J’ai recommencé à oublier de noter, je vis sans y penser. Je suppose. Un loriot s’est installé trois matins puis est reparti, laissant toute la place aux étourneaux sansonnets. Un autre matin que la fenêtre est ouverte, je me réveille aux sons d’une cacophonie impressionnante ; les étourneaux entourent la maison. Il est rare d’en entendre autant, maintenant. L’ensemble ressemble à une forêt dense, une forêt étrangère, amazonienne, j’ai l’impression d’avoir voyagé dans mon sommeil. Je savoure et distingue derrière d’autres chants d’oiseaux, tente sans succès de les séparer pour savoir qui est là quand soudain, le silence, immédiat, brutal, total, une rupture assez violente qui m’a remuée comme un lointain souvenir, ancestral. Nous ne savons plus la peur du prédateur.
L’enchantement a pris fin, plus personne n’a repris les chants et je me suis sentie seule, un peu. Ce même matin, l’écureuil était là, de retour.
28 août
Je retrouve Corail, qui dormait profondément moins d’une minute auparavant, le nez plongé sous le canapé, en alerte, le corps tendu par la chasse. Je vais chercher de quoi éclairer dessous mais je ne vois rien, sinon quelques saletés attendues. Dubitative, je prends note, elle abandonne son poste et je songe que les chats se font beaucoup de films, quand même…
La rentrée se profile, et je n’aime pas. Je ne sais pas pourquoi je résiste comme ça. Je le vois aux mails que je reçois, et qui me hérissent. Il y a la mort de la fondatrice de l’association nationale, qui relance en premier des échanges, quelques-unes la connaissaient. Pourquoi, je ne sais pas, S. m’envoie un mail (à moi seule) auquel je ne sais pas répondre et donc ne réponds pas, où elle m’explique assez froidement que si elle n’était pas en vacances elle serait allée aux obsèques, trois phrases et des bises. Je suis autant démunie que perplexe. Les mails suivants requièrent ma signature, je vais devoir me déplacer au local. Lorsque je demande qui peut me remplacer le 10, je n’ai pas la moindre réponse, pas même négative. Je crois que toutes, nous sommes fatiguées, on ne tiendra pas comme ça sur le long terme.
Ma belle-mère, avec qui je pars marcher 45 minutes, à cette phrase « au pire tu abandonnes la fripe et elle ferme, ce n’est pas grave ». Elle a raison, mais je ne suis pas prête – un comble, vu que c’est elle qui l’avait lancée il y a 20 ans. Ma seule action un tant soit peu écolo à une échelle plus large que mon microcosme personnel, je ne peux pas l’arrêter.
Je cuisine un gâteau aux myrtilles pour faire quelque chose des myrtilles achetées pour Kira, qui a détesté ces fruits (c’est bien ma fille). Le problème est que je déteste les gâteaux aux fruits, je suis un peu tendue par l’exercice et je cherche sur internet une recette qui tienne la route. Je tombe sur celle-ci et je tente.
Je suis bluffée : meilleur gâteau de myrtilles au monde. J’ai juste eu besoin de 45 minutes de cuisson au lieu des 35 annoncées, pour le reste je n’ai rien touché. Habituellement je diminue le sucre par principe, mais les myrtilles sont tellement fades j’ai préféré laisser tel quel, à raison.
Gâteau que n’aime pas Chouette, mais elle n’aime pas beaucoup les pâtisseries, ce n’est pas donc pas avec elle qu’il faut tester ces choses. Les deux autres personnes de la maison ont adoré, LeChat l’a trouvé « généreux » (plus tard Kira ne sait plus si elle a aimé, elle et la nourriture, que c’est donc compliqué).

29 août
Dans la nuit – je me suis endormie, le corps a versé de l’autre côté et l’esprit s’est accroché à un vague rêve, tu sais, lorsqu’il plonge et lâche sa journée – Kira nous réveille avec une histoire de bestiole, elle dit « je crois que Corail en a échappé une grosse » et de fait. Un rat dodu passe sous mes yeux et presque à portée de main. Inquiet, mais pas tant. Il passe de meubles en meubles, passe et repasse sans succès pour nous, échoue sur le bureau, passe sur le bateau de pirates Playmobil – il est ainsi le premier rat pirate depuis longtemps – tente un passage entre les lattes du lit et termine sa course dans la poubelle-piège posée par LeChat avec une couverture au sol pour le guider. Nous pouvons retourner dormir et lui retrouver le grand air, sans chat dans les pattes.
