[Je signale pour les arachnophobes, qu’il y a une araignée
très mignone mais en macro, tout en bas de l’article]
Depuis quelques temps, je fouille dans mon (très) ancien blog, une manière un peu de saisir d’où je viens. Le chemin, tu sais. Dans quels pas j’ai mis les pieds. Je retrouve des lieux, des dates et des personnes qui commentaient et qui ont, depuis, effacé leurs propres espaces – la sensation est fantomatique. Par un hasard total je regarde où a été enregistré une photo et je tombe sur… Flikr (j’en avais fait un fourre-tout bien bordélique). J’y ai donc un compte définitivement perdu, et des photos oubliées depuis dix à quinze ans. J’adore celle-ci, dans mes cheveux est planté un crayon tête de sorcière :

Je vérifie, une par une, que j’ai bien les photos de mon côté sur mon disque-dur de sauvegarde, et j’en récupère ainsi une bonne quinzaine, notamment parmi les plus anciennes (il y a longtemps que j’ai perdu mes photos de 2004 ou 2005, peut-être parce que la période était trop violente pour être conservée).
Les années suivantes ont toutes disparues dans deux crash d’ordinateur, je suis donc assez pauvre de ce côté-là, jusqu’en 2012, 2013.
Au passage je redécouvre une de nos escapades auvergnates, les trois cascades superbes dont celle du Queureuil. Je crois que je ferai un article, tellement c’est magnifique, là-bas – même si les photos accusent leurs onze années. Je prends conscience que cet appareil est arrivé dans ma vie pratiquement à cette période, en avril 2013. Je ne réalisais pas comme cela fait longtemps, maintenant, qu’il partageait ma vie – écho de l’article d’Eliness, décidément (j’espère que tu ne m’en voudras pas de me retrouver moi aussi à parler d’appareils photos ^^’)

Je me demande soudain, combien j’ai eu d’appareils.. j’en ai changé chaque fois que je me suis trouvée limitée. Donc – compte sur ses doigts – cinq. Et je me souviens de tous, sauf du Pentax… navrée, petit.
Les dates posées sont parfois des déductions depuis mes photos, mais ce doit être les bonnes.
. Kodak DX6490, 4M de pixels (avril 2004) : mon premier, sur les conseils du vendeur. Ce qui fait donc de cette année l’anniversaire de mes vingt ans de photographe !
J’ai beaucoup tâtonné, mais il a fait de très belles photos (avec un certain flou systématique, mais c’était peut-être moi, le problème) et m’a procuré une liberté que je ne trouvais pas en dehors. Très rapidement je suis arrivée au bout de ses capacités, et puis surtout il était lié à S., définitivement. Jaloux de tout ce qui tournait autour de moi, il l’est devenu de l’appareil, me reprochant de m’intéresser à tout ce qui n’était pas lui lorsqu’on marchait en forêt – une feuille, un arbre, un bâtiment, tout était sujet à récrimination. Nos sorties sont devenues un calvaire, il boudait ou s’énervait pendant que je respirais ou essayais.
Mes photos étaient à l’avenant, désordonnées mais en recherche de liberté.


Cette photo, prise à la volée sur la place St Michel à Paris, a un problème de datation, je n’ai jamais pu la prendre en 2003 : je me suis offert cet appareil pour mon anniversaire, en avril 2004 à Chinon (date également, de mon emménagement là-bas donc vraiment, c’est impossible). Elle est sans doute de l’été 2004, mais plus sûrement faite en octobre-novembre, juste après sa mort : tout ce que je prenais était en noir et blanc et surtout, flou – comme moi.

. Pentax *ist DL, 6.1 mégapixels (avril 2005) : je travaillais à Relay à Montpellier. Pas complètement sortie de l’état de sidération avec lequel j’étais arrivée pour tout bagages, je me suis offert cet appareil (sur les conseils d’un vendeur) grâce à ma patronne : elle m’a avancé l’argent (la banque avait refusé). Je l’ai remboursée en trois mois (j’aurais pu en deux, mais par sécurité financière je l’ai fait en trois). Pour cet acte complètement désintéressé, elle a eu ma reconnaissance éternelle, malgré tout ce qui a pu se passer ensuite.
Étonnamment, je n’ai aucun souvenir physique de lui… ou alors il faut le mettre sur mon état émotionnel de l’époque, complètement déconnectée de tout..? C’est un appareil fantôme. Il n’existe pas. Je n’ai de fait aucun avis sur la bête, pour cela il lui faudrait une vie à mes côtés.

