Lundi 23
Je mets un mot sur ce qu’il m’arrive lorsque je joue à Palia : cinétose. J’ai le mal de voiture en plein jeu, ou alors ce sont les virages qui bougent trop vite, va savoir. Mal à la tête, engourdissement du cerveau, nausée même allongée et surtout, images qui continuent de bouger devant les yeux durant des heures après avoir éteint l’écran (et même la nuit). Je me désoriente alors même que j’oriente l’écran, c’est de l’absurdité pure, le jeu est trop réaliste. Je crois que je bascule sombre.
J’ai adapté quelques points, depuis ça va beaucoup mieux.
Ceci dit, la cinétose (qui se déclenche dès les premières minutes de jeu) a mis le doigt sur ma fuite, je ne peux pas lui en vouloir d’exister. Je ne peux que m’incliner et faire face à la vague qui se profile.
Le pied droit ne se pose plus, douleur sous la plante – métatarsalgie. Béquilles. Je n’avance pas ? En effet.
Mardi 24
Pied toujours imposable. La douleur s’apaise finalement en fin de journée…. une fois l’article (de dimanche) posté – évidemment. La pression dans la poitrine a disparu et la vague s’est posée au sol – provisoire bienvenu. Il me faut parler parler parler. Ce qui revient à redire, sous un autre angle peut-être mais redire. Est-ce qu’il arrive que le besoin n’existe plus. Est-ce qu’on peut perdre sa mère et pas devoir tout redéfiler détricoter sous les yeux et les doigts.
Ce qu’il faut retenir : je vais mieux, là, en cet instant.
Une émotion me malmène et je ne sais pas exactement la nommer, je saisis sans saisir. Je prends le temps de respirer, même si en ce moment j’ai le souffle bloqué par l’allergie – un truc acheté où l’allergène n’était pas nommé, ne jamais rien acheter de tout prêt, point – et malgré ça je sens comme je vacille. J’appelle LeChat et je lui annonce avec un résultat un peu similaire, nous sommes deux à être proche de fondre en larmes. L’AAH est arrivée, avec un arriéré de cinq mois : année civile. Il va pouvoir ralentir au travail, stopper les semaines de 45 heures et plus, ou les journées de 10 à 12h, mettre fin au burn out. De mon côté, je ne suis plus un boulet. J’ai beau tenter d’accepter l’idée que je ne peux pas travailler, c’est difficile de ne pas contribuer au foyer (autrement qu’en élevant deux enfants autistes, et certains pourraient me répondre que c’est un job à part entière et auraient raison sauf que ça n’est pas reconnu et c’est comme si ça ne valait rien, il est temps de déconstruire oui je sais, en vrai j’ai déconstruit beaucoup mais). Il n’empêche. On m’a appris qu’il faut produire pour la société, et même si j’ai désappris la chose et visé d’avoir de la valeur sans cette production, dans la balance il y a LeChat qui n’en peut plus et que je ne peux pas aider en prenant des heures de travail ; je suis soulagée.
– chantier numéro 40012 bis (le 40012 a déjà progressé).
L’idée est donc de ne rien changer à notre train de vie, mais d’améliorer la qualité de ce quotidien : LeChat va réduire ses heures, soit au sein de son entreprise soit ailleurs.
De mon côté, je yeute les hébergeurs – je me permets.
J’accepte un rendez-vous pour mercredi 3 juillet avec Luu, une référente inconnue de Maa. Une heure après je reçois par mail un message, il n’y aura personne pour assurer la vente du 6, donc il n’y a pas besoin de la permanence de tri du 3. Incapable de prendre le téléphone pour décommander (elle m’a de toute façon spécifié qu’elle ne pouvait venir que ce jour-là), j’abandonne et accepte l’inutile.
