J’ai peiné, la tête sous l’eau par vagues. Sans être un tsunami, juste la vie en suspens, une capacité réduite à être. Il y a eu la sortie au musée, qui m’a tout pris malgré le fauteuil, le séjour chez ma belle-sœur où les enfants hurlent pour s’exprimer et où la télévision se disputait la place de la parole : une semaine pour me remettre. Et puis j’ai été là pour une autre personne que moi, et je ne suis même pas certaine de l’avoir été correctement. Alors les livres, ils ont un peu sauté hors de mes mains.
11 lectures.
Voici les plus marquantes :


L’élégance du hérisson, de Muriel Barbery.
Livre lu une quinzaine de fois (il s’agit certainement de la seizième). J’ai réalisé à la fin de ma lecture que je le lisais pour évacuer toutes les tensions contenues en moi, pour pleurer tout ce qui s’était coincé. Parce que oui, je pleure sur les livres et surtout, je pleure sur ce livre. Je tombe chaque fois en ravissement… et en larmes. Il me bouleverse, et c’est exactement ce que je lui demande.
Une lecture qui parle directement à notre intelligence et notre culture, c’est fascinant.
Le film n’est pas si mal, à ce propos, bien que sans l’exactitude du livre et très décalé de l’effet produit par le livre.
Eleftheria, de Murielle Szac.
J’ai entamé cette lecture avec difficulté, elle se morcèle entre des personnages que j’ai peiné à faire se rejoindre. Je ne me suis jamais identifiée, Rebecca m’a exaspérée, j’ai confondu mille fois Petros avec un autre, je me suis emmêlée et obstinée, lecture non adaptée à mon épuisement.
Et puis. Les émotions sont ailleurs. Elles arrivent vers la moitié du livre, j’ai soudain remis les personnages aux bons endroits (presque, Petros a un peu résisté, en conflit avec un résistant), je me suis impliquée dans ce que je lisais et surtout j’ai posé les histoires dans l’Histoire. J’ai eu un doute entre la moitié et un peu plus de pages, quelque chose m’a tiraillé, j’ai posé mon livre, j’ai fait une recherche et j’ai reçu un coup de massue : l’histoire était vraie. Pas entièrement, mais l’essentiel était vrai. Il y a encore des pans de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale que j’ignore, la Grèce en fait partie… J’ai alors compris la mise à distance dans l’écriture, l’impossible narration impliquée.
Lecture terrible, indispensable.


Border la bête, de Lune Vuillemin.
J’en ai parlé, déjà. Je ne pouvais pas faire autrement qu’en parler. Une poésie sublime, absolument renversante. Un jour je serai grande et j’écrirai ainsi, l’âme et la nature à nu.
Avec sur la fin quelque chose qui fait fausse route, que je ne pardonne pas, on n’écrase pas des coccinelles (et ça ne cadre pas, tellement pas). Vous pardonnerez de l’avoir dit, c’est une phrase anecdotique (mais elle m’a fait hurler).
Laver les ombres, de Jeanne Benameur.
Depuis ma lecture de Pas assez pour faire une femme, je traque tout ce qu’elle écrit (mais j’oublie de me tenir à jour, j’ai donc trouvé cette lecture chez LaSouris). J’aime la manière d’écrire de Jeanne Benameur, elle dit mais en y touchant à peine, elle effleure, il y a chez cette autrice une économie de mots qui m’impressionne tant elle va droit au cœur, dans l’intimité.
Ici elle aborde la transmission familiale, la solitude, les fêlures, le rapport au corps.
Ce livre aurait pu être sublime, je suis restée en dehors. Que Léa brave la tempête au risque de se mettre en péril m’a mise en colère. Chez moi les tempêtes tuent, il y a encore deux ou trois semaines une famille est morte à quelques kms en pensant braver les éléments sur un pont submersible (et déjà submergé), chaque année des personnes se pensent plus fortes que la nature : quand est-ce qu’on apprend ? Pas dans ce livre, il semble. Et c’est dangereux, de laisser croire.
Et puis je ne sais pas, je ne suis pas entrée dans les corps mère-fille, ni homme-femme. Pourtant il y avait cette beauté des mots, de la danse, de la peinture, un côté percutant comme j’aime. Il est possible que ce soit moi, que la mère tourne dans le vide et la non-sincérité, que tout ne soit qu’un son de cloche qui sonne faux parce que je ne sais pas laisser la place. C’est possible.


