Lundi j’ai une chance incroyable, en cherchant un rendez-vous avec ma généraliste auprès de laquelle il faut désormais attendre un mois, apparait pour le lendemain une place en début d’après-midi… je vais être prise en charge immédiatement.
Dans son cabinet, l’ambiance est feutrée. L’extérieur est avalé, il n’y a qu’elle, il n’y a que moi. Une bulle. Et sans doute il faut bien cela pour se confier, pour dire la peur, pour être entendue. Ou pour asséner les mauvaises nouvelles.
Elle m’a dit, c’est définitif. Et c’est cela précisément, par-dessus tout le reste, qui m’a atteint le plus. Ai-je donc atteint le maximum de mon existence active à 46 ans, désormais prisonnière de ce corps ? J’ai manqué m’effondrer dans son cabinet – la douleur n’y était pas pour rien non plus – mais je me suis retenue. Lorsqu’on se déchire de l’intérieur, on ne peut opposer que le silence.
Il y a la hernie discale – encore à ses débuts, la situation pourrait être pire – les deux vertèbres tassées sur la droite (ce qui explique la douleur dans le bras droit) et de l’arthrose entre chaque. Mon corps vieillit plus vite que moi. Ou alors c’est l’enfance, soufflée-écrasée, la même chaque fois enfoncée comme une aiguille, l’insaisissable qui jamais ne guérit pleinement.
Je ne sais plus.
Le SED a fragilisé les vertèbres, les fragilisera encore : je ne dois plus jamais rien porter. Cela sous-tend que je perds encore en autonomie. Je vais m’en accommoder, à terme. Je retrouverai la lumière le sourire la joie, le doux soleil, Mais là tout de suite, j’ai mal de ce que je perds une fois de plus. J’ai besoin de bouger, attraper, déplacer – des piles de livres, un meuble, la machine à laver qui fuit son espace de vie – sans attendre la disponibilité d’une personne tierce. Dans ma tête, il y a un petit côté hyperactif qui peut me rendre dingue lorsque je ne peux pas agir.
Je ne suis pas encore dans le deuil, je crois avoir un fond de colère-tornade qui ne demande qu’à surgir. Et savoir que je me suis définitivement abîmée sur l’appartement de ma mère – et bordel ce n’est pas anodin – m’exaspère encore plus.
Dans la voiture qui me ramenait, j’ai osé poser que je n’allais pas bien et que j’avais envie de pleurer – j’étais tellement au bord, c’est incroyable que ça n’ait pas coulé – et ma belle-mère m’a répondu « ça ne t’aidera pas, il faut avancer maintenant ». Aucune empathie. Et surtout une faute, pleurer est une bonne chose. Elle s’est autoproclamée thérapeute et reçoit des personnes chez elle dans ce cadre, parfois elle me fait peur.
Je n’ai pas pleuré.
Je me suis dit que chez moi je pourrais, mais il y a eu la pharmacie et puis je ne sais pas, je suis rentrée et plus rien n’était accessible. Mais l’effondrement n’est pas loin – et il sera salvateur.
Avec le SED, il y a la valse des effets secondaires, la faute à une sensibilité exacerbée.
Elle a changé le traitement, le premier ayant créé de graves douleurs supplémentaires dans le dos et un problème respiratoire. Celui-ci est à base d’opium et j’ai passé la nuit à avoir envie de vomir, je n’ai pas dormi avant 4h du matin. J’ai eu le temps de penser que je préférais souffrir que vomir. Ce qui détient une part de déni, l’épuisement dû à la douleur me rendant nauséeuse (mais ça passe allongée, contrairement à l’opiacé qui l’aggrave). Ça va être sympathique, la gestion de la douleur jusqu’à une infiltration qui n’a pas opté pour son efficacité ou sa nullité, et choisit à pile ou face le destin de ses patients. Je vais mourir dans le froid douloureux de la nuit. Ou y pleurer. Je n’ai pas encore décidé.
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Aujourd’hui c’est moi qui suis à court de mot alors ❤
ps: Pleurer est une bonne chose
Parfois l’émotion prend la place des mots : )
(ps : n’est-ce pas…)
Il y a le choc, les émotions qui débordent, la rage, la cogitation, le tournage en rond, il y a tout ça qui déborde et qui prend toute la place – et qui mérite d’avoir de la place.
De l’autre côté, il y a aussi des réponses qui arrivent, des pistes à explorer, des directions à suivre, et un nouvel équilibre à trouver. Ce qui demandera du travail, des essais, des efforts, de l’épuisement – c’est tout un combat à mener, une immense bataille.
La transition sera longue et dure mais à te lire, il me semble qu’il existe un après dans lequel tu peux te retrouver, j’en suis persuadée. Pas comme avant, pas comme si rien n’était – mais un après dans lequel tu as le droit d’exister et de t’épanouir. Je t’envoie toutes les bonnes ondes que je peux dans cette reconstruction. Plein de courage !
PS : Je ne sais pas pourquoi j’étais persuadée que ton blog n’avait pas d’espace commentaires… Contente de découvrir que je peux répondre à tes articles !
Merci de tes mots, je suis très touchée.
Un nouvel équilibre à trouver, c’est exactement cela. Pas évident, mon cerveau veut tout faire, être partout. Je peinais déjà à accepter les précédentes limites ^^’ Ce qui explique aussi pourquoi j’en suis là, sans doute. Mais il est très difficile d’expliquer aux gens que je ne peux pas faire telle chose ou porter un carton, alors que mon handicap n’est pas visible.
Je suppose que c’est une question de place, de posture, que je vais devoir travailler avant tout.
Oh, si il y a toujours eu : ) Mais je pense que le précédent thème noyait les commentaires, qu’ils manquaient de visibilité. Le problème de l’hébergement par wordpress, c’est que je n’ai pas la main sur grand-chose. C’est un peu frustrant.
Heureuse de te lire ici, en tout cas : )