2 Juin 2023
Cette nuit.
J’ai rêvé qu’un ami descendait des marches, un immense escalier de pierres qui menait loin loin loin dans les profondeurs, je ne pouvais voulais pas l’accompagner, il descendait sans moi et depuis je me demande, quelle part de moi j’ai laissé s’enfoncer.
Je réapprends. À accrocher le vent à mes cheveux, à mettre de la lumière aux murs, à vivre n’importe comment. Je réapprends à dessiner dehors, à écouter les mots des arbres, à sentir le subtil. Je réapprends le vivant.
Cela fait deux années que je n’ai pas écrit. Ou trois, vu comme la dernière année était chaotique morcelée. J’entends par là que j’ai fait taire mon esprit, ça a craqué fissuré explosé, j’ai bouclé les portes, j’ai jeté la clé et j’ai essayé de remonter la pente autrement puisque ce n’était plus accessible. Je réapprivoise les mots, je détourne le désordre de ma tête. Il s’agit d’écrire par-dessus les ruines sans y revenir, saisir les bribes de ce qui se répare, s’apaise. Je suis encore un peu éparpillée, avec quelques morceaux dans les mains ou en promenade dans l’Univers, c’est incertain c’est flottant c’est peut-être juste moi en expansion, une dimension en pointillés. L’écriture le dira peut-être.
Mar 6 Juin 2023 – 12:09
Il lui arrive d’oublier, ses phrases se teintent alors d’interrogations, elle sent quand ce n’est pas exactement le bon chemin. Elle a trop de souvenirs à remonter – la corde est rude aux doigts abimés – elle s’y effiloche.
Elle me demande, tu as connu ma maison ? J’y ai habité avec elle, ça s’est échappé. Ils m’ont élevé deux ans, lorsque ma mère a trop déconné – que ça s’est un peu vu. Parfois elle me dit, c’est terrible ta mère, c’est terrible. Je l’entends secouer la tête, elle ne peut pas affronter tout. C’est trop pour son amour de mère qui a besoin par tous les moyens possibles d’aimer encore sa fille. Elle sait juste ce qu’il faut, elle sait ce qu’elle peut et cela lui a suffi pour me dire « moi aussi à ta place, je serais partie ». C’est une réparation à vous couper le souffle, ce genre de phrase.
Elle sait toujours qui je suis mais parfois oublie que sa fille est ma mère, elle me dit « tu la connais ?« . Un peu. Beaucoup. Trop. J’ai sursauté très fort ce jour-là. J’avais perdu le lien entre la vieille dame et moi, il y avait un trou entre nous, un vide sans filiation. J’ai pris conscience que ma mère était ce lien entre elle et moi, que ma mère ne le soit plus et je ne sais plus qui est ma grand-mère. J’ai vacillé, je me suis senti tomber. J’encaisse encore que ma mère ait une importance. On peut renier tout ce qu’on veut, les liens sont là, invisibles.
Samedi elle m’a dit, demain c’est le 14 juillet ? C’était la fête des mères, elle sentait qu’il y avait quelque chose, elle était juste un peu à côté. La semaine dernière elle m’a appelé Naomi, un dérapage très contrôlé elle a vite enchainé Bonjour ma chérie j’ai reconnu tout de suite ta voix comme on saute pour entrer dans un train en mouvement. Elle échappe des bouts de ce qui la tient.
Il lui arrive, au milieu d’une grande lucidité, de se tromper de décennie, elle rejoint son papa mort en 1967, elle me demande si je me souviens de lui – je n’étais pas née.
Je ne la détrompe jamais, elle revient toute seule. Je l’accompagne dans son errance, je lui dis que je comprends, que je sais, oui je la connais, non je ne me souviens pas, je ne lui dis pas comme elle s’évade. Sa deuxième fille le lui rappelle sans cesse et ça la blesse, l’embrouille encore davantage.
C’est violent, la conscience de mourir le présent.
Je lui téléphone toutes les semaines, dans cette chambre où la porte ne fermera plus jamais, où l’intimité n’est plus, où le déambulenteur* remplace sa démarche droite. Elle me dit toutes les semaines, tu viens me voir ? j’ai 95 ans tu sais, je vais bientôt mourir. Elle me le disait déjà à 80 ; quand est-ce qu’on perd la force de la phrase, quand est-ce que la dernière fois arrive, quand est-ce que je vais pouvoir la serrer dans mes bras, repartir et qu’elle me dise tout de suite, tu viens me voir quand ? Quand est-ce qu’elle va m’oublier.
