J’ai eu envie d’un challenge : 31 lectures, soit une par jour. Je m’en suis bien sortie en début de mois, jusqu’à apprendre la mort de Virginie. Reprendre un livre a été difficile (je devais relire souvent mes phases), mais m’a beaucoup aidé. Ou pas, d’ailleurs. C’est peut-être là que je n’ai pas fait la bonne chose, à savoir m’occuper de mon deuil sans dérivatif.
J’ai eu besoin de quelques livres très faciles (sans succès à la clé), puis faciles (Valérie Tuong Cong) et puis là, pour rattraper toute cette lecture non nourrissante (je dois arrêter les lectures faciles, n’hésitez pas à me le rappeler.), j’ai eu besoin d’une valeur sûre (Timothée de Fombelle) ; après quoi sans le vouloir je suis tombée dans des livres sur le deuil ; il n’y a pas de hasard.
Si vous vous demandez comment je fais pour lire autant :
. je lis vite
. les lectures faciles… ça se lit (encore plus) vite
. je ne dors pas beaucoup
. je lis partout, tout le temps (même 3 minutes), j’ai toujours un livre avec moi, où que j’aille
Je tiens à rappeler que les critiques (parfois incisives) ci-dessous n’engage que moi, et ne sont un signe ni de qualité ni de médiocrité de l’ouvrage. Seulement l’effet qu’ils ont eu sur moi.
24 lectures (Babélio en compte un de plus, il a tort, j’explique plus loin).
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Valérie Tuong Cong.
Un jour j’ai lu « Pardonnable Impardonnable », et pour mille raisons j’ai aimé profondément ce livre. Depuis je suis restée avec l’idée que j’aimais sa plume, j’ai donc pu m’apercevoir que c’était faux.
Dans Les guerres intérieures, j’ai eu la sensation que l’autrice avait arrêté son livre au moment où ça prenait corps, où enfin je plongeais avec le personnage, l’intérêt arrivait. Il reste le « meilleur » lu dans la série qui suit, malgré une qualité pas au rendez-vous.
J’avais déjà lu L’atelier des miracles, ce dont je ne me suis rendue-compte qu’à la fin (souvenir fort périssable, histoire à côté de ses pompes). On se rapproche dangereusement de Marc Lévy en style d’écriture et histoire à dormir debout (oui j’ai lu Marc Lévy en 2005 quand je travaillais en librairie pour savoir ce qu’on lui trouvait ; je cherche encore).
Voltiges (2 étoiles), l’écriture n’est pas formidable. L’histoire aurait pu être intéressante mais tellement prévisible que lorsque la fin arrive (bâclée), j’ai été contente de poser le livre.
Un tesson d’éternité, la même chose (et pourtant le sujet était très bon), et Providence, c’est tout le livre qui a été bâclé.
Je suis arrivée à la conclusion que Pardonnable Impardonnable était soit un accident de parcours, soit un livre que j’ai aimé à cause du sujet (c’est très possible). Dans tous les cas, c’est une autrice que je ne relirai pas (jusqu’à avoir un trou de mémoire ou besoin d’une lecture facile, disons).
Manières d’être vivant, de Baptiste Morizot.
Ce livre est d’une grande beauté. Il a une approche scientifique, philosophique, poétique et animale sur le dérèglement climatique et notre manière d’être au monde, qui m’a enchantée. Il s’agit de notre lien d’amour envers ce que nous sommes au milieu de ce qui est. Ce tout merveilleux qui nous permet de respirer. À nous d’apprendre, à nous de changer notre regard, d’inventer un lien « aux dix millions de vivants »
Je dois ajouter avoir souvent posé ce livre, juste pour savourer l’approche des loups.
Extrait : Sur le chemin, des traces de toute la guilde des ongulés, des mustélidés, des renards, mais pas un pas de loup. Aucun indice de la journée, bredouilles malgré les paysages avalés. Dans la langue d’un peuple sibérien de chasseurs, le mot chance » se dit « silence de la forêt ». Demain nous ferons moins de bruit.




Timothée de Fombelle.
Je suis un jour tombée dans la prairie de Tobie Lolness et depuis je vis une grande histoire d’amour avec cet auteur. J’aime sa délicatesse jusque dans les sujets les plus graves. Il m’apaise.
J’étais en retard dans ses publications, je rattrape doucement.
