Tout ça c’est un peu effondré, les nuits, le corps, le mental, je ne sais plus qui est lié à quoi mais rien ne tient plus vraiment. J’ai passé un appel, la tension est montée et la douleur a pris toute la place et depuis, je ne tiens plus debout. C’est simple parfois, comme on se fait balayer.
La doc pense à une hernie discale cervicale, je pense à un trop plein de famille – l’IRM dira bien qui a raison, les deux peut-être. Je me suis bloquée sur sa mort, son appartement vidé trop vite, l’odeur infernale, les pressions de ma tante-marraine, cette part de maison dont je ne veux pas et qui m’oblige à discuter argent avec une famille qui ne veut rien débourser (mais prendre, oui). Ma cousine m’a dit, mais je croyais que tu ne voulais pas hériter, ça les arrangerait bien il semble. Elle m’a dit oui pour donner ses coordonnées à l’agence (pour estimer la maison dans laquelle elle habite, demande de la notaire) et elle a dit non à l’agence. Sévère engueulade de ma tante qui voudrait tout contrôler (ce qui m’inclut), pour finalement accepter l’agence (qui n’ose plus rappeler). J’amasse les coups comme j’ai jeté ses affaires, sans réfléchir, sans recul, en craquage enfoui inaccessible. Je les déteste, ça devient viscéral. Je ne supporte pas comme je voudrais qu’ils crèvent tous, ce n’est pas moi, je suis en train de me briser et de tenir par des bouts sans liens ensemble. Il me faudrait hurler, lâcher ce qu’ils me laissent, me protéger. Hurler.
Si je pouvais, je ne sais pas, changer. Moi, mon être, ce corps, la maladie, si je pouvais. Le jeter. Oh, juste contre un mur. C’est-à-dire, vraiment contre un mur. Jeter ce qui ne peut se réparer, ce qui ne fonctionne pas, jeter la douleur, et avoir l’élégance d’en trouver un autre qui danse.
La douleur descend dans la colonne, ce qui tient droit panique. Le bras se tient presque tranquille, je peux de nouveau m’en servir sans pleurer de détresse. Une solitude qui n’en finit pas, la souffrance. Je reste allongée ou assise, c’est ce qui est le plus supportable et ça me rend dingue d’immobilisme. J’ai annulé toutes mes sorties, l’association, la réunion, le café littéraire – encore lui.
J’ai tenté de dessiner, mais je ne tiens pas assise au bureau longtemps.
Je suis au seuil d’un silence, d’une solitude sans âme, l’arrêt qui m’est imposé me noue d’angoisses, est-ce que je vais savoir remarcher sans souffrir1, est-ce que je vais encore voir passer une des rares saisons où je peux garder le corps en mouvement ou est-ce que je vais m’enfoncer comme après l’accident ? Cette peur toujours, du fauteuil, me pousse à marcher quinze minutes chaque jour, sur le chemin, je prends trop d’antidouleur, je m’ennuie, je pleure, je ne dors pas, je n’arrive plus à rien – mais je peux décrire l’électricité dans la colonne, la paralysie du bras, les cervicales hurlantes. Je deviens folle, il y a les autres tu sais, la douleur d’être assise, les escarres à éviter – le coude se soigne, seule bonne nouvelle. J’essaye de lire mais Camus est trop solide pour mon esprit embrumé, je devrais différer j’imagine.
Je dépéris, j’ai besoin de dessiner, de respirer, de vivre.
Une moitié de moi n’est plus là.
1 évidemment, juste cela n’empêche pas l’angoisse idiote, acculée, de se manifester
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