Chaque semaine j’écoute la teinte de sa voix, est-elle noire sombre affolée, est-elle soleil ancré, est-elle bleu douleur violet angoisse, est-ce qu’elle se brise sautille s’égare dans le gris du passé. J’écoute les couleurs d’une voix cassée.
Et lorsque je raccroche, je reste teintée quelques heures d’elle, décalée.- je garde l’écrit involontaire d’un mot mal orthographié, acte manqué –
Lun 12 Juin 2023 – 12:44
Je suis embarquée dans une spirale d’angoisse.
Ma grand-mère a 95 ans passés et pas toujours toute sa tête bien là où il faudrait. Elle s’égare. Il semble qu’aujourd’hui elle se soit beaucoup beaucoup égarée, je ne sais pas ce qu’il s’est passé en elle pour que trois ans et sept mois s’écoulent sans qu’elle parle de moi, sans qu’elle se rate, sans qu’elle dise tu sais elle m’appelle tous les samedis à 14h, qu’elle donne les prénoms de mes enfants, qu’elle lui raconte ma vie. Je ne sais pas comment ce n’est pas arrivé plus tôt, ma mère l’appelant tous les matins.
C’est arrivé juste là.
Ce matin ma grand-mère qui devait garder secret mon retour au sein de la famille, m’a vendue à ma mère comme ça, pour rien. Parce qu’elle ne savait plus qu’elle devait se taire. Qu’elle devait me protéger, mais aussi protéger sa fille d’une souffrance inutile. Je crains que ma mère ne la harcèle de questions, lui fasse du mal, elle a un pouvoir de nuisance fou.
Ma tante catastrophée m’a appelée pour m’en parler, s’est énervée sur ma grand-mère mais je lui ai rappelé que j’avais pris le risque consciemment. On le savait tous qu’un jour, elle se raterait. On l’avait seulement oublié, que c’était proche, et ce que ça allait impliquer ce jour-là.
Je tremble.
Ma folle de mère a mon adresse depuis que les impôts ont merdé gravement, maintenant elle sait le nom des enfants, elle sait que toute la famille a menti depuis la mort de mon grand-père, elle sait que je suis mariée, elle sait tout. Et je ne sais pas comment gérer ça. J’ai peur qu’elle prenne un avocat et m’oblige à lui présenter les enfants, c’est ça, ma plus grande peur. Et puis ça me replonge dans des eaux très noires. Trop.
Je vais aller trembler plus loin, je boucle dans ma tête.
Ven 16 Juin 2023 – 18:36
Je l’ai posté ailleurs sur le forum, je le pose ici juste pour moi
Déjouer les manipulationsElle a oublié. Elle a oublié qu’elle avait parlé de moi et donné le prénom des enfants, elle a oublié qu’elle devait se taire sinon je ne rappellerais jamais, elle a oublié qu’elle m’avait lâchée et qu’elle avait blessé. Elle est catastrophée depuis, elle angoisse, se traite d’imbécile, elle s’inquiète de mon appel demain.
Que dit-on à ceux qui se perdent, qui ne savent plus alors que le soleil se lève encore et que le monde tourne et que tout semble normal et que rien ne l’est plus.
On ne sait pas comme c’est dur de vieillir.
Je lui en veux et ne lui en veux pas, je gère mes angoisses.
À ma tante, ma mère a eu cette phrase incroyable : ma fille ne me parle plus, mais c’est un malentendu.
Sam 24 Juin 2023 – 17:54
Je ne gère pas très bien mes émotions et finalement la seule manière de faire face est de peindre. Tenir le pinceau et ne plus penser à rien. Disposer l’eau, attraper la couleur une fois deux fois dix fois, lâcher-prise, changer de rouge, ajouter juxtaposer retirer foncer, créer du gris, finesse dans le détail – plusieurs heures de travail.
Sur le bureau, les godets s’étalent, je n’ai pas l’envie de ranger tout de suite.
L’un des rouges utilisé appartenait à mon grand-père. J’aime beaucoup distiller ses tubes dans ce que je crée. Il peignait comme ça, librement, je veux dire.. il peignait comme on respire et il disait ‘c’est complètement raté, ça ne vaut rien‘ avant de détruire ses œuvres magnifiques. J’en ai sauvé très peu, d’autres ont survécu par hasard. J’ai attrapé son désir créatif avec son manque de confiance en lui, c’est un paquet indissociable. J’ai récupéré tout son matériel lorsqu’il est mort, personne n’en voulait alors j’ai de l’aquarelle de la gouache de la peinture à l’huile des pastels des crayons des craies du papier des pinceaux des encres des carnets j’en ai tellement ça déborde. Parfois je trie un peu, c’est trop tôt.