Pico Bogue, tome 14 : Un calme fou, de Dominique Roques.
Si j’ai adoré les premières BD (hormis le tome 1, lui je ne l’ai pas apprécié plus que ça), un essoufflement m’est apparu sur le tome 13, confirmé ici. J’ai souri plus que je n’ai ri, et je n’ai pas souri aussi souvent que par le passé. J’aime beaucoup le dessin, les rires de la famille, les parents un peu blasés, mais l’humour était moins présent (ou n’était pas le mien).
J’ai tout de même passé un bon moment, il est agréable de retrouver tous ces personnages.
La beauté de vivre deux fois, de Sharon Stone.
Je connais très peu l’actrice et je l’ai toujours trouvée très distante : je n’étais pas une passionnée lorsque je suis tombée dessus à la médiathèque. J’ai ouvert le livre pour la beauté de la photo en couverture (je ne résiste pas aux regards) et entamé les premières lignes que j’ai trouvé tellement bien écrites, je ne pouvais pas ne pas lire la suite. Finalement, il s’agissait des meilleures phrases. Mais je n’ai pas regretté ma lecture ; il y avait ce côté touchant d’une femme qui a failli mourir et s’est remise d’une hémorragie cérébrale, renversant toute sa vie et ce qu’elle croyait savoir ou devoir faire. L’ouvrage est bancal, parfois dans le passé, parfois dans le présent, ou encore dans plusieurs passés différents. J’ai eu la sensation de suivre les chemins de l’hémorragie, des dégâts qu’elle a causés, d’une pensée explosée et en même temps posée, c’était… étonnant. Il faut le lire en comprenant cela je pense, que ce livre a été écrit avec un cerveau différent désormais, qu’il saute d’un cheminement de pensée à un autre, qu’il n’y a plus de linéaire possible. En cela, je l’ai trouvé beau.
Pour le contenu, n’étant pas une fan des stars, je l’ai lu avec un peu de distance, parfois grandement intéressée, le plus souvent avec un peu d’ennui. Je n’ai pas pour habitude de lire des biographies, mais c’est par contre bien plus intéressant d’avoir entre les mains une autobiographie. Je l’ai pris ainsi, un témoignage de survivante, et un témoignage d’une certaine époque dans le cinéma.


Porcelaine sous les ruines, de Ava Vivalda.
Une fée ayant accordé trop de vœux aux humains, se retrouve bannie sur terre, le tout sur un fond de monde post-dérèglement climatique et pour beaucoup sous l’eau… Ce point de départ m’était merveilleux (pour le sujet, 5 étoiles). Je ne m’attendais pas à ce que ça tourne en romance avec un homme au charme ravageur, mais l’explication derrière tenant la route (je l’ai vue venir très rapidement, c’est toujours décevant de comprendre trop vite), je n’ai rien à y redire. Savourez, il y a une histoire d’amour et je ne tape pas dessus (pourtant j’ai levé les yeux au ciel mille fois, j’ai grincé de quelques dents, c’était très souvent n’importe quoi. Je viens de taper dessus, là, non ?). L’écriture est très agréable, et même parfois très poétique. Je pense lire ces deux autres livres (écrits sous une autre plume, Chris Vuklisevic).
Par contre, la fin de l’histoire ne m’a pas convaincue par son extrême facilité, les digues me sont restées un peu en travers, les clichés ennemis to lovers ne nous sont pas épargnés (ah si finalement, j’ai vraiment quelque chose à en dire, je me disais aussi), et l’ensemble est très prévisible. Pour une lecture où on pose son cerveau, ce n’est juste pas si mal, et j’en ai besoin en ce moment.
Un mois encore une fois peu rempli, mais avec quelques réussites. Je ne sais pas comment je vais atteindre les 200 ouvrages que je me suis mis bêtement en défi pour l’année (pas merci Babélio pour l’idée saugrenue).
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Onze livres pour un « petit » mois oO
J’en ai lus deux, moi, en mars 😀
Je me suis habituée à un livre tous les jours ou les deux jours ^^’ Mais ça fait des mois que je n’ai plus de concentration, je n’y arrive plus.
Ceci dit, la lecture est sans doute une fuite.
Ceci dit, la lecture est sans doute une fuite.
