Lundi 21
Le week-end à manger du chocolat m’a apporté la réponse que j’attendais depuis un an que je vois ma respiration se dégrader et les otites s’enchainer. L’allergie n’est pas classique bien que respiratoire mais je ne gère (de nouveau) plus le lait. Le lactose attaque ma sphère ORL ; ce matin je me lève avec une nouvelle otite d’ailleurs et c’est ce qui me fait admettre que (je ne voulais vraiment pas).
Je vais de nouveau bannir le lait particulièrement si caché, abandonner le chocolat, les glaces, le fromage sur la pizza et bien d’autres joyeusetés tel le cheesecake. Pour l’instant je conserve les « traces de lait éventuelles » et je croise fort les doigts pour que ça suffise (je me souviens de l’enfer que c’est de traquer les moindres traces).
Je sais que c’est étrange un peu, idiot sans doute, ridicule c’est possible, mais je préfère travailler avec mon allergie que refaire une séance d’hypnose avec ma belle-mère (qui m’a guéri durant deux ans, mais était-ce vraiment le cas ? Était-ce mauvais pour moi de masquer la réaction allergique ?). Je ne peux pas, c’est physiquement impensable de me remettre entre ses mains. Aussi merveilleuse qu’elle soit par ailleurs, elle a cette certitude de tout savoir mieux que les autres qui me hérisse. Je n’aime pas lui laisser le moindre espace de pouvoir sur moi, en général je le paye ensuite et assez cher – elle serait blessée de l’apprendre, mais elle peut être horrible.
Donc pour l’instant, je vais seulement jongler avec cette limite alimentaire qui revient en force.
Nous marchons et parlons et marchons et parlons deux heures, le chemin n’en finit pas d’être. Nous ne savons pas où il va, plus loin que moi c’est certain.
Lorsque je rentre et m’assois, je suis épuisée. Je me relève et mes jambes ne suivent pas, je suis rouillée aux articulations. J’ai forcé et c’est douloureux, mais ça fait tellement de bien, aussi.
J’observe, de plus en plus je regarde le jardin l’homme qui partage ma vie mes enfants le chat de la maison les oiseaux les arbres les bourrasques les insectes les nuages le soleil les herbes, sensation que dessous il y a un secret à découvrir. Je lis et je lève les yeux vers, je danse depuis celle que je suis jusqu’au secret qui est, en perçois des contours encore flous. Une vérité qui attend.
Quelque chose de l’ordre du bonheur d’être – là.
Le soir, Kira change son prénom.
Mardi 22
Journée en amoureux, c’est d’une douceur.
– dans la portière, un reflet.

Mercredi 23 – L’eau sur les pieds

Promenade autour d’un lac aux contours flous… (article en cours).
Le soir j’ouvre la boîte aux lettres et la MDPH m’a écrit, j’en suis surprise alors que c’est attendu (si j’y avais réfléchi disons). C’est étonnant comme je ne me fais pas à ce qui est pourtant la normalité. Mais finalement la plus grande surprise, c’est le contenu. Contrairement à ce que dit leur site mal construit, j’ai obtenu la carte priorité pour m’asseoir et couper les files d’attente. Je ne m’en servirai pas facilement, sincèrement ; celle qui va s’en servir est Blanche, elle va avoir la joie de demander aux gens de me laisser leur place, carte à l’appui pour les récalcitrants qui ne veulent rien savoir – il y en a. Si je résume, les autres vont pouvoir le demander à ma place – je me fatigue. Mais même si je n’ai pas intégré pour l’instant l’impact psychologique qui va avec cette carte, tout ce que ça implique de mouvements compliqués pour moi, je suis officiellement reconnue comme étant en difficulté. Et ça me soulage. Je ne sais pas bien expliquer l’importance d’être reconnue avec un handicap, tout en refusant de le dire, de le montrer, de l’expliquer. Je suis une taiseuse, peut-être parce qu’on m’a beaucoup muselé – mère, famille, ex. Je suis devenue celle qui ne dit pas, et maintenant j’ai une carte pour ne pas me dire.
J’ai également l’explication du taux de handicap (merci à eux), placé sous le seuil des 80% : je suis tout simplement autonome dans mon quotidien – et je compte bien le rester.
Jeudi 24
Je ne respire plus de nouveau… le test de manger de la pizza qui a cuit avec celle au fromage est un fiasco. Je m’en doutais, je sais comme la particule est volatile et puis je me souviens bien, mais j’aurais tant aimé que ce soit possible. Et je préfère me passer de pizza que de cuire ma part en deux fois, c’est une question d’économie d’énergie pour nous comme pour la planète.
À ce rythme, je vais avoir une alimentation exemplaire… et de l’ostéoporose avant l’âge. Heureusement qu’il y a du calcium dans beaucoup de légumes…
L’écureuil apprend notre présence, il se tranquillise, ne s’enfuit plus dès qu’il nous voit. Il nous jette des regards et mange son amande comme si de rien n’était ; c’est un peu magique, cette présence. Parfois nous sommes yeux dans les yeux lui et moi, à d’autres moments il se concentre sur la dureté de la noix.
Le vent balance les branches avec l’animal et tout le monde s’en moque, de l’arbre comme de l’écureuil, rien que de très banal, mais pour moi il est compliqué de le photographier entre le feuillage et les bourrasques. Rien n’est stable, pas même la lumière : le soleil apparait, disparait, c’est un jeu entre l’Univers et moi et je ne gagne pas : je n’ai pas le temps de changer les réglages, je préfère saisir l’instant – j’en oublie de simplement tourner la molette sur Auto.
Sur les trois photos, je n’ai jamais bougé de place : le vent déplace à l’envie les branches et les feuilles.