Je dessinais, avant. Jamais pris de cours, beaucoup pris de critiques, ma mère a détruit mon travail et j’ai arrêté, ça ne servait à rien. J’ai repris il y a deux ans, à peu près. J’essaye la peinture et la confiance.
Ici je n’ai pas pris assez de recul, le chapeau est trop arrondi en bas et n’est pas assez grand. Cela me raconte peut-être un peu – la protection n’est pas large mais la base est solide – ou alors rien de plus, le chapeau est trop petit la base est trop grande et rien je peine. Près de deux mois sans approcher l’aquarelle.. et une à deux années de pratique aléatoirement dispersée, je suis toujours débutante – je ne dois pas l’oublier.
Vous pardonnerez j’imagine, la disparition finale des brindilles et la qualité médiocre du rendu photo – dans le cas contraire, une bonne âme pour m’expliquer Gimp ?
C’est une carte postale, elle n’attend que des mots glissés et un envol… : ) (je promets, la peinture est mille fois plus belle en vraie)
J’essayerai de repeindre cette amanite, je ne sais pas jusqu’à quel point je sais refaire un même tableau sans m’ennuyer – et me planter.
Mar 27 Juin 2023 – 8:00
Rêve :
Je suis dans une bibliothèque, j’y travaille. Avec des collègues nous enlevons des titres de l’année dernière, c’est la rentrée et nous devons mettre en avant un nouveau thème, je propose des livres pour apprendre à lire afin que les parents puissent évaluer leurs enfants, accompagner, savoir s’ils savent lire. Les réponses sont mitigées mais c’est finalement accepté.
Des enfants arrivent, on en accueille énormément. Les parents déposent leurs enfants, partent. Nous sommes seuls avec eux, les livres les enfants nous.
En regardant dehors, je remarque que l’école maternelle en face (il y a une route entre nous) a un début d’incendie dans le bâtiment, assez faible rien d’inquiétant, ainsi qu’un second dans les poubelles devant le portail de l’école (proche de la bibliothèque cette fois). Tellement petit, personne ne s’inquiète, on gère. L’incendie semble prendre sur un troisième point, un collègue appelle les pompiers et on réunit tout de même les enfants à l’intérieur, on est tous avec les livres, en sécurité. Des enfants font la fête et certains dansent, d’autres ont un peu peur. Les adultes rassurent, c’est un petit feu qui sera vite maîtrisé.
L’incendie prend de l’ampleur, toute l’école brûle. Un immeuble juste à côté (toujours en face) a pris entièrement feu. Quand on regarde tout semble maîtrisé, les murs sont debout et bien blancs, tout va bien, les collègues adultes rassurent encore les enfants, tout va bien vous voyez c’est terminé les pompiers ont fini. Mais je vois que c’est faux, par une fenêtre on voit bien que c’est encore en train de brûler, et les flammes ont tout ravagé à l’intérieur, elles sont encore là, beaucoup a fondu, il reste les murs mais il n’y a plus de sols entre les étages, ça ne s’arrête pas et je commence à m’inquiéter. Je propose d’appeler les parents, de sortir les enfants de là, la réponse n’est pas enthousiaste mais ils finissent par accepter. On a une liste, on essaye de rayer les enfants qui partent et de réunir ceux qui restent mais il y en a trop, j’étouffe un peu, je cherche une sortie, je veux juste prendre l’air. La bibliothèque commence à être vaguement touchée par l’incendie quelque part du côté de l’école. Je trouve une porte opposée, tous les verrous sont en place et je les ouvre un par un tranquillement, il y en a peut-être une dizaine. Lorsque je l’ouvre je m’aperçois que ça ne donne pas dehors, il y a un petit sas et une deuxième porte plus loin avec autant de verrous. Des enfants ados se trouvent dans ce sas, ils me regardent en rigolant un peu, limite avec mépris, me toisent, me disent que sortir maintenant est dangereux, que je suis l’adulte je devrais le savoir. Je finis par leur ordonner de rentrer se mettre en sécurité, ce qu’ils font en me disant que dehors il y a de la fumée et des flammes, ce n’est pas le moment de sortir. Je referme sans avoir approché la seconde porte (et sans remettre les verrous sur la première).