C’est là que LeChat nous explique que la veille, le matin, il a vu le bol d’eau (qui est en équlibre) vaciller puis la poubelle de tri sous l’évier bouger et Corail un peu folle devant. Il a bougé l’ensemble mais rien. Vingt-quatre heures de vie avec un rat qui a mangé ses croquettes, bu dans son eau, s’est caché sous les meubles, et il s’en est sorti sain et sauf sous les moustaches d’un chat qui a passé beaucoup de temps à dormir, personnellement, je trouve. Un warrior.
Derrière le canapé qu’il a sans doute grignoté à la suite de la précédente souris, deux petites crottes en souvenir.

30 aout
L’échange de mail se poursuit avec un appel, je vais travailler le 3 pour trier la tonne de linge apporter durant l’été (j’espérais vraiment reprendre le 10). Nous devrions être au moins trois présentes. Hirondelle n’a répondu à aucun de mes messages, ce qui me rend perplexe chaque fois. Lorsqu’elle vient travailler elle me raconte toute sa vie et m’explique que je lui ai manqué, mais dès qu’on ne travaille pas ensemble elle m’ignore. Je ne saisis pas les relations, je crois. Toujours pas.
À la médiathèque, V. me dit que la chaleur qui nous est tombée dessus après les orages du 15 août, une vague où les nuits étaient si chaudes que nous avons étouffé respiration après respiration, provenait des incendies en Espagne.
Je commande enfin ce livre où il semble, je suis dans les remerciements. Une autrice adorable dont j’avais aimé le premier livre, qui s’édite à compte d’auteur – attendre un mois.
On achète également un autoradio, histoire de ne pas passer nos vacances en Espagne à s’arracher les cheveux musicalement. Le problème de la clé USB remplie de titres, c’est qu’on ne maitrise pas ce qu’on écoute. Le nouveau poste trouve mon téléphone, je suis sauvée.
L’ordinateur de Kira est récupéré : ils ont été formidables et pas. Ce qui aurait dû relever de notre responsabilité (à savoir, un clavier tué par une ado stressée qui a déclenché à son tour la mort du ventilateur) a été pris en charge par le SAV, je suis agréablement surprise : il ne fait plus l’hélicoptère, ne meurt plus d’un coup, et elle a de nouveau un clavier qui fonctionne ainsi que toutes les touches en place. Ce qui aurait dû relever de leur responsabilité par contre, ils ont fait comme si ça n’existait pas. Et je m’en suis aperçue par hasard.
Lorsqu’ils ont pris l’ordinateur, ils ont expliqué qu’il serait formaté avant tout travail effectué dessus. Soit. On l’a donc récupéré en le pensant nettoyé, retour d’usine. Sauf que non, et ça m’a ennuyée : il restait 77 Go de libre sur 500, on ne tourne pas correctement avec ça. J’ai proposé à Kira de le faire, afin de repartir à neuf puisque tout avait déjà été sauvegardé avant le dépôt au SAV. Et là, impossible. Je me suis retrouvée comme eux, avec un PC incapable de se réinstaller lui-même. Ils ont des solutions que je n’ai pas : je ne suis pas informaticienne. Donc, je leur en veux. Si on leur renvoie, c’est encore 5 semaines sans pc pour Kira, et c’est rude. J’ai tenté beaucoup d’options, j’ai contourné tout le système, j’y ai passé quatre heures et c’est un laps de temps suffisant pour ressentir ses limites : j’ai atteint les miennes.
En attendant, moi, puis LeChat, on a nettoyé profondément le pc et récupéré plus de 200 Go (merci RegCleaner, entre autres, c’est fou ce ce qu’on peut trouver comme merdouilles encore installées alors que désinstallées de fait, rien qu’une de ces anciennes choses s’accrochait avec 80 Go). Mais il ne peut toujours pas être remis en état d’usine, et ça, c’est un problème. Ce qui m’agace le cerveau, j’ai besoin de résoudre ce truc.
Le soir, je cuisine une sauce tomate sucrée-épicée et je fais une pizza absolument délicieuse. J’y disperse un essai de faux fromage râpé (sans lait donc), qui n’ajoute absolument rien sinon que c’est un produit transformé assez cher : c’est joli mais il ne fond pas. Je ne rachèterai pas.

À 19h, j’arrive enfin à joindre ma grand-mère (je tente depuis 11h). Qui me dit plus ou moins « bonjour et bonne nuit », tant elle est pressée de se coucher maintenant qu’elle a mangé et qu’elle est couchée. Dois-je répéter l’heure ?
