[TW mort, au 18 octobre]
[TW araignée en peluche sur une citrouille, le 19 octobre]
[TW dessin d’araignée le 22 octobre]
15 octobre
Kira va faire sa prise de sang dès l’ouverture du laboratoire, LeChat travaillant ensuite assez tôt. Lorsqu’ils reviennent, j’ai la joie de pouvoir me lever sans m’affamer (je suis presque toujours réveillée avant l’aube), nous faisons ainsi le budwig-banane très tôt et avons tout le temps de partir marcher dans le brouillard.


Je jardine chez ma belle-mère, je mange, et le téléphone sonne. Ma tante-marraine m’appelle pour parler de la maison de ma grand-mère, de cette fameuse part que je souhaite vendre. A ses côtés se tient mon autre tante (la presque douce), que je n’entendrais pas de toute la communication, en dehors du bonjour inévitable.
Elle marche sur des œufs. Avec moi. Très étonnant.
Elle m’explique qu’elle veut vendre, finalement. Je m’y attendais tellement que j’ai payé volontairement un peu plus cher mes frais chez la notaire pour ce cas de figure. Elle m’explique qu’elle s’est rendue-compte que ça lui pesait beaucoup, et qu’elle avait besoin de ne pas la garder. Et continue un peu plus loin avec sa fille, qui habite dans les murs : elle a enfin trouvé un CDI, donc les banques suivent pour qu’elle puisse acheter un bien immobilier (autre) ; ceci expliquant donc cela, elle peut vendre puisque sa fille va partir. Elles me demandent juste d’attendre pour la mise en vente, qu’elle ait signé pour une maison. J’accepte, je ne vais mettre personne dehors (il ne manquerait plus que ça). Le soulagement généré en face me fait penser que je viens d’être traitée en adulte, une adulte qui compte, pour la première fois.
Nous ratissons le chemin de mes beaux-parents, ce qui me prend une énergie dingue. Avant il y avait de la terre, des herbes, j’adorais. Depuis quelques mois, ils ont posé des pavés (en forme de I), le balai a besoin d’y être passé tout le temps. Parfois c’est nous qui le faisons, et ainsi nous récupérons les feuilles pour le compost.
Je suis tellement épuisée quand j’ai terminé, je m’effondre. L’impression d’être mille dans ma tête et que tout le monde hurle pour se faire entendre… la fatigue est telle, mon cerveau se met en off.
16 octobre
Le foyer m’appelle pour me prévenir qu’avec l’alerte orange, les résidents ont l’interdiction de sortir : pas de Maa aujourd’hui.
Sur le chemin, je dépose à la mairie le plan dessiné de la réserve avec les étagères qu’on voudrait y voir (le tout caché dans une pochette plastique elle-même cachée sous ma veste fermée, pour éviter la pluie diluvienne), en espérant qu’il n’est pas trop tard pour l’inclure dans le budget de 2025. Nous mettre d’accord a pris du temps, même si les trois quart ont superbement ignoré la chose. J’ai eu le mot final sur l’organisation des étagères (dixit, « c’est quand même toi qui y bosse tout le temps »), maintenant il n’y a plus qu’à. J’en profite pour récupérer des sacs jaunes, ça m’évitera de courir dans quelques semaines.
Consternée, je passe devant les deux boîtes à livres, désormais devant la mairie : les portes, cassées depuis plus de deux mois, n’ont toujours pas été remises : la pluie trempe les livres. Je pousse ce que je peux au fond de la boîte, mais c’est un pansement sur une jambe de bois… l’humidité gagnera.
À la fripe, nous sommes quatre. Une nouvelle aujourd’hui est avec nous, Lil., 88 ans. Elle porte le prénom (français, pas le polonais) de ma première belle-mère, et me fait tellement penser à ma grand-mère que je ne peux m’empêcher de le lui dire avec beaucoup de joie en moi. Il y a un petit quelque chose dans les yeux, les traits du visage, sa manière d’être, qui.
Lorsque nous fermerons le local, elle nous dira comme elle est heureuse de nous avoir trouvées, qu’elle adore la belle ambiance que nous avons, que nous sommes merveilleuses. C’est doux à entendre.
L’espèce de tempête qui s’ignore a placé les feuilles du frêne sur le chemin balayé hier comme si nous n’avions rien fait. Conclusion, regarder la météo avant tout geste incluant l’extérieur et un balai devrait être une évidence.
17 octobre
Vingt ans.
Parler de lui c’est l’empêcher de mourir en moi ; je vais le silencier, cette fois. Vraie volonté et ressenti tout aussi profond de lâcher cette affaire.
En fouillant internet, j’ai retrouvé un vieux blog 2010-2012 où je disais qu’il était mon septième. Cette inconstance, misère… (Internet garde vraiment des choses sans importance en mémoire).
Alors que je suis à lire sur le canapé, mon attention est attirée par un mouvement venant du sol et remontant dans le frêne : l’écureuil est revenu ! Il faisait sombre, mais je ne m’en suis pas trop mal sorti, mais il faut vraiment que j’emporte cet appareil à réviser.