L’après-midi nous partons marcher, il ne fait pas vraiment beau, pas davantage en tout cas que le matin. Sur le chemin, nous croisons une piscine retournée à l’état sauvage.
Peut-être que les nuages se secouent, frissonnent, se détournent ; le soleil progresse à chacun de nos pas et finalement illumine les paysages, pour notre plus grande joie.


Vendredi 25
Cela fait un moment que j’ai cette envie de réunir les petits mots laissés sur la table, des mots volants voués à disparaître. J’en ai jeté beaucoup et souvent tristement, j’en ai collé certains dans mon carnet mais ils n’ont une place là que par défaut, ils se posent entre les miens de mots. Bancale association. Alors je choisis un carnet dans l’étagère, un carnet noir et étonnamment fleuri, me connaissant – je ne peux pas dire que je l’adore, mais je l’apprécie pour ce qu’il dégage et le fait de l’aimer justement, tel qu’il est, est étrange. Et j’y colle ce que j’ai sous la main, les papiers et dessins épars récoltés ces derniers temps.

Samedi 26
Je n’ai pas vraiment écrit, j’ai écarté un nombre de minutes incalculables. Je me suis repliée toute la semaine. Comme une envie de ne plus écrire le quotidien et arracher des douleurs, un peu, à la place. Elles ne se laissent pas agripper juste parce que je le dis, elles me narguent. Tout à l’heure j’y ai perdu le genou, j’ai failli tomber mais non, je me suis rattrapée et il n’y avait rien à dire, plus rien, j’étais stabilisée et personne n’avait rien vu. Droite, après avoir vaguement divagué.
À l’intérieur, le souffle. Entravé mais moins entravé mais mieux, mais. L’air passe. Il m’a fallu arrêter les traitements donnés pour respirer, ils avaient du lactose. J’ai arrêté d’envoyer du lait dans les poumons, étrangement le corps s’apaise. Le lait m’empêche de respirer, comment ne pas y projeter la mère ? Je sens le lien sans en faire le tour. C’est tout de même à sa mort que le problème est revenu et s’est de nouveau développé ou alors c’est une coïncidence incroyable – et je ne crois pas aux coïncidences.
Le médecin m’a dit « ah bon », la sphère ORL liée aux protéines de lait de vache ça ne lui parle pas – cela parle peu aux médecins généralement, qui nient l’existence du problème pourtant grandissant dans la population. J’ai bien tenté d’expliquer le déclenchement survenu à la mort de ma mère, elle m’a dit « je comprends, le choc » nous n’étions définitivement pas dans le même espace de compréhension. Je ne nie pas le choc, juste ce qu’elle y met derrière et que je n’y mets pas. Nous n’avons pas perdu la même mère. Mais j’ai appris à taire ce qui n’est pas entendable – j’ai appris à taire.
Je demande à la médiathécaire où je peux trouver les régimes alimentaires particuliers et elle me répond, « c’est fou mais cette semaine une autre personne cherchait des livres de recettes parce que comme vous, elle est allergique au lactose ». Je me suis sentie moins seule, il y a quelqu’un d’autre, une inconnue, avec la même alimentation froissée. C’est presque… rassurant, c’est comme exister une deuxième fois.
Partages :
. Art : Andy Goldsworthy (recommandé par Zofia)
Je découvre au passage son blog, et outre la beauté des photos, je vais pouvoir m’entrainer à lire en anglais les quelques phrases qu’il dépose – sans que cela m’effraye.



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Tes photos sont vraiment belles! J’aime cette nature…
Intolérance au lactose pour moi aussi – c’est se résoudre à ne pas manger certains aliments, c’est parfois une contrainte mais tellement agréable de ne plus souffrir qu’on apprécie!
Merci 😀
Je me suis trompée de vocabulaire pardon -_- Je suis allergique aux protéines de lait de vache, pas au lactose (ce ne sont pas les même symptômes). Je suis navrée de savoir que tu as l’intolérance au lactose, je compatis beaucoup !
Les photos de l’écureuil <3
La plaie pour l’allergie au lait de vache. Est-ce que les fromages comme le pecorino ou l’Ossau-Iraty, au lait de brebis, passent encore du coup ? Pour le chocolat et les glaces, il doit y avoir moyen de se s’en sortir : le noir ne comporte pas de lait et, même sur le site de Carrefour, on peut sélectionner les glaces avec option sans lactose (il n’y a pas que des sorbets, j’imagine que ce sont des laits végétaux ?). J’espère que le plaisir demeurera malgré la contrainte.
Pour le lait de brebis je ne sais pas. J’ai testé le fromage de chèvre pur, et ça ne s’est pas bien passé, du coup je ne suis pas très partante pour d’autres tests (les poumons mettent un mois à retrouver un souffle normal).
Pour le chocolat noir, je me méfie parce qu’ils viennent des mêmes usines que ceux au lait (les traces y sont plus « violentes », et la réaction possible plus risquée). Pour l’instant il ne me manque pas, donc j’attendrai pour des tests (d’autant que ma préférence allait au chocolat au lait…).
Par contre les glaces, tu m’intéresses ^^ Nous avons un tout nouveau (moyen) carrefour qui s’est installé cette année justement, j’irai faire un tour ! Et sinon je regarderai sur le net oui. Merci beaucoup <3