Mes cheveux se sont évaporés. D’une épaisseur folle, ils se sont arrachés de moi ; ils sont mon désespoir lorsque je passe mes doigts. Le stress et les chocs ont tout fait tomber. Il n’y a tellement plus rien, je ne sais plus leur raison d’être – si longs. Une chute brutale sur six années que je n’ai pas réussi à endiguer, il n’est plus possible de les tresser sans avoir une queue de rat – c’est joli une queue de rat, mais sur les rats.
Je coupe un bout presque un jour sur trois. Je ne crois pas que cela puisse être droit, les boucles légères camouflent ce que je détruis. Je ne sais pas ce que je massacre ainsi, un désarroi ou des cheveux, mais je coupe. Je retire ce qui n’existe plus.
Je suis encore sous les épaules, il n’y a toujours pas d’épaisseur. J’ai disparu, je ne m’arrête pas de retirer ce qui de moi a disparu, je coupe des liens – je crois. J’équilibre comme je peux (déjà) dix centimètres retirés un jour puis un autre, encore un autre, je tente le droit sans y mettre de cœur. Ça n’est pas important, encore, pas dramatique non plus, de l’à-peu-près efficace. De toute façon, les boucles légères. Elles équilibrent sans moi.
Me revient une très vielle conversation – j’habitais encore l’Auvergne, ce devait être C. qui m’en parlait – sur une femme pratiquant la coupe de cheveux comme des liens à se débarrasser, les personnes toxiques ou négatives tombaient au sol, les traumas s’effondraient, les personnes pleuraient souffraient, c’était d’une puissance… (avec C., tout était toujours étrange), je me demande ce que j’en ai retenu pour que je fasse ça depuis plusieurs semaines. Si je vais m’arrêter avant de ressembler à une garçonne. Si je vais arrêter d’abandonner ce qui de moi, a disparu dans les chocs.
De l’écrire, sans doute…
– Il me semble, c’est lumineux. La mort tombe.
Ce qui fut du désespoir s’apparente désormais à une tentative de retrouver une consistance.
un choc de l’aube dans les fleurs
me laisse ivre de rien et de lumière lilas
ivre d’immobilité et de certitude
– L’arbre de Diana, Alejandra Pizarnik, 1962
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