C’est avec lui que j’ai fait ma première (et unique) expo, sur Montpellier. J’ai quelque part encore, quelques uns des tirages grands formats, mais pas de photo de l’expo elle-même – erreur totale.
Celles-ci, notamment. Qui ont rendu perplexe la totalité des personnes : personne n’a jamais trouvé ce qu’elles étaient – je m’en amuse toujours autant.


Et puis il me semble vaguement me souvenir qu’il est tombé en panne – ou alors, c’est moi. Je l’ai peut-être vendu, je ne sais plus. Il n’a jamais été là.
. Panasonic DMC-FZ28, 10.1 mégapixels ( avril 2008) : Je tente cet appareil, mais je suis vite fortement déçue par ses capacités (le Pentax était bien meilleur). Rapidement je me sens limitée, sans mettre le doigt sur ce qui ne va pas. Il fait de très beau portait de Kira bébé (né en mai), mais je trouve le rendu sombre, il gère mal l’intérieur, ses réglages sont pénibles. Et il n’est guère efficace en macro, ce qui m’énerve. Malgré tout, c’est avec lui que je lance sur OVS des sorties ayant pour thème principal « Photos de rue » et un sous-thème à chaque sortie. Nous sommes bien une douzaine à arpenter les rues, avec Blanche et parfois LeChat. Je crée un blog où déposer les photos de tous et cela tient jusqu’à ce qu’un indélicat trouve une faille et détruise le lieu. De dégoût et de fatigue, j’arrête les sorties et la rue.
Je vais garder ce boitier longtemps, jouer beaucoup. Et tout perdre – foutues sauvegardes, donc.

. Panasonic DMC-FZ45, 14 Millions pixels (avril 2011) : censé être bien meilleur que son prédécesseur, je m’obstine dans la lignée. En toute objectivité, la différence n’était pas flagrante au départ. Il a tout de même le mérite de se défendre coté macro (mais on peut oublier les insectes) et d’avoir une meilleure luminosité.


Et puis nous déménageons, d’abord dans le Cantal pour dans le Puy-de-Dôme. Petit à petit, je l’apprécie. Ses photos restent un peu sombres mais je commence à clairement m’amuser avec la lumière, les couleurs de l’automne, et même à travers des trous (et comme à partir de là, j’ai de nouveau des photos sauvegardées, j’en ai enfin d’autres à montrer) :


Nikon D7000, 16.2 mégapixels (avril 2013) : toujours avril, oui.. j’ai tendance à m’offrir les choses très chères à cette occasion (seul moment où je me le permets). Ceci dit, ce doit être la dernière fois que c’est arrivé.

J’ai craqué sur ce reflex par besoin de faire réellement de la belle photo, et particulièrement de proche. J’opte alors pour un zoom macro 105mm, qui complète le grand angle « offert » avec l’appareil dont je me servirai finalement assez peu. J’aime les paysages, mais mon amour premier va au détail.


Je fais cette année-là ce que je pense être les plus belles photos des enfants (leurs albums sont magnifiques) mais 2015 les surpassera :


En 2014, nous perdons de nouveau toutes nos photos (mais 2013 est sauvé, et plus jamais je ne perdrai de photos à partir de ce moment). Arrive alors 2015 et son automne québécois en Auvergne (le seul et unique ; plus jamais (non plus) nous n’aurons cette lumière incroyable et ses couleurs complètement dingues, pas retravaillées je l’assure).



Je photographie pratiquement tout au 105 mm, il y a une proximité avec lui qui semble m’intégrer à tout ce qui m’entoure. Je me sens vivante, connectée.
Mais tout de même parfois j’équipe le 24 mm et il ne faillit pas.