Je repars, croise mon mari qui me prend rapidement dans les bras et repart. Il y a encore beaucoup d’enfants dont les parents ne sont pas là et les livres commencent à brûler quelque part. Je suis impuissante, je regarde autour de moi il n’y a pas de sortie et trop d’enfants.
Mer 28 Juin 2023 – 13:45
Je suis assez fatiguée. Enfin je le suis tout le temps, fatiguée, il y a les douleurs et le sommeil vagabond, mais en ce moment c’est autre chose. Ça s’ajoute.
C’est la chaleur qui accable, force le corps à ne plus bouger – sur ce plan, la couverture de survie sur les fenêtres semble régler le problème puisque ce midi nous avions 24,7° et ce n’était pas arrivé depuis un moment. Je ne crie pas encore victoire, j’y vais doucement avec le soulagement, au cas où (il fait aussi moins chaud dehors, on est passé à 34° au lieu de 40).
C’est le quotidien, les repas la maison les fourmis les cours le linge le marché les poubelles loin. Les mulots qu’on sort en pleine nuit, merci la minette.
Ce sont mes beaux-parents, que je vois parle bonjour une à trois fois par jour pour trop de raisons. L’énergie file dès que je les vois, la sociabilité ce n’est pas mon fort.
C’est l’enfant blessé qu’il faut surveiller tout le temps mais glisse malgré tout (parce qu’il courait, c’est que ça va donc) dans de la boue en pleine forêt après un orage, blessure en premier – mais qui cicatrise enfin, peut-être souci terminé.
C’est l’association où plus grand monde parmi les bénévoles ne vient, je porte un peu beaucoup, la dirigeante est partie, la compta est heureusement reprise par une autre. J’ai besoin d’une pause, elle arrive et j’ai hâte – nous fermons l’été. Plus qu’un mercredi. C’est la jeune de 25 ans du foyer pour handicapés qui vient travailler avec nous, dont je suis officiellement passée référente parce que je suis la seule à m’occuper d’elle et à recevoir/discuter avec son accompagnatrice. Elle est adorable, gentille, une perle, elle travaille lentement mais ça ne nous pose aucun souci, elle a besoin d’être encadrée par contre, elle pose souvent les mêmes questions, et avec ma fatigue c’est plus difficile de ne pas laisser fuir l’énergie.
C’est l’ado qui s’effondre jour après jour, semble être stable et non, il ne l’est pas, ne peut pas aller au marché à ma place du coup, ce sont les grands-parents qui n’entendent pas l’autisme, qui demandent « mais enfin c’est quoi son problème, il n’est pas solide » et me prend encore plus d’énergie à expliquer réexpliquer, non il ne peut pas sortir là il a épuisé toutes ses capacités pour aujourd’hui – et accessoirement prennent les miennes.
C’est l’ado qui pleure à la moindre fourmi écrasée, panique si je déplace le pot d’une plante (dessous, des cocons des limaces des choses vivantes), saute sur celui qui casse une branche sèche, empêche le moindre geste dans le jardin. Je fais tout de même, en déployant une trop grande énergie. Le vivant, son obsession. Il nourrit des abeilles une par une lorsqu’il les trouve épuisées au sol, cisaille la fibre d’un tissu enroulé autour d’un abdomen d’araignée ou d’autres chose, s’affole d’un moucheron collé sur le savon ou dans l’évier. C’est devoir sauver toute bestiole avec une note émotionnelle très élevée.
C’est le conjoint qui travaille trop, est épuisé cerné, à qui je dois rappeler un peu trop que l’ado n’a pas la capacité là, ça va craquer et ça sera à moi de ramasser les morceaux de l’enfant et j’ai de moins en moins les capacités émotionnelles.
J’ai besoin de partir en vacances, seule sans doute.
À la place dans quinze jours, nous passons un we dans mon épuisante famille, sans envie. Je vais devoir cadrer, je m’en prendrai plein la tête parce que je ne vais pas chez le coiffeur m’occuper de mes cheveux cassés et blanchis et que c’est laid et qu’il ne faut pas se laisser aller comme ça tu attends quoi, teins-toi en châtain, du clair, ça te va bien. Le tribunal recommencera, et tes enfants tu vas continuer encore longtemps à faire l’école à la maison et tu n’as pas peur qu’ils ne réussissent pas et tu leur fais faire quoi et tu as le niveau toi pour être leur prof, concrètement vous faites quoi est-ce que c’est assez il a du retard là non et vous avez des contrôles quand même ? Devoir écouter leur racisme, leur x-phobie (homo, grosso, et tout ce qu’on peut y mettre, ils cochent), la bêtise, la méchanceté souvent, écouter le mari tenter tranquillement de recadrer les horreurs prononcées.