Mercredi 25
J’arrive à la friperie où j’ai la surprise de découvrir que Vaa la référente habituelle de Maa est là, elle voulait me préciser qu’elle viendrait la chercher à 11h à cause de la canicule. J’ose lui demander s’il est possible de faire le rapport de stage aujourd’hui puisqu’elle est là, je lui explique le problème et surtout la chaleur du local, j’ai conscience de fuir des conditions difficiles. Et elle peut. Maa souhaite venir une troisième année avec nous, ce dont je suis heureuse, de mon côté j’explique comme elle a su prendre de l’indépendance dans le travail (ce que personne ne visait).
Je m’excuse deux fois auprès de Luu qui voulait venir elle-même – elle porte le prénom de ma meilleure amie au lycée, engagée depuis dans l’armée. Mais ils deviennent quoi les gens qu’on a connus – sensation qu’ils sont mis en pause jusqu’à ce qu’on les croise et que soudain tout s’accélère pour eux, prend de la consistance.
Gros gros doute sur la capacité du frigo à conserver les aliments au frais. On jette une sauce de deux jours qui a développé des couleurs épaisses, magnifiques bien que déroutantes. Le orange de la sauce et le vert-bleu de la moisissure moussue est une splendeur.
LeChat appelle le cabinet d’infirmiers et tombe sur E., la femme au parfum raciste (je maintiens la phrase), celle qui insistait lourdement sur le fait que cette piqure, c’était sa première fois. Il n’a pas le temps, la place de lui dire que nous ne voulons pas d’elle à l’avenir. Elle voit exactement qui nous sommes, elle dit que M. (nouvelle et dernière personne pour nous) viendra demain, elle dit « il » en parlant de l’enfant et puis se reprend toute seule, corrige en disant « elle ». Elle a corrigé, seule, le pronom. Les gens sont souvent là où on ne les attend pas.
Du coup j’ai changé d’avis, on garde le cabinet et chacune de ses personnes, je suis prête à faire bouger les lignes. Mon militantisme à moi, très personnel – on peut toujours se faufiler entre la bêtise et le racisme.
J’entends des mots qui me parviennent depuis le texte posé de dimanche – il y a toujours des chemins possibles aux réponses même lorsqu’on ferme d’un côté – des qui m’ont fait pleurer, réfléchir, créer des liens (entre des faits, et avec la personne), bousculer et même, comprendre certaines choses. Notamment, et celle-ci est la moins personnelle, que fermer les commentaires c’est empêcher une discussion qui va potentiellement te (me) faire avancer. L’un dans l’autre j’ai fait ce que j’ai pu, je n’aurais pas réussi à le poster sinon.
Édit du 30 : cela vous empêche aussi de décharger l’émotion générée, j’ai entendu.. Je ferai dans tous les cas au mieux.. et sans doute pareil <– Kalys m’a bien fait comprendre que bon, elle aussi ^^ (je ne vais carrément pas me plaindre que vous soyez derrière moi : merci <3 )
Jeudi 26
C’est une journée où courir est une quasi obligation, ceci afin de rattraper le retard pris. Je termine de poser des livres sur la liseuse (mais j’ai perdu ma liste, c’est le problème d’être à plusieurs sur mon bureau), je cuisine les crêpes, je coupe et couds les lingettes pour Blanche, j’aide pour la valise de la grande, le frigo me confirme qu’il arrête là et je jette le jus de pois chiche qui n’a pas 24h, j’étends une machine, je…
Je ne suis pas bien, vraiment pas bien. Et puis ça passe. Je bois tellement d’eau, je vais me noyer.
Vendredi 27
Je jette le frigo avec les aliments, au moins au sens figuré pour l’un, je termine les bagages de Kira qui n’y arrive plus, je cuis les crêpes de son goûter dans le train, je change trois fois de contenant parce que ça ne rentre pas dans son sac (et parce que dans le premier les crêpes trop comprimées l’écœurait dans le visuel), j’ai de l’énergie à revendre ça en est étrange (et peut-être que je compense la tension de la grande), je réponds à trois appels et je raccroche au nez du quatrième, j’étends une machine sous une nappe de plomb, j’arrose une plante oubliée desséchée, je plie du linge très en retard, je récupère des haricots du jardin de mes beaux-parents, et je chante sur Premier tout en portant Kira ou l’angoisse de Kira – le départ.