18 octobre – pêle-mêle
À la médiathèque, je demande de l’aide pour mon livre à réparer (mais j’ai oublié de l’apporter pour leur montrer exactement mon problème). La première m’envoie discuter avec une seconde, qui s’avère effectivement compétente dans le domaine : je me noie presque d’informations-selon-le-problème, mais j’adore. Finalement elle me convainc de partir sur un dérouleur double-face, si je ne peux pas tout défaire pour recoudre (et recoller tout le livre avec un scotch certes spécial mais qui sera visible). Mon idée de découper au massicot sur 1 mm puis coller n’est pas bonne, puisqu’à la base, il n’y a pas de colle mais du fil – toujours demander aux spécialistes.
Au moment de nous quitter, elle me dit « on ne s’est jamais présenté, vous c’est Ambre n’est-ce pas ? Moi c’est M. » Et j’ai tellement aimé son regard pétillant et sa joie à la hauteur de la mienne, dans cet échange si simple. Souriez-moi comme ça, et je suis heureuse (je suis simple).
Elle pétille de doré autour d’elle, cette femme.
Je croise J. qui me demande si je serai là pour le café littéraire, mais je suis incapable de dire oui ou non, je tranche par un je ne sais pas avec une grimace éloquente.
Les souvenirs me lâchent, c’est un bonheur. Le soleil est revenu un peu gris, toujours là après la montée impressionnante des eaux de la rivière. Je lance une machine tardivement, la salle de bain déborde de linge à laver. Étonnamment, elle sèche.
Je dessine la souris du livre Manuel complet du dessinateur avec dans l’idée d’avancer le challenge de 100 dessins et aquarelles dans l’année – je commence à être juste, vu mon rythme.