Ça va être joyeux.
Le positif de ce séjour.. ma grand-mère mais elle perd la tête, mes cousins mais ils disent les mêmes horreurs alors..
Enfin si, il y aura cousin4 (qui habite loin), en couple et heureux nouveau papa, je vais faire la connaissance de son bébé et de sa conjointe . J’attends de voir ce que ça donne, le racisme et une femme noire, vu comme chacun m’en parle dans son dos – oui c’est moche, encore. Ma grand-mère qui me dit souvent, Tu le sais qu’elle est noire ? Mais vraiment noire. Enfin, elle est gentille hein. Je n’ai rien réussi à savoir de plus. Elle est noire et gentille, je ne sais que ça d’elle. Et que son maquillage est « trop forcé ». Et qu’elle est paresseuse, pardon je sais ça aussi.
Je suis épuisée à l’avance.
Est-ce que ça se fait de dire à toute sa famille, je ne veux pas venir vous voir vous êtes trop laid à l’intérieur ?
Ven 7 Juil 2023 – 13:54
Ma tante-marraine a appelé pour notre arrivée prochaine, je dois lui faire une liste de plats parce que nous sommes végétariens et que lorsque je lui dis « juste des salades c’est très bien » elle me répond « mais tu remplaces la viande par quoi ». Les œufs sur une fois ne lui semblent pas suffisants sur trois repas à prévoir. J’oublie encore que lorsqu’on a de la viande à tous les repas, il n’est pas entendable qu’un végétarien ne la remplace pas systématiquement. M’a expliqué que j’avais tort. Nous avons parlé pizza maison, m’a re-expliqué que j’avais tort, cette fois de ne pas manger aussi autre chose « parce que ça ne suffit pas juste une pizza ». Il semble que je mange vraiment très mal.
Elle a ajouté, « si dans deux jours je n’ai rien, je te relance ». Je lui ai donc fait remarquer, « j’ai donc deux jours pour le faire » et ma remarque l’a déstabilisée, elle a bafouillé (maigre victoire, au ras du sol).
Elle m’a pris la tête, juste avant. J’étais peut-être un peu moins réceptive à son problème de gavage nourriture après m’être fait engueuler d’avoir oublié son anniversaire. Que je n’ai en l’occurrence pas du tout oublié. J’ai juste refusé de le lui souhaiter, il y a une nuance de taille. Elle, ça fait deux ans qu’elle m’oublie et qu’elle me le souhaite le jour de celui de ma mère (comme le faisait ma mère, au passage), et je n’en ai pas fait une affaire. Et son dernier appel dont je peinais à me remettre ne m’encourageait pas à l’avoir de nouveau au téléphone, j’ai donc passé la date sans être concernée. J’ai eu tort encore. Très énervée elle m’a expliqué que tout de même c’était facile de se souvenir puisque c’était le jour de l’indépendance des USA.
Ce qui m’a laissé perplexe.
Si j’en connais effectivement la date, son importance est fortement relative sur ma petite vie pas du tout américaine. Donc la probabilité que je me souvienne que oh, aujourd’hui c’est la fête d’indépendance et que oh, aujourd’hui c’est donc l’anniversaire de la tante chiante, est, somme toute, assez faible. J’envisage très sérieusement d’également faire sauter l’appel de l’année prochaine, question de principe.
Si tant est que j’ai toujours des liens d’ici là.
Jeu 13 Juil 2023 – 10:04
Edna O’Brien a écrit:
l’histoire d’une vie s’inscrit dans le corps tout autant que dans le cerveau
Je ne sais pas si ça a été l’incendie, le point d’orgue. Le feu à quelques pas, les camions de pompiers, les véhicules de police, les curieux, l’hélicoptère qui se jette dans le brasier – et la sensation qu’il va se crasher – la question que chacun s’est posé dont une à voix haute, doit-on préparer nos affaires, la forêt en feu, la nôtre. La matinée en flammes et la peur qui monte, j’ai déjà perdu une maison, comme ça – sur une allumette.
Nous ne sommes pas encore allés voir les dégâts, nous avons préféré la rivière, l’inconscient nous a envoyé à l’eau – je réalise. Au moment du départ, un camion de pompier retournait sur les lieux des heures après l’avoir éteint – surveillance ?
C’est sans doute ça, la petite chose de trop.