Mais toujours, toujours, je reviens au 105 mm. Et à ma passion des arbres. Je ne sais pas être longtemps sans cet objectif, je plonge au cœur de la nature et je deviens arbre, je respire comme lui, je deviens silence.

Et puis il y a eu la rupture terrible avec R. (bien avant la véritable) et ma chute sans fin, une dépression dont j’ai peiné à me sortir. Mon lien au vivant s’est effondré, j’ai arrêté les mots et la photo. Nous avons emménagé chez mes beaux-parents fin 2019 et l’effondrement, d’inquiétant, est devenu dramatique. Depuis, parce que 1) la dépression et 2) l’antidépresseur qui a tué toute ma créativité artistique, mon appareil photo est resté rangé dans son sac, de temps à autre remplacé par mon téléphone cette année.
Tout de même celle-ci est de 2022, et il s’agit d’ailleurs de ma première photo en tant qu’ancienne arachnophobe :

(mais identification difficile)
Je sais qu’il y a désormais bien meilleur que ce Nikon, mais je n’ai plus l’argent pour une telle dépense (ni même l’envie), je vais donc me contenter d’attendre qu’un jour, vraiment lointain je l’espère, il tombe dans une panne telle qu’il ne pourra plus être ressuscité. En attendant, je crois que cet article et cette plongée incroyable dans le temps m’ont redonné le goût de revenir à lui… Je l’aime énormément et je n’ai jamais eu de meilleur appareil. Avec lui, je suis en confiance.
Mais il a un inconvénient sur tous ces prédécesseurs : il est très lourd et avec lui, je peine beaucoup. LeChat m’a offert un trépied très solide, mais fort lourd lui aussi à manipuler, et je n’arrive pas vraiment à m’en servir (alors qu’il est censé m’aider à porter ce poids) ; cela me fige trop, moi qui crapahute n’importe où, au ras du sol ou sur des montagnes.
Alors, je ne sais pas.
Peut-être que je reviendrai à lui si nous partons quelque part.

En savoir plus sur Carnets
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
J’aime beaucoup ce parcours au fil de tes photos. Et tes redécouvertes. Tes photos sont très jolies et ont ce petit supplément d’âme qui les rend singulières. Je connais cette histoire d’amour avec les appareils photos. J’en ai moi même eu quelques uns et parfois j’ai des envies de retrouver le plaisir des pellicules d’avant…
J’ai aussi perdu pas mal de photos que j’ai dû laisser derrière moi et d’autres qui se sont évadées toutes seules. Mais il y a peut-être des périodes de la vie qu’il vaut mieux oublier.
Bon weekend à toi.
Merci 🙂
Ah c’est quelque chose, les pellicules..! J’ai eu une fois un (des) appareil(s) de ma mère, je me souviens comme c’était génial (ou décevant) de découvrir les clichés ensuite ^^
Oui sans doute faut-il mieux, parfois.
Bon we à toi aussi 🙂
Merci pour ce partage, c’est fort de constater à quel point les objets sont liés à notre histoire !
En suggestion de retrouvailles : il n’y a pas besoin d’aller très loin pour redécouvrir les sensations de voir le monde au travers de son viseur… Personnellement je crois toujours avoir écrémé la forêt derrière chez moi de fond en comble et pourtant j’y trouve toujours du nouveau à photographier. Peut-être peux-tu envisager un court rencard entre toi et ton appareil juste dans un bout d’herbe à côté de chez toi ?
Misère.. ton commentaire était parti en spam (mais pourquoi ?), je le vois seulement maintenant.
C’est amusant que tu dises ça, j’ai tenté sur notre terrain il y a deux jours (une grande mante religieuse verte, dans notre compost) mais les moustiques m’ont fait fuir avant que je réussisse. Une plaie. Je tenterai lors d’une promenade loin d’ici ^^’
Oh, le reflet dans la barque immergée mais préservée des algues vertes !
(Merci d’avoir prévenu pour l’araignée, j’ai pu scroller vite sans sursauter.)
N’est-ce pas..! Étonnant la nature parfois. C’était lors d’une visite d’un château de la Loire, mais j’ai oublié lequel.
(avec plaisir !)