J’écoute enfin le concert de Mylène Farmer, reçu la semaine dernière (ou quelque part dans le temps). Mon énergie décolle avec les chansons, incroyable l’effet qu’il a sur moi. Plus étonnant, les filles découvrent l’artiste (considérée jusque là comme ma lubie, je pense, assorti d’un « je n’aime pas ») et apprécient, tant et si bien que je mets l’album Anamorphosée : Chouette adore.
[TW mort] – Choc. Je retrouve par hasard (en suivant le lien archivé d’un autre blog, qui me rend encore plus triste à lire parce que c’est Nelle) des pages d’archives de ce premier blog ouvert en 2003, je me relis et m’y blesse. Il n’en reste pas grand chose mais.
Sensation violente de sa présence autour de moi. Je déteste.
Je me décide finalement à récupérer quelques textes, j’en pose un ici avant de comprendre comment ne pas les envoyer dans le mail et le fil rss – j’aurai appris quelque chose. Absolument déconcertée par le nombre de « mdr », je boycotte les 3/4 des articles sauvés par les archives. Sur un troisième blog (celui-ci n’est même pas archivé, il est toujours en ligne mais je n’ai plus les codes depuis 2012), je tombe sur cette phrase que j’avais écrite et qui me fait sourire, bien que crispé.
Je peine à saisir celle que j’étais avant « la date », je me sens étrangère aux mots employés, aux égarements, je me trouve même méchante parfois dans mes colères exposées. Je ne me reconnais pas, cela crée une dichotomie perturbante que j’assume mal. Comment puis-je être ce moi-là ? Qui est-elle, cette fille-moi.
Vient l’après de sa mort et mon estomac se rate un peu. J’ai vraiment des idées lamentables à fouiller le passé, surtout en cette période. Je me noie dans ce qui n’est plus de l’ordre de la vie et je ne sais pas ce qui m’a sorti de là, à l’époque. Je ne reconnais pas davantage (bien qu’elle me parle plus que la précédente) celle qui parle de lui, celle qui tente de survivre à sa disparition, celle qui ne cherche pas à éviter les tramways mais respire, pourtant. Je parlais à un mort pour continuer à vivre, il y a pire choix. Mais qui étais-je, alors ? Un je fantôme, sans moi, inexistante. Décentrée.
Et puis il se passe une chose que je n’avais pas pensé possible : ce que je lis sont autant de morceaux de ce qui fut éclaté et qui se réunissent en moi. Je réussis l’exploit, bien malgré moi, de coller celle que j’ai été mais que j’ai perdu depuis des années-lumières, à celle que je suis désormais. Pour être plus claire, je mesure la distance entre mon moi mort de 27 ans et mon moi vivant de 47, et les réunis, identiques et opposées. Me vient cette image d’un kaléidoscope où tout se télescope sans cesse, jusqu’à ce qu’un grain de colle imprévu reforme le paysage : je reviens à ce point qui me poursuit depuis quelque temps, j’existe. Et peut-être ne puis-je exister que parce que je me suis écroulée.
19 octobre – Overdose
Je ne vais pas au café littéraire. Et si je suis honnête, je savais que je n’irais pas. Le thème me rendait malade rien que d’y penser : la cuisine en littérature. Depuis que j’ai lu Le soldat Shamane de Robin Hobb (elle est obsédée, ce n’est pas possible), je suis incapable de lire la nourriture. L’écœurement s’invite chaque fois et la nausée prend le dessus. Lorsque je lis, je suis tellement immergée, ça me joue parfois des tours et là, les aliments à toutes les sauces, je ne peux pas.
Je me demande jusqu’à quel point mon statut d’ancienne anorexique ne joue pas.
À la place, nous faisons les courses au milieu des araignées et des citrouilles et ça nous prend trois heures, c’est éprouvant aussi et ça parle encore de nourriture, cette histoire – bien la peine. L’après-midi je discute trois (autres) heures avec ma belle-mère, ce qui m’achève. Je suis nauséeuse de fatigue, je rends les armes.



Dimanche 20 octobre – Nothing
Rien. L’épuisement c’est ce rien qui t’attrape et te déchire proprement. Je ne fais absolument rien, et avec bonheur, en dehors de lire Underground de Murakami – je suis frappée par la culture japonaise, ce qu’elle a de force qui les propulse en avant, toujours en avant.

21 octobre – Sorcière
La doc me remplit toutes les pages nécessaires pour la MDPH et même des pas nécessairement demandées mais que j’ai inclus parce que. Elle m’envoie me peser, cela fait partie des questions et je n’ai pas la réponse. Mon poids ? Aucune idée. Je n’ai pas de balance à la maison, je ne suis pas intéressée ; 56 kg. Ça va avec ma taille, 1,54 m. Je ne sais pas si c’est correct, mais elle n’a rien dit, je prends ça pour un assentiment côté santé.
Nous nous lançons en quête de photos d’identité (j’ai l’air affreuse et le teint.. rose ?! et beige) et les cartes d’identité sont « commandées ». Très perturbée de ne trouver que des femmes dans ses bureaux, j’ai failli demander si c’était représentatif de l’administratif.
Chouette a besoin de compléter son costume d’Halloween et nous partons en quête d’accessoires (nous creusons du côté de Foirf*** et compagnie). Le noir, le rouge sang et le orange envahissent les rayons où s’emmêlent l’horrifique et le cimetière véritable, l’un près de l’autre. J’hésite parfois, ce n’est pas si clair, vraiment. La frontière est mince dès lors qu’on sort du traditionnel squelette entoilé d’araignée. La palme revient pourtant à une plaque tombale à la faute d’orthographe improbable : Reposes en paix.
Je tombe malgré tout sur un formidable assortiment de sorcière, dans deux magasins :


