor inestimable.
Elle m’a aussi demandé si je dessinais (un peu). Des carnets de voyage (ah).
Il est temps de m’y mettre.


J’ai aimé sa douceur, sa gentillesse, sa sociabilité si naturelle, et par-dessus tout, la vraie rencontre qu’elle met en place avec les personnes qui viennent pour ses livres. Elle prend le temps de discuter, et seulement ensuite elle écrit la dédicace, j’ai été touchée par cette manière de procéder, ce lien qui se tisse sur ces quelques minutes. J’ai brièvement songé que si on devait matérialiser les liens qu’elle crée à travers le monde, elle serait lumineuse et filaire.
J’ai laissé la place à la personne suivante (il a bien fini par y en avoir une), j’ai déambulé dans la librairie en craquant sur deux carnets vierges de Faravelli, j’ai réalisé que je n’avais pas demandé si je pouvais prendre une photo d’elle, et la timidité s’est réinstallée, indélogeable, il y avait du monde, c’était fini.
J’ai laissé comme c’était, sans photo d’elle mais avec une belle dédicace (mais bien sûr maintenant, des questions me viennent…)

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L’article est vraiment très sympa.
Tu peux être très fière de toi, tu es courageuse.
L’autisme, c’est pas simple à gérer mais je trouve que tu t’en sors très bien 🙏
Je te souhaite une agréable journée.
Tony.
Disons que c’est très fatiguant ^^
Merci pour tes mots, douce journée à toi aussi 🙂
Douce journée à toi aussi.
🙏🙂
Ça me rappelle ma rencontre avec P. Bordage, j’étais tellement tétanisée que je n’ai même pas été capable de lui expliquer le sujet de mon mémoire (qui lui était consacré au tiers.)
Avec Cédric Sire, que j’essayais d’interviewer, j’ai tellement eu le hoquet que j’ai dû partir. Heureusement que j’étais avec mes comparses de l’asso 😀
On se ressemble ouh la la ! C’est terrible d’être en difficulté avec les autres, j’aimerais bien trouver une solution ^^’ Je compatis bien en tout cas 😀
Ooh ton article m’a fait un immense flashback d’enfance – un livre que je feuilletais sur la table du salon de ma tante, avec de magnifiques dessins de femmes du monde entier… J’ai mis du temps à retrouver, il s’agit d’un autre artiste (Titouan Lamazou) ; merci pour ce souvenir !
Quant à la dédicace… C’est un exercice qui m’a toujours intriguée et je crois que ce rapport en 1-1 m’est trop intime, trop proche, trop étrange, un inconfort que j’ai du mal à décrire (quand K m’a encouragée à faire signer un bout de papier par un chanteur de Platon Karataev plus tôt cette année, je ne savais absolument pas où me mettre et c’était un vrai supplice :D)… Mais ça a l’air d’avoir eu un fort impact positif sur toi, sans doute grâce à l’humanité de l’échange – peut-être est-ce important de constater que l’autre en face est tout aussi humain que soi, même s’il a parfois cette radiance d’exceptionnel qui fascine autant qu’il intimide !
Par contre j’adorerais voir certains auteurs que j’aime en conférence par exemple, à une distance un peu plus anonyme – tout comme je tiens à voir certains artistes musicaux sur scène. Ce besoin étrange d’être dans un même espace-temps pour me « prouver » que l’autre existe vraiment dans les mêmes dimensions que les miennes…
Je suis ravie de cet écho survenu à la suite ^^ J’ai regardé l’artiste, je le connaissais un peu, mais sans en avoir retenu le nom. Je vais pouvoir fouiller ses carnets, merci ^^
Tu le décris parfaitement, c’est intime et perturbant. Mais très riche aussi, parce qu’il y a eu une véritable rencontre. Ça a tenu à elle que ce soit aussi beau, nourrissant. J’ai rencontré d’autres artistes ou personnes célèbres (le hasard des rues ou parfois de loin à des dédicaces où je n’ai pas osé approcher), ce n’est pas si courant, cette qualité de l’échange.
Platon Karataev, c’est chouette ça ^^ (et je comprends le supplice). Comme toi, je préfère la solidité de mon anonymat dans une salle bien remplie ! En effet une rencontre permet de rendre l’autre réel. Me rendre au concert de Mylène Farmer, c’est ce que ça m’a permis. Elle n’est plus une voix dans l’oreille, elle existe désormais. On a besoin de rendre réel, tangible, l’autre. D’une certaine manière, ça nous rend plus réel aussi.
Bravo !
Je suis incapable d’assister à une dédicace, je me demande toujours comment je vais être perçue, ce que je vais pouvoir dire. Toujours peur d’être gauche, inadaptée.
Belle rencontre en tous cas et belle découverte pour moi.
Merci et belle journée!
Mais punaise oui, c’est l’enfer dans la tête ^^’ Je crois que cette fois c’était important de la rendre réelle, un peu comme Mylène Farmer au concert. Peut-être que j’ai davantage besoin, après elle, de rendre le reste du monde plus « vrai » ?
Douce journée à toi aussi 🙂