. Alma, tome 1 (5 étoiles) et 2 (4 étoiles), je suis en attente du tome 3 qui sort le 30 mai. Cet auteur écrit avec de la poésie sur les doigts. Le sujet de l’esclavage est traité avec justesse, férocité et douceur, il y a une grande beauté dans ce qu’il exprime. Bien qu’il y ait profusion de personnages, ils sont tellement bien dépeints, je ne me perds jamais. À lire absolument.
. L’histoire Le Livre de Perle nous ait contée comme si Timothée de Fombelle avait lui-même fait cette rencontre et devait en livrer le témoignage pour la survie d’une fée et de son amour. Et peut-être… ? Puisque je crois aux fées, puisque, surtout, je crois aux histoires qui ouvrent des mondes parallèles.
Toujours cette belle plume poétique et douce, avec un style un peu plus étrange (féérique). À lire après avoir lu d’autres livres de lui, peut-être.
. Céleste, ma planète (3 étoiles) est une histoire trop courte où les personnages manquent de profondeur (la mère tombe dans la caricature de l’absence parce qu’au travail). Un livre engagé (écologie) qui marquera sans doute davantage les jeunes enfants à qui il est d’ailleurs destiné.
. Victoria rêve (3 étoiles) n’était pas plus pour mon âge, et je me suis un peu lassée à lire les élucubrations de la petite fille. C’est à la fin de l’ouvrage que l’histoire prend toute sa puissance.
Public enfant, donc.
. Et puis il a écrit un livre pour les grands, ceux qui n’ont pas fermés les yeux, Neverland. Il y parle de lui, de sa jeunesse, de l’adulte en lui accroché à l’enfance. Avec fragilité, douceur, il part en quête du petit garçon qu’il était, ravive pour nous le pouvoir de s’émerveiller, remonte des souvenirs oubliés, précieux.
Un livre court empli de poésie.
Veiller sur elle, Jean-Baptiste Andréa.
Celui-ci, j’ai mis un mois pour lire les 50 premières pages, en 3 fois. Il était très mal parti. C’était long, inintéressant, ennuyeux (c’était « boring », je trouve que ce mot anglais l’illustre parfaitement, il s’ennuie rien qu’en le prononçant), et je l’ai oublié. Je lui ai donné une dernière chance avant d’être viré et… je suis tombée dedans. Le style est particulier mais une fois qu’on s’y est fait, on glisse avec. C’est resté tout en longueur et ce n’était plus important, c’était même son charme. Je ne m’explique pas comment il est passé d’ennuyeux à mourir à grandiose, mais cela s’est produit et je suis heureuse de l’avoir lu.


The Way I Used to Be, Amber Smith
Je me suis demandé s’il était raisonnable de le lire, avant et pendant ma lecture. Je me suis faite laminer.
Dans la scène à la bibliothèque, elle ne sait pas se présenter, elle n’existe pas, et je réalise que c’est moi, elle est moi, je n’ai jamais existé, je n’ai jamais eu la moindre chance d’exister dans un groupe sans m’effondrer et détruire ce qui a été correct jusque là. Je ne sais pas être. Me dire. Je n’ai plus de normalité. Ou, je n’ai pas. Brouillard.
[j’ai effacé tout ce que j’ai écrit]
Le livre m’a surtout rappelé que j’ai avancé, qu’on en sort jamais vraiment mais qu’on en sort, aussi – que les deux sont vrais. J’ai beaucoup, beaucoup pleuré. Pour ce que ça a remué.
À lire. Absolument.
Et chaque fois, mourir un peu (tome 1), Karine Giebel.
Le style est sans émotion, l’histoire s’enlise, j’ai peiné avec les scènes de guerres toutes plus horribles les unes que les autres et pour une fois j’ai été soulagée de la mise à distance émotionnelle de l’auteur (autrice, ici).
Et puis.
Ce n’est pas l’histoire qui m’a rattrapée, ni le style, rien de tout cela. Ne vous attendez à rien de merveilleux de ce côté, c’est l’histoire sordide de l’humanité, tout ce qu’elle a de plus atroce est exposé sous nos yeux, rien ne nous est épargné. Alors, pourquoi ai-je mis 4 étoiles (elle en aurait mérité 2) ? Pour ce qu’il s’est passé en moi. Pour le SSPT particulièrement bien raconté, parce que si je n’ai pas vécu la guerre j’ai vécu d’autres choses qui me font en être là, encore aujourd’hui. Parce que je ne dors pas bien, parce que je sursaute, parce que je ne tourne jamais le dos à une porte, parce que je sais les hallucinations, parce que je dois régulièrement travailler à me sortir de là, parce que c’est exactement ce dont je travaille à me sortir ces dernières semaines. L’écho a été puissant. Je ne le savais pas, mais j’avais besoin de le lire pour me rappeler de remonter.