La tension a lâché cette nuit sur la crise de larmes – violente – apaisant la crise de douleur – violente – de cette semaine.
Ce qui me conforte dans l’idée qu’une partie des douleurs est imputable au stress (que le fait soit connu des médecins, le stress aggrave la maladie, n’empêche pas que le comprendre et donc l’entendre dans mon corps, est autrement plus impactant).
Cela me donne un possible.
Quelque chose.
Ven 14 Juil 2023 – 11:30
@Jeremy, merci 
J’apprends. À ne pas m’oublier. Ce n’est pas au point, encore, mais j’apprends : )
.
Demain, le séjour familial. Je suis tendue, très fatiguée déjà.
La liste de plats envoyée a lancé ma tante-marraine sur le sujet « remplacer la viande à tout prix ». Je lui ai donné un cours sur l’alimentation où je lui ai démontré qu’avec toutes les protéines dispersées dans les légumes, légumineuses, noix et autres, non seulement il n’y avait pas besoin de « remplacer » mais surtout manger de la viande à tous les repas était trop riche – il ne faut pas non plus me chercher trop longtemps – et contre toute attente elle m’a remercié, ravie semble-t-il. Les gens ne sont jamais où on les attend. Pour autant je suis certaine que la conversation sera relancée demain, d’autant qu’elle m’a habitué à ne retenir que ce qu’elle veut des conversations.
J’ai réussi à faire sauter un repas chez elle, le dimanche je serai chez ma tante de cœur. J’ai lancé une invitation inversée, j’ai fait exactement l’opposé de ce qu’on m’a inculqué : j’ai demandé. Elle était heureuse que je l’ai fait, et j’ai eu l’impression, heureuse d’annoncer à sa sœur que ça se passerait différemment de ce qu’elle avait organisé. Elles sont tendues, l’une avec l’autre, depuis qu’elle se laisse moins diriger, c’est inévitable.
J’observe ma tante apprendre à dire non à soixante-dix ans, c’est très… apaisant.Elle se rapproche de moi, depuis mon retour au sein de la famille. Elle se confie, elle m’écoute.
Elle m’a dit au téléphone, ‘tu es la fille que je n’ai pas eue’.
J’apprends à gérer la phrase.
Dim 23 Juil 2023 – 20:52
La journée a été épuisante mais efficace.
Répondant à mon besoin d’être entourée de plantes, l’homme qui partage ma vie (et beaucoup moins mes plantes) a décidé de créer une échelle de bambou afin d’en faire grimper quelques-unes. Ce qui a poussé a remanié une partie du salon, et par ricochet notre chambre. Au départ tout ce que je voulais, c’était monter au grenier ma couture (je ne m’en occupe pas, autant qu’elle arrête d’encombrer), libérer le meuble et l’installer dans l’entrée pour les chaussures.
C’est chose faite.
Je suis très fatiguée, mes pieds ne me portent plus, mais il y a une joie profonde en moi. Ce petit coin de verdure est apaisant… plus encore, ressourçant.
J’ai mêlé l’épipremnum (l’ancien mal nommé pothos) avec la misère (tradescantia zebrina), et maintenant je croise les doigts que tout se passe bien. Habituellement je ne manipule pas les plantes comme ça..Photos:
Avant

Après

Ça ne rend pas très bien sur la photo, mais ça a changé toute la tonalité du salon..
Et parce que j’étais en intense besoin de me relier à de la verdure qui ne soit pas en souffrance hydrique, hier il m’a emmenée à Jardiland, et sans aucune fierté j’ai acheté deux plantes tropicales : une Hoya minuscule et une Dieffenbachia petite. Il m’arrive de renier mes propres principes..
Depuis j’ai la sensation de respirer de nouveau, d’être de nouveau connectée, liée à.Photo de la Dieffenbachia:

Mon amie de Bretagne est prête à ce qu’on s’envoie des boutures par la Poste, même si elle soutient qu’elle n’a pas la main verte et que ça risque de rater plus qu’autre chose. Elle a de fait peu de plantes, une petite étagère.
Si par ici vous souhaitez quelques échanges, et même si je n’ai pas grand-chose encore, ça serait avec plaisir !