Ma réponse [pas si toute faite – non parce que vraiment j’y ai réfléchi, pendant longtemps] : se ressourcer n’est pas fuir. Et d’ailleurs, fuir est un réflexe de survie. Donc si tu en as besoin, fais-le.
Mais mon ego a besoin d’une réponse : des livres de combien de pages ??
Quand je pense que chaque fois qu’un élève me demande combien de pages compte le livre que je leur impose, ça m’énerve, c’est joliment paradoxal. Mais bon, là je lis Babel et il en compte 768, et je ne peux pas lire ça en deux jours. Donc oui, mon ego veut savoir 😀
C’est très juste. L’idée m’est venue en te répondant que c’était sans doute une fuite, mais je n’ai jamais réfléchi plus au mécanisme derrière. Lire (enfant) m’a sauvée, puis lire jeune adulte m’a sauvée (différemment). Les livres font partie intégrante de celle que je suis, je me suis construite avec.
Mon mari m’a demandé ce que je voulais faire pour mon anniversaire, j’ai répondu « aller dans une librairie avec un budget illimité ». Mon idéal ^^ (demain je vais en librairie, mais pour le budget illimité, bon.. étrangement je ne l’ai pas).
Humm. Ma réponse est multiple. Je ne lis pas le même nombre de page ou à la même vitesse selon qu’il s’agit d’un roman sans prise de tête, d’un roman complexe, ou d’un ouvrage psycho ou scientifique.
Un livre de 200/250 pages, version « facile » à lire : 2 ou 3 heures.
Un livre de 200/250 pages, version « concentration » 1 jour ou deux.
Un livre de 500 pages, version facile 2 jours (si je ne fais que ça) ou 3 jours , version concentration 5 ou 6 jours. Si je suis très fatiguée, une semaine.
Promis un livre comme Babel, 2 jours non il me faut plus :p
J’ai lu certains livres sur trois semaines parce que ça me remuait profondément, qui ne faisaient pas plus de 150 pages.
J’ai lu « Le problème à trois corps », j’ai cru que je ne m’en sortirais jamais ^^’ je l’ai traîné celui-là…
Voilà, ça te donne une idée..
Babel est bien ? Je ne me suis pas encore lancée, j’ai vu de mauvaises critiques et je n’ai pas franchi le pas pour l’instant (j’ai une tonne de livres en attente, aussi).
Avais-tu lu les demeurées de Benameur ? C’était mon premier d’elle et, je crois, mon préféré.
Les étoiles sous les couvertures correspondent-elles à ton vote, ou à la moyenne du vote de tous les lecteurs ? Je m’interroge sur l’apparente dissonance entre la note et ton avis sur certains ouvrages 🙂
PS pour rebondir sur le commentaire de Kalys : de mon côté je suis sur le même livre depuis janvier (que pourtant je savoure déléctablement !) 😀
Je l’ai lu, il est très beau en effet. Du coup je me demande si (comme pour les versions musicales entendues la première fois) ce n’est pas la première lecture qui oriente la préférence ^^
Les étoiles correspondent à mon vote. Mais elles ont été posées parfois il y a un mois, alors que la critique ici est ce qu’il me reste une fois ce temps passé. Et j’ai tendance à mettre très souvent 3,5 lorsque le livre est sympathique, voir bien, mais avec des points negatifs. Un livre en particulier te parait non cohérent ?
Je crains d’être une lectrice compulsive ^^’ (en temps normal)
Ils sont beaux ces carnets de lecture, parce que ce n’est jamais une critique pseudo-objective, mais toujours l’histoire d’une rencontre — réussie ou manquée, au final peu importe, parce que ça nous permet à nous de te rencontrer toi un peu plus (et d’ajouter des livres à sa wishlist de médiathèque).
(Pour la tempête de Laver les ombres, j’avoue que je l’avais interprétée comme purement métaphorique, comme une manière d’extérioriser la tempête intérieure du personnage pour à la fois la rendre visible et l’en délivrer.)
C’est vrai que c’est une rencontre et toute l’histoire qui s’y rattache, et je crois que c’est ce que j’aime le plus, ce qui est derrière, ce qui a amené à la lecture ou ce qui nous en a éloigné.
J’ai la même interprétation métaphorique pour Laver les ombres, je suis complètement d’accord avec toi (c’est peut-être un peu trop). C’est juste que derrière, il y a les mots, ce qu’ils véhiculent ou ce qu’ils laissent croire comme possible.