Pour autant, je ne vous encourage pas à le lire, sauf à vouloir vous plonger dans toutes les guerres des dernières décénies, les viols, les tueries de masse, les génocides, et haïr l’humanité. De mon côté, je ne lirai pas le tome 2.
Edit : je l’ai modifié à 3 étoiles, un entre-deux plus juste.


Tombe, Hélène Cixous.
Je ne recommande jamais Hélène Cixous, les personnes autour de moi la trouve obscure. Personnellement j’aime autant la lire que l’écouter. C’est toujours lentement que je m’imprègne de ces phrases ; il faut beaucoup fermer les yeux pour entrer dans l’inconscient d’une personne. Moi, elle me balaie souvent. Pour la lire il faut le faire doucement, et même doucement parfois, ce n’est pas assez.
Elle joue avec la langue comme j’ai rarement vu quelqu’un le faire, je ne saurais jamais faire, je ne cherche même pas à. Parfois il me semble qu’elle a raison, que je devrais écrire comme elle le fait, à dépecer ce qui tue, plus loin, plus fort, peut-être que je m’en sortirais mieux.
Il est impossible de faire une critique d’un tel livre (ou d’une telle autrice). Ce qu’elle dit, c’est comme la mort déjà est là, nous surprend, nous avale, nous terrasse, que ce qui est vivant déjà se trouve mort. Elle dit cette fulgurance dans la vie, dans la mort. Elle est dans l’amour et la mort mêlée. Elle brouille ce qu’on croit savoir, sa parole est inaprivoisable. En mouvement. Je ne sais rien dire d’elle non, juste la lire.
Il y a eu quelques livres détestés et je n’en parlerai pas plus que ça, mais plus étonnant de ma part, un livre a été abandonné :
. Les Mémoires d’Elizabeth Frankenstein, je devais lire ce livre dans le cadre d’une lecture commune en mai. Mais il y a des limites à ce que je peux lire. Ce n’est même pas que c’est glauque, ce qui m’a rebuté c’est la banalisation de l’inceste dès les premières pages, ou encore la mère adoptive qui protège l’héroïne du viol de son père adoptif alors qu’elle ne l’a pas fait pour sa propre fille. Ca ne passe pas. Le style est ennuyeux, lourd, rien à sauver. Il semble être fort apprécié par d’autres, par contre. Abandonné donc, pour ma part.
. Zéro déchet, zéro pression. Très agaçant, ce livre, et très jugeant. Très très. J’espère que c’est seulement maladroit : nous sommes à la limite du « l’eau, ça mouille ». Elle explique qu’une grotte n’est pas une maison puisqu’il n’y a pas de porte, que si une maison n’a pas de porte on est coincé, ou qu’on devient végétarien « parce qu’on s’attendrit devant des images d’animaux sur les réseaux sociaux ».
Je n’ai même plus les mots.
Au milieu il y a du bon, mais ni plus ni moins que ce qu’on peut trouver déjà publiés depuis longtemps et en mieux écrit.
. Arnaques, dragues et botanique À la fois amusant et sans intérêt, l’auteur a cherché parfois à combler là où il n’y avait rien à dire (seul l’aspect visuel était intéressant). Le titre tombe de fait dans l’exagération, et je n’y ai pas toujours trouvé les anecdotes attendues. Par contre si on ne se focalise pas sur le titre, il est sympathique à lire, les dessins sont beaux et le ton humoristique agréable. C’est un joli livre sur l’étagère.
Conclusion-s.
J’ai une critique agacée concernant les lectures que je juge « faciles », je sais aussi que j’en ai besoin pour me vider la tête. Derrière, c’est moi que je critique. J’en ai pleinement conscience. Je ne sais pas être douce avec moi, mais je ne désespère pas…
Il me semble avoir fait un peu le tour de ce mois assez riche en découverte littéraire. Je note comme mes lectures reflètent ou suivent mes émotions, mes virages et les chutes, comme certaines me font trébucher, comme elles m’aident à repartir aussi. Je note également que je lis beaucoup et qu’il s’agit d’une fuite à n’en pas douter. Lorsque je ne lisais pas, je pleurais. Lorsque je lisais aussi ceci dit, l’équilibre a été rétabli, j’imagine.
Je suis à peu près remontée, les angoisses sont proches, et je me demande si je dois continuer à m’enfoncer la tête (et un livre) dans le sable ou me forcer un peu à peindre (ou tout autre chose).