Il me semble être prête pour une forêt de plantes dans la maison ^^ (d’une certaine manière, lui aussi)
Mer 16 Aoû 2023 – 12:01
Samedi
Il est arrivé une chose qui ne s’était pas produite depuis… depuis. Il n’y avait plus – on l’a bousculé seulement pour nos anniversaires respectifs. C’est arrivé comme ça, par la force des choses, parce qu’un besoin de temps, parce que l’habitude qu’on pourrait nommer routine, parce qu’une maison à construire ça fait ça sans doute – prendre le temps l’arracher et le rendre épuisé – parce que les enfants la vie la fatigue ma santé : il n’y avait plus de temps à deux. Ça a fini par manquer, ce temps de couple. Après les différents achats qui nous ont fait courir un peu partout, il s’est arrêté à une terrasse et autour d’un verre nous avons discuté juste lui et moi, pas d’enfants de soucis d’interférences, juste lui juste moi. Je me suis remise à respirer, à croire que j’étais en apnée.
En repartant nous sommes passés devant chez une fleuriste et il est arrivé une chose étonnante : mon regard s’est accroché sur une succulente. Je n’apprécie que moyennement les succulentes. Il faut bien comprendre que c’est piquant et que je ne m’approche jamais volontairement de ce qui peut me blesser – principe de vie.
Ce sont des plantes tout en retenue, elles coincent l’eau dans leurs feuilles pour survivre aux sècheresses. Je devrais à tout le moins me sentir solidaire – nous pratiquons à haut niveau, l’une et l’autre, la survie – mais ma nature profonde est plongée dans les montagnes et l’eau ruisselante, je suis loin des zones désertiques.
J’ai donc un bout d’Afrique du Sud sur mon bureau, je n’ai pas très bien compris comment c’est arrivé.
Je ne suis pas certaine d’avoir choisi la plante, j’ai plus la sensation que c’est elle qui m’a choisie. Un appel qui a fait tourner ma tête. Lorsque je l’ai eue en main, je me suis aperçue qu’elle avait une petite hampe florale et que c’était la seule à en avoir une, j’ai souri de cette chance.
Le plus amusant étant sans doute que cette Haworthia fasciata est surnommée Haworthia zebre – de circonstance, pour vous la présenter.
Samedi, prise de conscience
Une conversation sur le fil de Lae a dévié ma route. Sur ce que je pensais de moi. Sur ma capacité à me jeter dans un domaine et apprendre « facilement« . Toute ma vie, je me suis sentie pire que nulle, ma mère m’a toujours dit que je n’arriverais à rien et je lui ai donné raison. Je lui ai accordé ce pouvoir-là. J’ai raté mes études, raté la musique, raté tout ce que j’ai entrepris. Avoir touché un peu à tous les domaines n’a fait que confirmer ce fait, je n’arrive à rien, je ne suis nulle part, je ne fais rien de mes savoirs.
Il y a également le poids familial, puisque mon grand-père était affligé du même sentiment de n’avoir aucun don, de ne rien valoir, d’être rien.
Sur cette conversation, quelque chose a cranté : j’y arrive à ce quelque part, seulement je n’approfondis pas, par peur sans doute de l’échec annoncé. Et j’y arrive rapidement, surtout. La phase « débutante » n’excède pas quelques semaines, j’obtiens des résultats – puis je claque la porte. La moindre difficulté de parcours me fait reculer, « je ne suis pas capable de le dépasser ».
Je ne sais pas encore ce que je vais faire de cette prise de conscience, que j’apprends rapidement et que « je pourrais » aller plus loin. On n’efface pas quarante-six années de tête sous l’eau avec un boulet au pied sur lequel il est écrit « tu es nulle en tout ». Je vais commencer par prendre le temps de savourer ce fait, j’apprends plus vite que la moyenne, particulièrement dans les arts. Un pas après l’autre.
Lundi
Je me suis réveillée au cri étrange d’un oiseau assez proche de ma fenêtre encore ouverte, à la limite de la corneille sans être du tout ça. Je me suis demandé si c’était un corvidé inconnu de moi. Après recherche il s’est avéré qu’il s’agissait d’un Loriot d’Europe, un passereau… africain. Il n’est par ici que pour la reproduction, dans très peu de jours, semaines, il va repartir vivre en Afrique (centre et sud). Je me demande s’il est bilingue.
Lun 30 Oct 2023 – 21:34
Je suis à cette période de l’année de tasses chaudes et repli.
– silences.
Je devrais me créer un laboratoire de mots en chantier.
Le bordel, que ça va être.
–
Samedi 28
Ex-ami est revenu dans la conversation, B. aussi s’est invitée. Il s’agissait de l’épaule, celle qui s’échappe qui s’en va parce que je perds des bouts de moi dans cette histoire. Je commence à la retenir, à l’apprendre en place. Elle est moins douloureuse, même si. Tout un deuil à poser. Je crois, j’entends : compter sur moi en premier. Pas sur l’autre, plus défaillant.