22 octobre –
Après quatre heures de boulot, je termine enfin le dossier MDPH de Kira. Lorsque je reçois un mail pour me confirmer l’envoi, je fonds en larmes. L’aboutissement, juste. La fatigue du bidule.
Il y a encore le mien à faire et je viens de voir que ma Doc a oublié l’oxygène et a tout barré. Je vais devoir demander à la pneumologue de me faire un courrier pour attester.
Le soir je découvre que ce qui me semblait être une simple plaie sur la gencive est en fait un abcès. Et ce qui me sidère, c’est qu’il y a vingt ans j’ai entamé mon deuil très exactement sur ce point précis, un abcès, un dentiste, sa mort, et plus de dentiste durant une année entière parce que pas en état de gérer, je ne sentais même plus la douleur : j’ai perdu une dent définitivement et foiré toute ma dentition sur cette sidération.
Visiblement, j’ai raté quelque chose.
Phrases du jour :
. Kira : « je crois que je me suis foulé l’oreille »
. Observation des nuages :
Moi : Oh un éléphant dans le ciel ! Haaan mais il y a un tout un troupeau en fait !
KIra : Si on était le soir, ils seraient roses !
Voilà, on a trouvé l’origine des éléphants roses.

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Art : Le site Street Art Utopia est une merveille,
Musique : Le poids des mots – Phanee de Pool
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« je mesure la distance entre mon moi mort de 27 ans et mon moi vivant de 47, et les réunis, identiques et opposées. »
C’est pour ça que je suis si farouchement, si nombrilistement attachée à l’écriture de ma personne. Sans ça tout serait perdu. Je suis heureuse pour toi de cette réunion.
Confluence astrale : pour te lire j’ai lancé le « mix mélancolique » que Spotify a concocté pour moi. Le premier titre, c’était Ohne Dich de Rammstein, dont internet m’apprend que ça veut dire « sans toi ».
C’est vachement bien, Le poids des mots.
Je comprends tellement.. Actuellement je ne suis pas attachée à mon écriture (je ne l’aime pas beaucoup, je la trouve.. froide, descriptive). Mais le blog que j’ai le plus aimé (et le plus longtemps utilisé) est sauvegardé sur mon pc et lui, j’y suis très attachée oui. Si je le perdais, j’aurais beaucoup de peine.
Les synchronicités..
N’est-ce pas ! Il me faudra écouter ce qu’elle a fait d’autre.
Je ne comprends pas tout (et c’est très bien comme ça), mais ce « j’existe » en italiques m’a fait ressurgir une bribe de cours de philo où l’on nous disait qu’exister, c’est sortir de l’être. Ça fonctionne bien pour ces deux moi opposés ; ce qui compte n’est peut-être pas tant de les concilier que de passer de l’un à l’autre ?
(C’est probablement très prévisible, mais j’ai beaucoup aimé la souris. Et les petites interactions avec de grands sourires. Et comment les mots sont presque parlés dans la chanson de [Fa-nid-de-poule].)
(j’oublie souvent que le concept de blogs morcelés dans le temps et l’espace, empêche une lecture temporelle et donc une compréhension de ce qu’il s’est passé. Morceau encore difficile à gérer, que j’expliquerai mieux un jour…)
Passer de l’un à l’autre, en effet, en avoir retrouvé le chemin je dirais. Il y avait une cassure irréconciliable du fait d’une perte de mémoire (choc, SSPT), je crois que ça s’est en partie apaisé d’avoir relu et donc relié ce moi passé à l’actuel.
La souris, j’ai pensé à toi en la dessinant. Forcément 🙂