Est-ce que c’est une surprise ? Le train est annulé, supprimé, dévasté, il est atomisé et je ne sais pas comment on traverse un département sans véhicule. Deuxième fois en un mois (que je vois), sur la même (petite) ligne, je n’en tire aucune conclusion hâtive mais je note. Et je m’assois très vite sous le coup d’un vertige et d’une nausée désagréable, je peine soudainement avec violence à répondre. Je bois de l’eau comme on se jette dans une rivière et j’attends de voir, ce n’est carrément pas le moment de flancher est-ce que tu le sais.
Mon beau-père nous dépanne et nous emmène en voiture à la gare de correspondance à 45 minutes de là ; la clim y est une bénédiction que je ne connais que rarement, c’est incroyable comme ça apaise en pleine fournaise. Kira ne parle plus beaucoup, repliée sur le voyage à venir, la conversation me revient pleinement. J’aime beaucoup discuter avec lui, c’est un homme passionnant, il déroule des idées à la minute et parfois j’en tire quelques-unes pour chez nous. Cette fois je repars avec quelques notes mentales, comme l’achat d’un thermomètre extérieur/intérieur pour gérer avec précision l’ouverture des fenêtres (je croyais que cela coutait très cher, mais pas du tout) et la construction d’un placard-terrasse que je ressers ensuite à LeChat, agrémenté d’une pensée soudaine : il nous faut installer l’été, je veux dire poser les objets qui chauffent dehors, comme la machine à laver. Et dans la maison, la température monterait moins. La question à dix sous, c’est où trouver la place sur 200m² de terrain même pas plat.
Samedi 28
Sur le parking du village, je trouve au sol un magnifique papillon. Une voiture a dû le percuter, il a une aile qui ne se soulève plus. Je l’observe délicatement et j’en déduis que l’aile est passée par-dessous l’autre. Le système des ailes semble dire que celle du dessous soulève celle du haut, hors celle-ci est donc passée en dessous. Je la remets doucement en place, j’ai l’impression de manipuler une épaule déboitée. Le système devrait de nouveau fonctionner, mais le papillon ne bouge plus vraiment. Je le pense sonné et terrifié. Je le pose à l’abri, croisant les doigts très très fort.
Lorsque je repasse des heures plus tard, il n’est plus là.. peut-être s’en est-il sorti ?

Nous recevons le nouveau frigo et je dis adieu à celui qui nous accompagne depuis 2006, appareil que nous tirons depuis trois ans avec un minuteur : il congèle nos aliments, les parois, tout, il pourrait produire de la banquise à lui seul. Grâce au minuteur, il n’était pas branché en permanence, ce qui lui a permis de redevenir un réfrigérateur pendant quelques années. Le joint a sans doute cédé, mais le remplacer alors qu’il peine déjà à seulement faire frigo, on abandonne.
Le nouveau est plus grand, ce qui est un soulagement là aussi. Mais c’est là qu’on réalise : nous étions arrivés au point où soit il congelait soit il n’était plus efficace, c’était terminé pour lui, joint ou pas. Le nouveau est FROID. On n’a plus l’habitude. On a frôlé l’intoxication, je crois. Le nombre de fois où j’ai refusé de manger un aliment parce que je sentais (ou Kira) qu’il avait tourné, et que LeChat a dit « mais non il est très bien » et l’a mangé, trouvant que j’exagérais… hum.
Nous achetons le thermomètre intérieur extérieur, avec toute la difficulté de le trouver sans météo intégrée (plus c’est sophistiqué, plus ça tombe en panne rapidement). Et dès ce premier soir, on voit la différence entre avoir un chiffre précis ou se fier au ressenti.