Difficile de compter sur soi parfois, sur un corps d’où le collagène s’absente et où la base est l’effondrement.
Double discours alors, je ne peux m’appuyer sur moi mais je dois.
Si je vais plus loin dans l’enfance
– ai-je développé la maladie dont j’avais besoin pour exprimer ce qui lâchait autour.
Si rien – personne – n’est fiable à part cet homme, alors j’ai réussi ça.
– je dois pouvoir le refaire.
Dim 5 Nov 2023 – 11:21
En discutant tout à ‘heure, deux choses sont arrivées à ma conscience.
. je fouille du côté TDA là où ma maladie à elle seule peut expliquer ce problème d’attention. Bien malin qui saura démêler l’un de l’autre, le résultat étant le même. Je suis inconstante, en difficulté d’attention, je m’éparpille, je ne vais au bout d’aucun projet. Mais je fuis la douleur, donc je me fuis moi, je suis déconnectée et épuisée. Je peux alterner les phases hyperactives et au contraire atones, mais rien d’étonnant finalement. Ce symptôme de TDA est connu dans ma maladie, fin de la recherche je pense, j’ai besoin de mon énergie pour autre chose. Je vais seulement continuer à chercher ce que je peux mettre en place, faire des listes pour tout, et essayer de conscientiser ma concentration lorsque c’est important comme pas.
. je commence à relier des traumas d’enfance/ma mère à des émotions. Parler des chatons m’a soulevé l’estomac et c’est bien la première fois que ça arrive. Habituellement je n’ai aucun souci à en parler, je suis factuelle. Je sais que c’est une bonne chose que cela arrive enfin (après tout, je travaille pour, ce n’est pas comme si ça arrivait par hasard), mais je dois aussi reconnaître si je veux être honnête, que c’est violent – une main serrée sur la gorge. Et que j’essaye là tout de suite de mettre à distance, mais sans succès, la porte est ouverte. Là c’est difficile, je suis tendue de ce brouillard qui se lève, je me réjouirai dans deux ou trois ans. Ou dix. Ou pas.
Mer 8 Nov 2023 – 16:47
Mes cheveux se sont évaporés. D’une épaisseur folle, ils se sont arrachés de moi ; ils sont mon désespoir lorsque je passe mes doigts. Le stress et les chocs ont tout fait tomber. Il n’y a tellement plus rien, je ne sais plus leur raison d’être – si longs. Une chute brutale sur six années que je n’ai pas réussi à endiguer, il n’est plus possible de les tresser sans avoir une queue de rat – c’est joli une queue de rat, mais sur les rats.
Je coupe un bout presque un jour sur trois. Je ne crois pas que cela puisse être droit, les boucles légères camouflent ce que je détruis. Je ne sais pas ce que je massacre ainsi, un désarroi ou des cheveux, mais je coupe. Je retire ce qui n’existe plus.
Je suis encore sous les épaules, il n’y a toujours pas d’épaisseur. J’ai disparu, je ne m’arrête pas de retirer ce qui de moi a disparu, je coupe des liens – je crois. J’équilibre comme je peux (déjà) dix centimètres retirés un jour puis un autre, encore un autre, je tente le droit sans y mettre de cœur. Ça n’est pas important, encore, pas dramatique non plus, de l’à-peu-près efficace. De toute façon, les boucles légères. Elles équilibrent sans moi.
Me revient une très vielle conversation – j’habitais encore l’Auvergne, ce devait être C. qui m’en parlait – sur une femme pratiquant la coupe de cheveux comme des liens à se débarrasser, les personnes toxiques ou négatives tombaient au sol, les traumas s’effondraient, les personnes pleuraient souffraient, c’était d’une puissance… (avec C., tout était toujours étrange), je me demande ce que j’en ai retenu pour que je fasse ça depuis plusieurs semaines. Si je vais m’arrêter avant de ressembler à une garçonne. Si je vais arrêter d’abandonner ce qui de moi, a disparu dans les chocs.
De l’écrire, sans doute…
– Il me semble, c’est lumineux. La mort tombe.
Ce qui fut du désespoir s’apparente désormais à une tentative de retrouver une consistance.
un choc de l’aube dans les fleurs
me laisse ivre de rien et de lumière lilas
ivre d’immobilité et de certitude– L’arbre de Diana, Alejandra Pizarnik, 1962
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