Ecrire, par exemple.
Je songe à poser un cadenas sur certains textes-morsures, ça aiderait peut-être.
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Babélio : lectures de livres dans le cadre d’un challenge solidaire ; trouvé chez Zofia
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Et chaque fois mourir un peu m’est passé entre les mains, quand je cherchais mes thrillers. C’est certain que je ne le lirai pas.
Hélène Cixous, c’est sûr que je ne la lirai pas non plus, du moins pas celui-là. Rien que te lire toi quand tu en parles, et les deux premières lignes du résumé, fait surgir Angoisse dans ses manifestations les plus brutales – sensation de tomber, puis d’étouffer.
Et ce sera pareil pour The way I used to be, à cause d’un commentaire Babelio.
Parfois, quand je te lis, c’est comme si je me tenais au seuil d’un abîme, et sache bien que ce n’est ni un reproche ni une parade. Plutôt une excuse maladroite, pour les mots que je ne sais pas prononcer.
Il y a des livres qu’il faut savoir éviter, en effet. Les trois que tu cites en font partie. Je ne me protège pas assez, ou alors c’est que j’en ai besoin pour sortir les choses, je n’ai pas tranché (les deux, sans doute). Parfois j’y arrive, par exemple j’ai abandonné My absolute darling (que je te conseille d’éviter aussi).
Hélène Cixous, il y en a certains que j’ai profondément aimé mais les recommander, c’est.. difficile.
Tu peux lire Timothé de Fombelle les yeux fermés, c’est beau. Lui il fait du bien à l’humanité 🙂
Je suis terriblement désolée. Je suis moi-même toujours au bord. Je voudrais écrire léger, un jour j’espère vraiment écrire léger. En attendant, j’espère que tu ne fuiras pas (même si je comprendrais).
Rien à voir mais j’ai réalisé qu’on n’était pas le 1er juin, hier. Je rajoute des livres du coup -_- (mais pas de critiques). J’ai fait disparaitre deux jours ^^’
Oh, non, bien sûr que je ne fuirai pas ! C’est moi qui suis terriblement désolée : depuis que je te lis, tu me touches de plein fouet. Et je n’arrive pas à te le dire. Parce que ça ne te fera pas forcément du bien, parce que ce n’est pas parce que je crois comprendre que je comprends, et parce que quand bien même je comprendrais, je ne sais pas ce que je devrais répondre. Ma sœur m’a toujours dit : « écoute. C’est parfois tout ce qu’on te demande. » Et je sais qu’elle a raison, mais je n’arrive pas à m’empêcher de chercher… des baumes, des solutions… Ou alors, je voudrais crier qu’à défaut de savoir, ça fait écho, mais je n’arrive pas à dire pourquoi.
Je serai heureuse de te lire légère, quand et si tu t’y sens prête. Aujourd’hui, je te promets seulement d’écouter, et te demande de pardonner la lâcheté qui m’empêchera parfois de te suivre, parce que je suis arrimée à mon rocher, tétanisée à l’idée de retomber dans l’abîme.
*
Ça fait très longtemps que je veux lire Thimothée de Fombelle, du coup je vais m’y mettre cet été, j’ai l’impression que ce seraient de chouettes œuvres à proposer aux cinquièmes !
Je comprends la terreur de retomber, elle est chevillée à mon corps. Tu as raison de rester en sécurité quelque part sur la berge, il n’y a pas de lâcheté, pas une once. J’exorcise comme je peux, et je filtre déjà mes phrases pour ne pas blesser en face (ça marche moyen, j’imagine) ; je commence à écrire certaines choses en privé, pour qu’elles sortent sans (sans quoi. Tuer ? Terrifier ? Faire fuir ? Honte ?), plus de censure donc. C’est peut-être là que je trouverai la lumière, à sortir les ténèbres entièrement. Ce n’est pas quelque chose qu’il est possible de laisser libre. Je pourrais mettre juste un cadenas, mais est-ce une bonne idée pour les personnes qui lisent, je doute.
Il y a 20 ans j’avais deux blogs, un nommé Lumière et un nommé erbma (le sombre, le miroir), cela m’avait permis l’accès à la beauté, la joie. À moi de retrouver ça : ) Le chemin, je l’ai par la créativité, je peux le partager davantage par exemple.
Merci d’être là, de m’écouter, de parler aussi avec moi. J’entends les échos entre toi et moi, il n’y a plus qu’à sortir de là ; )
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Concernant les ouvrages de Timothée de Fombelle, n’hésite pas à me les demander si tu ne les trouves pas en papier !