Dimanche 29 – 40°

Premier matin sans vertige ni nausée, le coup de chaud semble passé…
Au téléphone, Blanche me fait réaliser que cet argent me sécurise enfin, maintenant s’il arrivait quelque chose à LeChat je ne serais plus en difficulté financière. Je préviens dans la foulée LeChat : pas la peine qu’il lui arrive quelque chose, merci.
Il est 20h et il fait 36°, je me baigne à la rivière fraîche tiède, je me glisse dessous sans bien savoir si j’ai juste, si je ne devrais pas, au contraire, hurler jusqu’à détruire les parois ; je tente d’abandonner la chape de plomb aux petits poissons qui m’entoure (ils sont des centaines, minuscules). Je suis l’eau, dans le regard et les gestes, je me déleste des tensions, je savoure la désinvolture de l’instant, je ne bouge plus lorsqu’un héron blanc se pose non loin. Nous parlons encore de cet argent qui nous arrive et de notre vie qui va changer sur ses bases. Je ne sais pas si je vais bien gérer la plus grande présence de LeChat, alors que j’ai pris des habitudes de solitude avec le casque et la musique – lorsqu’il est là, il parle. Les questions futiles, et pourtant pas…
Lundi 30
La chaleur, tu sais. Je fonds doucement. Pourtant aujourd’hui il fait moins chaud de deux degrés, grâce aux nuages qui ne crèvent pas, ne crèveront jamais ; l’eau est retenue au-dessus de nos têtes et rien.
Ecoute de juin : playlist du mois, et playlist française à partir de Est-ce que tu vas bien ?
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Je ne sais vraiment pas comment vous survivez dans le sud… C’était déjà si compliqué, pour les élèves comme pour moi, de passer l’oral de bac par nos températures à nous (dans les 34)… Aujourd’hui il fait gris et doux, je vous souhaite ce répis.
Cinétose : je ne connaissais pas le terme mais j’y suis sujette aussi ! Ce n’est curieusement pas automatique, certains jours oui d’autres non. Je règle toujours la sensibilité de ma souris au minimum ou presque pour contrer un peu l’effet, mais reste que je ne peux pas jouer en vue à la première personne (ni regarder de films en found footage) !
Je ne sais pas non plus (avant-hier on avait 42°). Ce soir, l’orage a soulagé temporairement, il fait meilleur (mais humide, c’est lourd). Je n’ose pas imaginer ici, les écoles..
C’est le jeu qui en parlait, j’ai cherché la définition et j’ai fait le lien comme ça.
Ah ah genre Le projet Blairwitch, film où j’ai failli vomir dans la salle et où j’ai dû garder les yeux fermés (et où mon mec de l’époque s’est foutu de moi) ? Misère.. je n’avais pas fait le lien, mais en effet !
Du coup tu règles la souris pour le jeu, puis pour être de nouveau sur le pc ?
Genre Le projet Blairwitch, exactement 😀 À l’époque j’ignorais que je souffrais de ça et j’ai passé une soirée toute pourrie avec une copine qui ne comprenait pas ce qui m’arrivait !
En fait, dans tous les jeux, à ma connaissance, quand tu vas dans les options/réglages, y’a un endroit où tu peux régler la sensibilité de la souris. Ça n’impacte pas sa sensibilité hors du jeu, c’est propre à son environnement !
Cette chaleur c’est hors norme – revenir à des températures plus douces est si apaisant. Décidemment, passé 25 degrés, je ne suis plus d’ici.
Quand on peut écrire, il faut écrire, après pour les commentaires, oui c’est vrai que parfois ils nous font avancer. Mais parfois ce n’est pas le moment, nous n’avons pas la place pour d’autres maux. Je crois qu’il faut pouvoir / savoir s’écouter surtout…
C’est rude oui :/ Par contre depuis que la température est montée à 42°, lorsque c’est redescendu vers les 30/32°, j’étais bien, comme s’il faisait juste « bon ». Bizarre le corps parfois..
C’est ça, tellement.. savoir s’écouter, prendre soin de nous. Nous faisons ce que nous pouvons.