Elle a pourtant une bonne voix, celle des bons jours où elle est complètement présente : elle ne sait plus raccrocher et panique, elle ne sait plus comment on fait, sur quoi on le pose, elle s’énerve, j’accompagne comme je peux et soudain elle raccroche net alors que je parle. Silence.
Je suppose qu’elle a trouvé le socle.
31 aout
Journée brouillonne où on empile les actions les unes sur les autres, dans le même laps de temps.
Le matin je téléphone à Blanche pendant que je trie un tas de pixels depuis mon disque dur externe en pagaille, lance une machine, l’étend, plie et range mon linge de la veille, range vaguement mon bureau, range la cuisine. J’ai oublié de dessiner.
L’après-midi, on réfléchit sur comment ne pas tourner le lit tout en pouvant respirer du bon côté du corps (la faute à l’accident, donc) et sans être proche de la porte (impossible pour moi de dormir du côté où potentiellement quelqu’un peut entrer), pour finalement se décider sur cette option mais en bloquant la porte de l’intérieur – on fait ce qu’on peut avec ses traumas. Il troue la porte de notre chambre pour créer une chatière pendant que j’écoute très fort la musique sur le casque pour ne pas subir le bruit insupportable de la scie pendant que Chouette tient la porte par intermittence et en même temps démonte l’ordinateur de ses grands-parents pendant que je réponds au téléphone, écrit des mails, reçois plusieurs fois mes beaux-parents, pendant que je fais des crêpes pour le goûter pendant que (et ceci n’est pas une image, je le fais vraiment avec une crêpe dans la poêle) je sauvegarde mon blog avec ChatGPT (sous l’impulsion de Kalys qui a raison, il est capable de m’en faire un fichier .odt correct). Plus qu’à vérifier (mais pas aujourd’hui) s’il est aussi capable de m’en créer un depuis un zip de HTTrack, tout ça dans une optique d’en faire une version papier. Je pallie comme je peux à mon incapacité chronique d’écrire sur un véritable carnet. Internet, les pc, les serveurs, tout ça ne sont que du vent prêt à tomber sur nos cendres.
Ma deuxième (et future troisième) utilisation de cette IA, qui devrait être la dernière (j’espère). Si je suis affreusement consternée, pour ne pas dire angoissée, par sa consommation effrayante pour la planète, je dois lui reconnaitre ceci : il sait faire certaines choses qui me sont inaccessibles autrement.
– à partir d’aujourd’hui, je copie en double sur Libre Office, comme ça je n’aurais plus besoin de lui demander de travailler à l’avenir.
J’ai le cerveau en ébullition. Je ne sais pas comment on calme des pensées qui vont dans tous les sens, qui ont besoin de s’occuper de mille manières, je ne sais pas être apaisée à l’intérieur lorsque ça se déclenche, comme ça. Je suis fatiguée. J’écoute de la musique, ça aide… j’imagine qu’il faudrait un diagnostic officiel de TDA, mais entre le SED et lui finalement, comment faire la différence et savoir lequel déclenche quoi et est le plus pénible à vivre ?
Côté série, arrêt de la saison 1 de Dark Angel qui a débuté sans une goutte de sang et s’enfonce dans le gore et la stupidité depuis quelques épisodes (à force de regarder en accéléré, l’intérêt n’est plus). Comme je veux montrer à Kira la communauté « invisible » qui vit et se cache dans la ville, on va passer directement à la saison 2 – elle va lui plaire.
Résolution de rentrée : recréer un espace créatif (une routine, sinon ça sera voué à l’échec).

La pluie est revenue, suivie de ces ombres automnales encore indécises – fraîcheur soudainement lourde au moindre rayon de soleil. L’été s’est achevé, les températures se sont envolées, la terre tremble au loin, des enfants dorment dehors deux fois par milliers juste à nos portes, l’argent s’écoule toujours vers les mêmes personnes, les humains dirigeants ne font toujours rien contre la pauvreté les guerres le climat qui se dérègle mais oui, la rentrée est là, l’été s’est achevé et nous sommes toujours là, avec en toile de fond, une colère qui sourde.
Je suis pour un rapprochement vers la nature.
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Je suis heureuse parce que j’ai retrouvé le lien vers ton lieu d’écriture…
Je ne saisis pas non plus les relations ou les gens ou les émotions/comportements des gens. C’est brouillon parfois, il faudrait presque une carte pour s’y retrouver.
Ravie de te retrouver ^^ (je m’étais demandée ce qu’il se passait pour toi…)
Mais oui, moi aussi je veux une carte ‘_’