Le feu depuis le ciel s’obstine, je me cache comme des milliers d’autres. Le soleil renvoie le monde chez soi, il n’y a nulle part où aller. Une journée de désert à la fenêtre, un peu comme si on n’existait pas. Je mange des glaces que je n’ai pas faites, j’enclenche un ventilateur qui n’est pas la clim, je prends des douches presque fraîches et je ne fais rien sinon regarder le temps passer depuis mes yeux clos. Collée au sol. Peut-on s’éteindre de chaleur..
À perdre le souffle, les nuits, à devoir ventiler les poumons.
Dehors il n’y a personne ou alors des gens très seuls, la ville est en déconstruction-reconstruction-coupure de courant, ils balancent des gravats sous les pieds des isolés. On se regarde passer, les yeux plissés.
Parfois le ciel devient orange gris d’une fumée éloignée, la vie disparait juste comme ça. Tous les jours, par milliers.
Je me fais allonger par le soleil.
La pluie elle revient toujours, elle se fait simplement attendre ; elle cherche peut-être à nous éliminer. Est-ce que c’est venu à l’idée de quelqu’un, ça, la planète cherchant à nous éliminer. Qu’elle n’en peut plus, de nous. Qu’elle se laisse craqueler et brûler juste pour nous faire disparaître. L’eau, ça sera seulement un miracle, on lèvera le visage vers le ciel sans essuyer les larmes et un jour on comptera les vivants.
Je m’habille de légèreté et je suis toujours la même – c’est-à-dire jamais – les jambes nues et l’été vide. Enfin, pas tant. Je me le suis fait remplir de famille samedi dimanche lundi, et puis encore samedi dimanche de mariage. Nous allons cramer la route cinq heures chaque fois, ne pas s’embrasser et garder la distance-terreur, se dire « cela faisait longtemps » et « tu deviens quoi » les mêmes bruits chaque année, éviter ma mère dans les rues et les voix malgré un « c’est dommage tout de même », on repeindra le passé avec des yeux soucoupes un peu humides parfois lors de soirées un peu dangereuses, et on reprendra la route comme on se fracasse dans un soleil. On se posera. Quatre jours de rien à devenir flaque avant de reprendre la route brûlante et camper dans la campagne-montagne mariée où je n’aurai aucune compréhension de rien, certainement habillée à l’envers.
Je ne comprends jamais. Je ne sais pas ma place.
Je vais déambuler au milieu d’une foule globalement inconnue, revoir d’anciens oubliés, grignoter en évitant les fruits de mer, avoir trop chaud, rester plongée dans mes pensées consternées.
On est dans un monde en feu ou un bateau qui coule, je ne sais pas toujours. On se marie, on continue les ventres arrondis et les portables dernières générations, on climatise par survie, la vie augmente toutes les semaines ou pratiquement, la pénurie s’installe dans un curieux silence, la guerre coupe le gaz, les vacanciers bronzent, les enfants apprennent à mentir pour éviter les baffes, les virus se promènent par avion, les incendies prennent leurs aises dans des mégots négligents.
Je me sens perdue, sans codes pour rien.
Je ne sais pas vivre en pleine humanité.
On brûle et il n’y a personne pour entendre les appels de détresse.
On se suicide tout en douceur, entre une salade irradiée et les guêpes tuées.
Alors, je ramasse les rainettes cachées dans l’arrosoir, soir après soir, elle me saute sur le ventre, perdue, reste posée sur ma main. Longtemps. Je sors les frelons asiatiques de la chambre, les araignées des coins, les punaises des murs. Tout ce petit monde, remis doucement, dehors. Je laisse les plantes sauvages qualifiées de mauvaises envahir le jardin, je sauve tout ce qui peut l’être.
Peut-être qu’un jour, nous saurons vivre ensemble.

En savoir plus sur Carnets
Subscribe to get the latest posts sent to your email.